« Après le travail il retire toujours son uniforme. Mais là, il est parti, il a sauté d'un pont en tenue de travail. C'est symbolique, ça veut dire : je saute pour montrer que c'est mon travail qui m'a tué mais pas le reste. » Ces propos sont d'Élodie, la compagne d'Alexandre. « Mon fils est un héros », dit son père. Alexandre Gonneau, jeune Réunionnais de vingt-sept ans, a choisi le suicide pour attirer les feux des projecteurs sur le sort de ses collègues de travail. Dix jours auparavant, c'était Natacha, mère de famille de quarante ans, qui se suicidait. Ces deux fonctionnaires ultramarins travaillaient à Fleury-Mérogis. À ces deux suicides, il faut ajouter ceux de sept détenus qui, eux aussi, méritent l'attention. Combien en faut-il encore ?
C'est su de tous : les conditions de travail sont déplorables dans les prisons de France. C'est pourquoi ces suicides devraient vous alerter sur la nécessité de débloquer des moyens pour permettre aux surveillants de travailler dans des conditions dignes. Les syndicats ne cessent de tirer la sonnette d'alarme. À Fleury-Mérogis, 60 % des membres du personnel viennent des outre-mer. Nos jeunes arrivent ici, à cause du chômage de masse, mais le désenchantement arrive vite trop vite. Pour l'administration pénitentiaire, les outre-mer sont une chance, comme l'était l'esclavage avant 1848.