Je parlerai ici des coopératives et non des négociants, que je connais moins. Un certain nombre de coopératives ont été éclaboussées par des scandales liés à un mauvais conseil. Elles ont vraiment intégré, me semble-t-il, la nécessité de bénéficier d'un conseil sécurisé. Dans mon exploitation, nous recevons un conseil sous une forme papier, écrite, tracée, justifiée. Un conseil doit obligatoirement être argumenté et indiquer une méthode alternative.
Par ailleurs, les hommes de l'art cités par Didier Martin sont peu nombreux. À l'heure actuelle, les coopératives et les négoces ont des conseillers, et il ne sera pas aisé d'organiser la transition vers cette nouvelle organisation, qui commence à se développer et peut parfois soulever des questions. Un certain nombre d'agriculteurs ont choisi de faire appel à du conseil indépendant, qui est de grande qualité, souvent payant et assez onéreux. Demain, des agriculteurs éprouvant des difficultés financières ne seront-ils pas tentés d'acheter du produit « sec », c'est-à-dire sans conseil ? Qu'est-ce qui les obligera à réaliser cet investissement ? Sur mon exploitation, de par ma formation, je fais très rarement appel à un conseiller ; ce n'est le cas que pour des produits ou des cultures particulières que je ne connais pas. Mais qui de vous peut attester ma compétence ? Peut-être, demain, déciderai-je, par volonté d'économies, d'agir seul, en assumant les risques d'une telle entreprise. D'un côté, je trouve intéressant que des agriculteurs soient formés et autonomes, mais, de l'autre côté, un certain nombre d'entre eux ne vont-ils pas faire un mauvais choix ? Il faut être vigilant sur ce point.
Je suis extrêmement favorable à la démarche de formation des agriculteurs. On a cité le CEPP, mais il existe aussi le Certiphyto – certificat individuel de produits phytopharmaceutiques – qui aurait, me semble-t-il, vocation à être renforcé pour mieux former les agriculteurs à prendre des décisions. La démarche des CEPP, comme l'a dit Dominique Potier, est un peu contradictoire avec celle conduisant à séparer le conseil de la vente. Un certain nombre de coopératives et de négoces se sont engagés dans cette voie ; je ne vois pas comment ils peuvent amorcer un processus de réalisation d'économies s'ils n'ont plus de conseil à fournir. M. Potier a cité l'exemple du colza, avec des démarches très innovantes concernant les plantes compagnes, engagées par une coopérative dans le cadre d'une initiative privée.
Je m'inscris dans la démarche pluriannuelle évoquée par notre président de groupe, Marc Fesneau. Il faut veiller à la comparaison avec la séparation entre pharmaciens et médecins : elle a son intérêt, mais elle présente également des inconvénients. Comme le Gouvernement agira par ordonnance, sous quel angle, monsieur le ministre, ce sujet – qui soulève beaucoup d'interrogations à mes yeux – sera-t-il abordé ?