Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, nous arrivons à l'une des dernières étapes du long processus d'élaboration d'un texte essentiel pour nos concitoyens. Cette étape fait suite à la concertation large et exemplaire engagée dès le mois de septembre et au succès de la conférence de consensus tenue avec nos collègues du Sénat entre décembre et février dernier. Ces consultations ont permis d'associer à la discussion du texte, dès l'amont, 20 000 contributions citoyennes, plus de 2 500 émanant de professionnels du secteur, et tous les parlementaires qui le souhaitaient. Elles ont été saluées par tous.
À leur issue, c'est un projet de loi ambitieux, comportant soixante-cinq articles, qui a été transmis à notre chambre au début du mois d'avril. Le texte a été examiné la semaine dernière en commission des affaires économiques, pendant plus de quarante heures.
Je veux saluer ici la qualité des débats en commission. Nous avons eu de réels échanges sur des sujets importants, tels que l'échelle pertinente de regroupement des organismes de logement sociaux, la prise en compte des spécificités des territoires, la mixité sociale, l'intégration des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou encore l'inclusion des personnes fragilisées ou en situation de handicap. Ces débats, contradictoires et constructifs, ont permis d'engager une vraie réflexion transpartisane sur le texte qui nous a été proposé. Les débats ont été riches, et ils ont permis d'enrichir le projet de loi. Au total, ce ne sont pas moins de 2 500 amendements qui ont été discutés, dont plus de 400 ont été adoptés, pour arriver en définitive, j'en suis certaine, à un texte abouti et qui répondra aux besoins de tous.
Je tiens à remercier l'ensemble des collègues, quelle que soit leur formation politique, qui se sont investis dans l'examen de ce projet de loi et ont choisi de travailler collectivement à l'intérêt de nos concitoyens.
C'est cet esprit tourné vers l'intérêt général de la nation que nous devons constamment rechercher, et qui fait la fierté de cette assemblée.
Mes remerciements seraient incomplets si je ne vous témoignais pas également de ma reconnaissance sincère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour la qualité de votre écoute et de vos explications sur l'ensemble des propositions parlementaires, et elles ont été nombreuses. Vous avez fait preuve d'une ouverture qui a été saluée par nombre de collègues, et je souhaite aujourd'hui le souligner. Merci.
J'espère que ces dispositions favorables, de part et d'autre, continueront d'animer la séance qui s'ouvre aujourd'hui avec l'examen du texte en séance publique. Je constate d'ailleurs que celui-ci passionne toujours autant, au vu du nombre d'amendements dont nous nous apprêtons à débattre.
Je pense que c'est une bonne chose. Je ne tiens pas ici à encourager l'inventivité législative lorsqu'elle n'est pas fondée, mais je pense sincèrement que le débat parlementaire sera vertueux. Parce que ce texte modifiera la vie quotidienne de millions de Français, parce que tous nos concitoyens aspirent à pouvoir se loger dans de bonnes conditions, parce qu'aborder ces sujets qui touchent à l'intimité de chacun suscite naturellement des interrogations et parfois des craintes, ouvrir ces débats au sein de notre assemblée permettra, je l'espère, de rassurer et d'apaiser tout un chacun.
Afin de nous forger l'opinion la plus fine possible sur ce texte, mes collègues rapporteurs et moi-même avons tenu à conduire un travail de fond et réalisé plus d'une cinquantaine d'auditions. Pour ma part, je me suis concentrée sur les titres II et III, consacrés au logement et à la mixité sociale, sujets qui me sont chers. Il me semble que le projet de loi apporte de bonnes réponses à une demande profonde : celle qui se fonde sur la réalité d'un accès au logement de plus en plus difficile.
La Fondation Abbé Pierre recensait ainsi, en début d'année, pas moins de 4 millions de mal-logés et 12 millions de personnes fragilisées. Pour ces personnes, plus vulnérables, l'impact est plus dramatique encore. Le logement est, indéniablement, un facteur d'intégration sociale et économique essentiel : ne pas pouvoir y accéder a des conséquences lourdes sur l'insertion professionnelle et sur tous les autres aspects de la vie.
Les classes moyennes ne sont pas épargnées par ces difficultés. Dans les zones tendues, où le logement intermédiaire fait défaut, elles se retrouvent prises en étau, « trop riches » – passez-moi l'expression – pour le parc social, « trop pauvres » pour le parc privé. Cette situation est intolérable.
Au cours des dernières années, des avancées certaines ont pu être obtenues grâce à plusieurs lois successives : je pense à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain – SRU – de 2000, outil de mixité sociale qui fonctionne bien au regard des quelque 250 communes carencées, à la garantie Visale et aux mesures de sécurisation des locataires instaurées par la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR – de 2014, ou, plus récemment, à la loi « Égalité et citoyenneté ».
