Cet amendement concerne la question foncière. Vous savez que, depuis cinq ans, nous soulevons la question des désordres qui touchent nos territoires, du fait du contournement de la régulation.
Trois essais législatifs ont été faits, qui ont apporté de vraies évolutions au cours de la dernière législature. C'est le cas de la loi d'avenir agricole et de deux initiatives, dont une loi sur l'accaparement des terres, qui a été votée en mars de l'année dernière. Si ces initiatives ont permis des avancées, force est de constater que la censure du Conseil constitutionnel a fait perdurer des désordres, comme ceux que nous avons encore constatés dans l'Allier il y a peu, lorsque des sociétés chinoises ont accaparé des terrains.
Nous avons tous la conviction, et nous le disons depuis le début de l'examen de cette loi, qu'il n'y a pas d'agroécologie sans relève et qu'il n'y aura pas de relève sans politique foncière juste. Tous les syndicats, tous les experts agricoles considèrent qu'il nous faut une grande loi d'avenir agricole. Je me félicite que la demande que nous avons formulée dès le mois de juillet, avec des députés de toutes sensibilités qui avaient déjà travaillé sur ces questions, ait donné naissance à une mission d'information sur le foncier agricole, qui est présidée par Jean-Bernard Sempastous et dont je suis co-rapporteur, avec Anne-Laurence Petel.
Notre analyse, et celle que je fais à titre personnel, comme tous les responsables agricoles que j'ai côtoyés, c'est qu'une loi agricole, telle que le Président de la République a semblé l'annoncer aux jeunes agriculteurs lorsqu'il les a reçus à l'Élysée à la veille du Salon de l'agriculture, aboutira au mieux en 2019. Je suis convaincu, pour avoir approfondi ce sujet pendant de nombreuses années, qu'une grande loi foncière, à l'instar de la loi Pisani dans les années 1960, peut encore attendre six mois ou un an, voire deux ans.
En revanche, la multiplication des désordres sur le terrain suppose que nous prenions des mesures d'urgence pour prévenir les accaparements d'origine étrangère ou française les plus patents, car ces désordres sont irréversibles. Je ne voudrais pas, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous vous contentiez de nous répondre qu'une loi foncière est en préparation. Nous le savons bien, puisque c'est nous qui en sommes à l'origine. C'est parce que nous en avons fait notre combat depuis quatre ans qu'il va enfin y avoir une loi foncière dans ce pays !
Mais l'annonce même de cette loi foncière a en réalité pour effet d'accélérer ces opérations de prédation. Dans toutes les auditions auxquelles nous procédons, dans toutes les rencontres que nous faisons sur le terrain – je serai la semaine prochaine au congrès des jeunes agriculteurs – nous avons des signaux nombreux en ce sens. Ce sujet est quasiment obsessionnel dans le monde agricole. Il faut donc doter la puissance publique de moyens d'empêcher les situations les plus graves, dans l'attente d'une loi de la régulation. Sont essentiellement visés deux phénomènes : l'agriculture déléguée, qui prend des formes disproportionnées, et surtout le phénomène sociétaire.
Les propositions que nous faisons viendront un peu plus tard. Elles ont été mises dans le désordre. La première s'appuie sur le décret Montebourg, qui a initié une forme d'exception française en matière de défense nationale, mais aussi d'intelligence artificielle par exemple, et qui protège nos biens, dans le commerce international, face à une mondialisation qui pourrait être sans foi ni loi. Nous considérons, avec les syndicats agricoles, que le foncier agricole, la terre nourricière, pourrait rejoindre la liste de ces dérogations aux règles du libre commerce.
Une autre disposition, qui viendra plus tard mais que je ne défendrai pas, par souci d'économie du temps de tous, consiste à donner au préfet un pouvoir exorbitant pour une période donnée, jusqu'à l'adoption de la loi, afin de prévenir les situations que j'ai décrites tout à l'heure.