Intervention de Florence Poivey

Réunion du mardi 22 mai 2018 à 17h00
Commission des affaires sociales

Florence Poivey, négociatrice du MEDEF sur la formation professionnelle :

Le MEDEF a deux raisons de se réjouir.

En premier lieu, c'est la première fois qu'un Gouvernement met sur la table le sujet de la formation professionnelle dans sa globalité – à la fois dans sa dimension initiale et dans sa dimension continue, qu'elle bénéficie aux salariés ou aux demandeurs d'emploi. C'est aussi l'approche qu'ont retenue ceux de nos voisins qui ont fait de la formation professionnelle un vrai levier de compétitivité des entreprises et de sécurisation des parcours professionnels.

En second lieu, le Gouvernement manifeste de l'audace et une volonté forte dans le domaine de l'apprentissage. Nous appelons depuis très longtemps de nos voeux une réforme en profondeur de l'apprentissage car là aussi, dans ceux des pays voisins qui ont une économie dynamique, il est un vrai levier, à la fois pour les entreprises et pour les individus. L'industrielle du Massif central que je suis n'aurait jamais pu assurer à son entreprise une croissance à deux chiffres pendant vingt-cinq ans sans l'apprentissage pour lui permettre d'anticiper les besoins.

Nous avons néanmoins quelques attentes.

Il nous paraît très intéressant – à l'image de ce qui se passe en Suisse, en Allemagne, en Autriche ou au Royaume-Uni depuis quelques années – que le Gouvernement souhaite confier le pilotage du système d'apprentissage à ceux qui sont à l'origine des besoins et qui embaucheront les jeunes ensuite, c'est-à-dire au monde de l'entreprise. Le changement de logique de financement de l'apprentissage nous paraît tout aussi intéressant. Que ce soit dans un pays très libéral comme la Suisse ou dans un pays très administré comme le Danemark, c'est cette logique qui prévaut – dans un souci de performance, d'efficience et d'efficacité. D'autres mesures sont par ailleurs proposées au Parlement qui nous paraissent importantes pour lever les freins quotidiens au recrutement d'apprentis.

S'agissant de la formation professionnelle, nous émettrons tout d'abord une réserve de fond. Le Gouvernement a fait un vrai choix philosophique que nous respectons en tant que tel mais qui nous inquiète beaucoup : celui d'une très grande individualisation du compte personnel de formation (CPF). C'est nous, partenaires sociaux, qui avons voulu ce compte personnel de formation et qui l'avons proposé en 2013 – nous, organisations patronales, en tête. Le MEDEF l'a défendu avec force, avec deux piliers. Celui de la liberté, tout d'abord : nous étions très attachés à la liberté des salariés et à leur capacité de devenir de véritables acteurs bâtisseurs de leur parcours professionnel. Le pilier de la responsabilisation, ensuite, afin que les formations soient à la fois qualifiantes et certifiantes. Nous sommes favorables à ce qu'on aille plus loin dans cette liberté mais sommes profondément convaincus que l'entreprise reste indispensable dans ce parcours. Certains auront peut-être envie de suivre une formation parce que c'est intellectuellement stimulant mais la très grande majorité des gens voudront que leur parcours de formation ait une utilité, donc qu'il corresponde aux besoins des entreprises. L'un des aspects les plus riches de l'accord qui a été conclu avec les partenaires sociaux concerne la coconstruction, par les salariés et l'entreprise, de projets stratégiques de montée en compétences des collaborateurs.

Ensuite, certains points qui nous paraissaient extrêmement importants ne sont pas traités dans le projet de loi, telle la maîtrise de l'expression des besoins en compétence des entreprises et de l'évolution de ces besoins. Nous, partenaires sociaux, nous sommes engagés à développer une véritable volonté politique autour de ces enjeux et à mettre de vrais moyens au service de cette volonté. Nous ne retrouvons pas ce sujet, pourtant essentiel, dans le projet de loi. Il faut que nous soyons ensemble – partenaires sociaux, régions et État – capables d'anticiper véritablement l'évolution des besoins en compétence de nos entreprises.

Dans le cadre de l'accord, nous proposions une politique de certification qui soit menée d'une part par des personnalités du monde de l'entreprise beaucoup plus professionnelles qu'aujourd'hui, d'autre part de façon plus agile, plus souple et plus réactive, compte tenu de l'évolution du monde qui nous entoure.

Reste toute la partie que le Gouvernement a souhaité ajouter, par rapport à l'accord que nous avons négocié, à propos de la gouvernance, avec France compétences, et du regroupement des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Nous avons le sentiment que France compétences a été voulue et pensée comme devant exercer des missions de régulation et de contrôle. Dès lors que le CPF bascule en euros et que l'on passe à une logique de financement de l'apprentissage par contrat, il est évident qu'il faut réguler l'offre de formation mais cette instance doit avoir une véritable ambition car elle est la seule qui va porter la formation professionnelle – sujet d'avenir stratégique pour nos entreprises. Il faut donc qu'elle fasse de la prospective et de l'évaluation et qu'elle soit au service de la politique de certification. Nous appelons de nos voeux une instance qui ait une ambition et des moyens élargis et qui nous mette tous sous tension – que nous soyons entreprises, branches, organismes de formation, élus régionaux ou État. Il faut qu'elle garantisse à la fois la performance, l'évolution continue et la cohérence du système.

Enfin, un grand manque nous apparaît : certes, 15 milliards d'euros sont prévus au service de la formation des demandeurs d'emploi mais où sont les voies nouvelles pour aborder cette formation ? En ce domaine, la France n'est pas efficiente – toutes les études comparatives nous le disent. Nous aurions donc attendu de la part du Gouvernement qu'il s'engage en faveur d'une disruption réelle à ce sujet.

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