Le projet de loi dont nous sommes saisis ambitionne toutefois d'aller plus loin. Afin d'agir sur l'offre de logements dans les zones tendues, il tend à dynamiser la production de logements intermédiaires privés. Ces logements abordables, accessibles aux classes moyennes, doivent être davantage développés. Il s'agit là d'une mesure largement soutenue, et attendue de longue date. Il ouvre, par ailleurs, la possibilité d'expérimenter l'encadrement des loyers, afin de les maintenir à un niveau raisonnable. Il était indispensable que la loi puisse proposer un dispositif juridique solide, qui permette enfin d'aller plus loin que les deux expériences malheureuses menées à Lille et à Paris.
Le texte n'est pas muet non plus face aux pratiques abusives de location de meublés de tourisme, souvent via des plateformes numériques, phénomène qui pénalise, nous le savons, l'offre de logements en zone tendue. Il encadre davantage ces pratiques, fixe un plafond de 120 jours pour la location de la résidence principale dans certaines communes et renforce les sanctions vis-à-vis du loueur comme de l'intermédiaire.
Le texte va cependant au-delà de la seule question de l'accès au logement. Il propose une adaptation de notre politique de logement aux évolutions contemporaines de notre société et des attentes des Français. Parce que la société change et que les modes de vie évoluent, il fait preuve d'inventivité. Pour ceux qui sont mobiles, étudiants ou professionnels, le projet de loi crée un bail mobilité d'une durée maximale de dix mois, lequel permettra aux intéressés d'éviter de verser un dépôt de garantie, parfois trop lourd, pour seulement quelques mois. Une telle contrainte peut en effet s'avérer être un véritable frein à la mobilité professionnelle. Pour ceux qui, au contraire, souhaitent accéder à la propriété malgré des revenus modestes, le texte libère les ventes dans le parc social, cercle vertueux qui permettra par ailleurs de financer la construction.
Dans le même temps, pour recréer de la mobilité dans un parc social saturé, le projet de loi propose une gestion en flux et une simplification des procédures d'attribution. À ceux qui sont installés dans le parc social et dont la vie a changé, soit parce que les enfants sont partis, soit parce que la famille s'est au contraire agrandie, il est essentiel de proposer des solutions de relogement. Ces solutions seront désormais légion. La situation des couples séparés pourra même être prise en compte dans les procédures d'attribution. Ces mesures répondent à des situations de vie réelle de nos concitoyens et « reconnectent » notre politique du logement à leur quotidien.
Ce texte, enfin, favorise la mixité sociale et la solidarité. Ainsi, il encourage la colocation intergénérationnelle entre un jeune et un senior, solution qui a des vertus pour chacun. Il ouvre également la colocation dans le parc social. Ces nouveaux modes de colocation permettront de développer l'entraide. Expérimentés sur le territoire par de nombreuses structures, ils se fondent sur la réalité observée et sur les besoins. Le texte permet de les développer et de développer avec eux, par la même occasion, de formidables moyens, très simples, de lutter contre l'isolement de nos aînés et des plus fragiles. Cette attention particulière est d'autant plus cruciale dans le contexte du vieillissement de notre société.
Le projet de loi permet par ailleurs de sécuriser l'intermédiation locative, afin que les propriétaires qui le souhaitent n'aient plus aucune angoisse à mettre leur bien à disposition des familles en situation précaire. Combien de propriétaires souhaitent aider mais ne franchissent pas le cap par crainte d'une dégradation de leur bien ? Sur ce sujet encore, le texte permet de lever des freins.
Enfin, il développe encore la mise à disposition de locaux vacants pour l'hébergement d'urgence, et permet d'avancer dans la mise en oeuvre de la politique du « logement d'abord », saluée et réclamée unanimement, et pour laquelle nous accusons tant de retard sur nos voisins européens.
Je terminerai par la réorganisation du logement social, qui, si elle a fait couler beaucoup d'encre, est loin de résumer à elle seule toutes les potentialités du projet de loi, comme je viens de le montrer. Elle s'inscrit, il est vrai, à la suite du projet de loi de finances pour 2018. Toutefois cette réforme a été construite en lien avec les bailleurs sociaux. Les regroupements que le projet de loi permet de faciliter sont une tendance naturelle du secteur du logement social. Cette réorganisation, qui vise à permettre aux bailleurs de trouver les capacités financières nécessaires à leurs investissements, est en réalité peu remise en cause par eux. Parce qu'elle offre différentes modalités de regroupement, elle n'entend pas éloigner les centres de décision des locataires du parc social. Parce qu'elle ouvre des opportunités aux acteurs locaux, elle leur permettra au contraire de prendre les meilleures décisions en fonction des besoins de leur territoire.
En somme, ce projet de loi est profondément équilibré. Il aspire à être utile à l'ensemble de nos compatriotes, sans les opposer, qu'ils soient locataires ou propriétaires, mobiles ou sédentaires. Il part des situations de vie de tous les Français et apporte une réponse aux besoins de chacun. Et s'il parvient à le faire, c'est qu'il a été co-construit avec chacun.
Vous l'aurez compris, l'enjeu est important pour nos concitoyens. Il me semble essentiel que nous soyons au rendez-vous et que la qualité des débats au sein de cet hémicycle en soit digne. J'espère que nous serons à la hauteur.