Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du mardi 29 mai 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Titre

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Monsieur le ministre, nous voilà au bout du marathon de l'examen de ce projet de loi qui a pour titre « Pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable ».

Une énergie considérable a été déployée lors des États généraux de l'alimentation. Quantité d'acteurs se sont réunis, la grande distribution, les industriels mais aussi les fédérations d'agriculteurs, les syndicats, beaucoup d'associations de défense de l'environnement et du bien-être animal, etc. Il s'agissait en premier lieu de répondre à l'urgence de la crise agricole. Un agriculteur sur trois gagne moins de 350 euros par mois, et la moitié des exploitations ont disparu en vingt ans, sans parler du taux de suicide considérable dans la profession.

C'est à cette urgence qu'il s'agissait de répondre. Pour assurer un équilibre des relations commerciales, nous avons proposé d'emblée qu'il y ait des prix plancher, pour le lait, pour le porc, pour la viande bovine, etc. Cela nous paraît la seule manière de garantir un revenu décent aux agriculteurs.

On nous a répondu que ce n'était pas possible, notamment parce que cela contreviendrait au principe de la concurrence et que l'Europe ne serait pas contente. À la place on a fabriqué une véritable usine à gaz, avec quantité d'indicateurs de coût différents, choisis par on ne sait qui : on est dans le flou le plus total.

C'est la même chose s'agissant du seuil de revente à perte. En effet on fait le pari que si on fixe un prix minimal de vente du pot de Nutella, les bénéfices supplémentaires qu'en tirera la grande distribution seront versés à l'industrie agroalimentaire qui les reversera généreusement aux paysans, ce qui est une illusion.

Que l'Assemblée nationale se nourrisse d'illusions, cela n'est rien, mais vendre cette illusion aux agriculteurs me semble beaucoup plus problématique.

Quant à la promesse post-campagne d'Emmanuel Macron d'interdire l'utilisation du glyphosate d'ici à trois ans, on nous oppose désormais là aussi les exigences de la concurrence, de même que sur l'interdiction de l'élevage des poules en cage en 2022.

Personnellement je me dirigeais mollement vers une abstention parce que ce projet de loi ne fait aucun mal : il ne fait rien ! Il n'y a pas grand-chose mais il n'y a rien à quoi je sois opposé. On se retrouve finalement dans cette atmosphère émolliente où on vous voit sur les bancs, on sent que vous faites des efforts. Jean-Baptiste Moreau, M. le rapporteur, moi, je l'aime bien. On se dit : « on ne va pas se fâcher complètement, ils font ce qu'ils peuvent ».

Heureusement ce matin en réunion de groupe, mon camarade Loïc Prud'homme, qui fera l'explication de vote au nom de notre groupe demain, m'a rappelé à l'ordre sur les illusions vendues aux paysans – ça, j'en avais bien conscience – mais aussi sur le grand vide du texte à côté. Ainsi, la réglementation de la publicité pour les enfants : c'est non ! Le Nutri-Score, c'est non ! Encore mieux, quand on a débattu de la fin de la vaisselle en plastique pour passer à l'inox, on nous a dit que 2025 et même 2028, c'était encore trop tôt pour y parvenir. Le niveau d'ambition est quand même extrêmement bas !

On se retrouve avec un texte au titre extrêmement ampoulé, au regard de la réalité des objectifs. Voilà des réformettes qu'on veut faire passer pour une transformation de l'agriculture. Vous aviez l'occasion, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, de faire voter une loi qui marque l'histoire pour les agriculteurs et pour la transformation de l'agriculture. Mais au lieu de ça, on a droit à un texte qui finalement ne contient pas grand-chose, à part des mesurettes, alors qu'il est l'accouchement de mois de discussions entre tous les acteurs de l'agriculture.

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