Intervention de Robert Brzusczak

Réunion du lundi 14 mai 2018 à 17h00
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Robert Brzusczak, président de la Fédération nationale de l'industrie laitière (FNIL) :

En ce qui concerne les contrôles, le secteur laitier est soumis à une réglementation européenne qui date de 1992. Les principaux textes d'application sont le règlement (CE) n° 1782002 qui fixe les fondements du droit alimentaire et énonce certains principes sur la responsabilité des opérateurs, la traçabilité et les obligations de retrait et de rappel. Les réglementations spécifiques et d'hygiène – c'est-à-dire le règlement (CE) n° 8522004 et le règlement (CE) nº 8532004 – précisent les exigences que doivent respecter les opérateurs. Quant au règlement (CE) n° 20732005, il fixe les critères microbiologiques à respecter. Cette législation s'applique à toutes les entreprises laitières européennes.

S'y ajoutent des guides de bonnes pratiques que nous publions nous-mêmes au sein de structures proches de notre fédération. Avec la Fédération nationale des coopératives laitières, nous avons ainsi créé l'Association de la transformation laitière Française (ATLA) qui travaille notamment sur les volets réglementaires.

Les entreprises doivent mettre en place un plan de maîtrise sanitaire comportant quatre volets : les bonnes pratiques d'hygiène ; l'analyse du risque selon le système HACCP (Hazard analysis critical control point) ; la traçabilité ; les procédures de gestion des rappels et des retraits.

Les entreprises laitières assument la responsabilité des produits qu'elles mettent sur le marché. C'est positif. Une autre solution consisterait à leur demander de respecter un certain nombre de normes et d'analyses derrière lesquelles elles pourraient s'abriter en cas de problème en arguant : nous avons respecté toute la réglementation, ce qui est arrivé n'est pas de notre faute.

La législation actuelle, qui est très positive, nous donne une obligation de résultat et elle n'est pas construite sur une obligation de moyens. C'est quelque chose de fondamental : une entreprise de transformation laitière doit mettre sur le marché des produits qui ne comportent aucun risque alimentaire. Il faut néanmoins rappeler que nous travaillons une matière vivante : le lait, qui vient des vaches, n'est pas stérile ; il contient des microbes, des bactéries, des éléments qui peuvent se développer et même devenir pathogènes. Nos usines doivent protéger les produits mais elles évoluent dans cet univers du vivant et non pas dans un environnement stérile. D'ailleurs, si nous ouvrons notre réfrigérateur, nous y trouverons probablement tous des traces de salmonelles. En France, on identifie chaque année de l'ordre de 10 000 cas de salmonellose. Les salmonelles ne sont pas liées au secteur laitier puisque tout ce qui est animal et vivant peut porter ce type de contaminant.

Dans nos entreprises, on distingue deux catégories de produits : ceux qui sont transformés après pasteurisation, une façon d'éliminer les bactéries et microbes contenus dans le lait ; ceux qui sont à base de lait cru, qui nécessitent beaucoup d'attention et qui occasionnent plus souvent que les autres des procédures de rappel. Certains de nos adhérents ont d'ailleurs choisi de ne pas travailler le lait cru pour des raisons de sécurité et pour défendre leur marque. Sans évoquer le cas qui nous amène ici, je dirais que lorsqu'une marque est touchée par ce type de problème, les conséquences peuvent être importantes.

Notre travail est de tendre vers le risque zéro qui, malheureusement, n'existe pas dans l'univers du vivant. Les procédures et les processus que nous mettons en place visent à limiter ce risque. Voilà pour ce qui est des contrôles dans la chaîne, sur lesquels je pourrai revenir à la faveur de vos questions.

Pour les autocontrôles, nous obéissons à la logique que j'ai décrite précédemment : nous sommes responsables du résultat ; à nous de mettre, pour l'atteindre, les moyens adaptés qui diffèrent en fonction des produits fabriqués. Un lait à longue conservation UHT est, comme son nom l'indique, traité à ultra-haute température avant de passer dans des tuyaux et d'être emballé sans qu'il n'ait aucun contact avec l'atmosphère extérieure. Pour ce produit, nous avons un certain niveau d'autocontrôle. Pour le lait cru, les procédures d'autocontrôle seront exponentiellement plus élevées tout comme les risques encourus. La fréquence des autocontrôles n'est pas unique, elle est adaptée à la structure de l'entreprise et surtout aux produits fabriqués. C'est à l'entreprise de déterminer les procédures d'autocontrôle afin d'assurer la sécurité des produits qui sortent de ses usines.

Les documents relatifs à l'autocontrôle ne sont transmis aux autorités que lorsqu'il y a un risque concernant les produits. La législation actuelle n'amène pas les entreprises à communiquer ces informations aux autorités, puisque cette transmission relève de leur responsabilité. Ce n'est que si l'entreprise estime qu'un produit présente des risques qu'elle informe les autorités de ce qu'elle a constaté. Il est vrai que l'affaire qui nous amène ici tend à faire un peu évoluer les pratiques. Les entreprises commencent à anticiper puisque, dans le cas présent, il a été dit que la communication aurait été absente ou mal comprise. Certains de nos adhérents se mettent à anticiper et à faire part de problèmes qu'ils rencontrent pour essayer de renforcer la relation avec l'administration. Cela étant, je le répète, nous avons une obligation de résultat c'est-à-dire que nous devons assurer le contrôle puisque nous devons garantir que nos produits sont sains.

Où se passe cet autocontrôle ? Cela dépend de la taille des entreprises. Les plus importantes possèdent des laboratoires internes où sont effectués les autocontrôles pour des questions de rapidité et d'efficacité. Quand l'échantillon doit partir dans un laboratoire extérieur, l'analyse prend plusieurs jours, voire une semaine, ce qui donne un temps de réaction relativement long. Certaines entreprises ont des laboratoires d'autocontrôle qui sont appuyés, toujours en interne, par des laboratoires accrédités par le Comité français d'accréditation (COFRAC). Cela permet de faire un deuxième contrôle mais ce n'est pas la norme habituelle. Généralement, ce sont des laboratoires d'entreprise qui pratiquent l'autocontrôle.

Vous m'interrogez sur la fréquence et la fiabilité de ces autocontrôles. Comme je vous l'ai dit, la fréquence varie en fonction du type de produit et de la taille de l'entreprise. Les entreprises de grande taille pratiquent des dizaines de milliers de contrôles par an. Les entreprises de taille plus réduite, qui sont tenues aux mêmes obligations que les autres, peuvent faire appel à des laboratoires extérieurs.

Existe-t-il une fréquence minimale en ce qui concerne les visites de l'administration ? Sur ce point, je laisse la parole à Mme Delfaut.

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