Intervention de François Asselin

Réunion du mardi 22 mai 2018 à 17h00
Commission des affaires sociales

François Asselin, président de la CPME :

On ne peut évidemment pas être hostile à l'égalité entre les femmes et les hommes ni aux travailleurs handicapés ; on peut en revanche s'interroger sur les dispositifs à mettre en place pour corriger ce qui doit l'être.

En matière d'égalité entre les femmes et les hommes, la question de la rémunération est, à mon avis, la plus facile à régler, même si ce n'est pas toujours aussi simple, dans la mesure où il y a toujours un élément subjectif qui intervient dans la rémunération. Ce que je veux dire, c'est que, lorsque on dresse une cartographie des salaires au sein de l'entreprise – ce que je fais pour ma part tous les ans dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) –, on parvient globalement à assurer l'égalité de rémunération à poste équivalent. Néanmoins, il faut reconnaître qu'au niveau collectif, il reste beaucoup de chemin à parcourir. L'idée d'établir des indicateurs au sein de l'entreprise est bonne, sauf que je vois mal comment, dans une entreprise de moins de cinquante salariés, il sera possible de le faire en préservant l'anonymat des données. C'est donc une question qui reste à régler.

De même, l'installation d'un logiciel dédié au traitement des écarts salariaux risque de se traduire pour les petites entreprises qui ne disposent pas de service RH par des coûts de développement et de formation supplémentaires. Je ferai observer en passant que cela fait quelques années que, tous les six mois, les services de paye sont soumis à de nouvelles évolutions ; or, à vouloir toujours simplifier les choses, on a parfois tendance à les complexifier.

En ce qui concerne les travailleurs handicapés, nous ignorons souvent qui sont les personnes qui, dans nos effectifs, souffrent d'un handicap, car il s'agit d'une donnée confidentielle, qu'elles seules ont la possibilité de divulguer ou non.

Par ailleurs, il peut être très compliqué pour une entreprise qui le souhaite de recruter des travailleurs handicapés : j'ai de nombreux témoignages en ce sens, sans que je sois capable d'expliquer où se situe le point de blocage.

Le fait de laisser l'AGEFIPH au centre du dispositif nous semble plutôt une mesure sage, une rupture brutale nous inquiéterait au contraire. L'AGEFIPH a plutôt en effet une bonne connaissance du milieu de l'entreprise, mais cela ne résoudra pas les difficultés de recrutement.

Quant à passer par la DSN (déclaration sociale nominative) plutôt que par la DOETH (déclaration annuelle obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés), c'est plutôt une bonne mesure, qui va dans le sens de la simplification.

J'en viens à l'assurance chômage. Le Président de la République a fait un choix politique, conforme à ses promesses de campagne et à une conception de l'assurance chômage comme participant de la solidarité, ce qui rompt avec notre conception traditionnellement assurantielle. Dès lors, les partenaires sociaux se retrouvent dans une position délicate, puisqu'ils sont chargés d'assurer l'équilibre d'un régime dont l'État peut unilatéralement modifier les règles du jeu. C'est déjà un peu le cas aujourd'hui, on l'a vu sur la question des intermittents du spectacle ou celle de Pôle emploi, financé à 80 % par l'Unédic (Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce), sans que les partenaires sociaux aient été pour grand-chose dans cette décision.

On pourrait multiplier les exemples jusqu'à cette annonce de l'ouverture du régime aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants. Dont acte. Mais je pose la question du rôle qu'auront désormais les partenaires sociaux : quel sera notre statut ? devrons-nous nous contenter d'avaliser des décisions qui ne seront pas les nôtres ? Auquel cas, il ne faudra plus nous appeler partenaires sociaux mais d'un nom plus conforme à ce que sera notre nouveau pouvoir d'opposition, nos nouvelles marges de manoeuvre. Cela dit sans amertume, mais c'est une véritable question de fond.

On aurait pu s'orienter vers une solution radicalement différente, faire un autre choix politique, responsabiliser les partenaires sociaux et calquer la gouvernance de l'assurance chômage sur celle des retraites complémentaires. Celles-ci ne peuvent être financées par l'emprunt. Du coup, lorsqu'ils se mettent autour de la table, les partenaires sociaux sont obligés de trouver une solution, comme ils l'ont fait en 2017 en signant un accord assez courageux, sans demander quoi que ce soit à qui que ce soit. Ils auraient pu faire de même avec l'Unédic, l'État se recentrant sur les responsabilités qui doivent être les siennes, et les partenaires sociaux négociant le financement d'une soulte, estimée à 35 milliards d'euros, charge pour eux de parvenir à terme à équilibrer le régime. Cela aurait été conforme à l'accord national interprofessionnel (ANI) signé en mars 2017.

Pour en venir à l'indemnisation des indépendants, il est clair que le fait générateur doit être la liquidation, mais j'appelle votre attention sur le fait qu'il ne faudrait pas que le tribunal qui prononce la liquidation engloutisse dans le règlement de cette dernière les quelque 800 euros d'indemnités perçues par le chef d'entreprise, sans quoi votre réforme aura loupé son objectif.

Enfin le CPF ne pose guère de problème pour ceux qui ont accès à l'information, mais qu'en est-il des autres ? J'ai récemment changé l'ERP (enterprise resource planning, soit progiciel de gestion intégré) de mon entreprise. Or, il est apparu que le nouveau système faisait perdre leur emploi à deux salariés, l'un à la préparation des appels d'offres et l'autre à la paye. Nous avons donc anticipé pour les former à d'autres postes, mais comment auraient-ils pu le décider d'eux-mêmes, sans avoir connaissance de cette information. Je n'ai donc rien contre l'individualisation de la formation, mais je vous mets en garde contre le fait qu'assez peu de salariés ont accès aux informations leur permettant de faire les choix pertinents pour la suite de leur carrière.

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