Intervention de Jean-Paul Mattei

Séance en hémicycle du mercredi 30 mai 2018 à 15h00
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le présent projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique comportait soixante-cinq articles. Après un remarquable travail en commission, il a presque doublé de volume. La jeune délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a décidé de se saisir pour avis de six d'entre eux.

Ils concernent, d'une part, la simplification et la clarification des documents d'urbanisme et, d'autre part, un nouveau contrat intégrateur unique, l'opération de requalification des territoires, qui vise à répondre aux différents enjeux de développement locaux – mobilité, services, habitat, développement économique – en matière de revitalisation des centres des villes moyennes.

D'une manière générale, je considère que ce texte comporte une série d'outils nouveaux et de simplifications bienvenues. Pour autant, certaines de ses dispositions, qui ne sont pas dans le champ de la saisine, opèrent des dessaisissements des maires au profit des présidents d'EPCI, qui doivent appeler notre vigilance.

Il en va ainsi du transfert au président de l'EPCI de la compétence en matière de délivrance des permis prévu à l'article 1er pour les grandes opérations d'urbanisme. De même, en matière de lutte contre l'habitat indigne, l'article 58 prévoit que puissent être modifiées par ordonnance les dispositions relatives au transfert des pouvoirs de police de lutte contre l'habitat indigne aux présidents des EPCI à fiscalité propre, compétents en matière d'habitat. Selon moi, les équilibres au sein du bloc communal doivent résulter davantage de l'intelligence territoriale que de transferts systématiques décidés par la loi sans prendre en compte la diversité des situations locales.

J'en viens aux articles qui font l'objet de la saisine.

Les articles 12 et 14 à 17, tout d'abord, apportent davantage de souplesse aux opérations d'urbanisme en permettant aux maires d'agir en responsabilité et en tenant compte, le cas échéant, de l'avis des architectes de Bâtiments de France. Je propose trois amendements au sein de ce premier bloc.

À l'article 12 : porter d'un à deux ans le délai pour permettre à une commune de régulariser son PLU après une annulation. À l'article 16 : maintenir la disposition selon laquelle le maire peut demander qu'un plan intérieur du projet de construction de logements collectifs soit joint au dossier de demande de permis de construire ou à la déclaration préalable. À l'article 17, j'avais défendu en commission un amendement pour appeler l'attention sur l'obligation, pour les communes et EPCI, de mettre en place la saisine par voie électronique des demandes d'autorisations d'urbanisme à compter du 8 novembre 2018. Cette obligation entraînera pour les collectivités de nouvelles charges de fonctionnement qui n'ont pas été budgétées pour 2018. M. le ministre Jacques Mézard s'étant engagé en commission à ce que le décret portant cette obligation soit modifié, je n'ai pas déposé à nouveau cet amendement et je le remercie d'avoir apporté une réponse à cette préoccupation. À l'article 17, encore, je propose de fixer à 3 500 habitants le seuil emportant l'obligation pour les communes de disposer d'une téléprocédure spécifique de réception et instruction dématérialisée des demandes d'autorisation d'urbanisme à compter du 1er janvier 2022.

L'article 54, enfin, deuxième volet de la saisine de la délégation, porte sur la création d'un nouveau contrat intégrateur pour favoriser la revitalisation des centres-villes : l'ORT. Comme vous le savez, le Président de la République a lancé, dès la première conférence nationale des territoires, le programme « Action coeur de ville » en faveur de la revitalisation des centres-villes sur la durée de la mandature – 222 ont été identifiés.

L'article 54 complète cette démarche avec l'opération de revitalisation de territoire afin de simplifier à l'échelon intercommunal les démarches administratives et financières des collectivités. Il supprime le seuil d'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets commerciaux situés dans les centres des villes signataires d'une opération de revitalisation de territoire avec l'État. Il habilite le préfet à suspendre, pour une durée maximale de trois ans, l'enregistrement et l'examen par les CDAC – commissions départementales d'aménagement commercial – d'une demande d'autorisation commerciale dans la périphérie des communes signataires afin d'examiner l'impact du projet concerné sur l'ORT. Je propose un amendement pour préciser la notion de ville principale dans le cadre d'une ORT, ainsi que les trois amendements suivants, plus importants.

Un amendement ouvrant la possibilité au maire ou au président de l'EPCI à fiscalité propre compétent en matière d'urbanisme ainsi qu'au maire d'une commune limitrophe de la commune d'implantation du projet de saisir la CDAC pour de telles installations commerciales supérieures à 400 mètres carrés – j'aurais l'occasion d'y revenir lorsque je commenterai mes amendements. Une telle faculté existe déjà dans le droit commun, à l'article L. 752-4 du code de commerce, pour les communes de moins de 20 000 habitants et les équipements commerciaux de 300 à 1 000 mètres carrés.

Un deuxième amendement limitant la possibilité de suspension de l'enregistrement et de l'examen des demandes d'autorisation commerciales aux seules communes limitrophes de l'EPCI signataire et non à l'ensemble des communes membres d'un EPCI limitrophe.

Un troisième amendement porte article additionnel après l'article 54 visant à permettre aux communes et EPCI de décider d'une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties ainsi que de la cotisation foncière des entreprises pendant cinq ans pour les entreprises nouvellement implantées dans les centres-villes faisant l'objet d'une opération de revitalisation de territoire. Il s'agit de rendre ce dispositif, par nature facultatif, plus attractif, dans l'attente, bien évidemment, des propositions du Gouvernement dans le cadre de la loi de finances.

Enfin, hors champ de la saisine de la délégation, j'ai déposé plusieurs amendements à l'article 6 du présent projet de loi inspirés de mon rapport budgétaire dédié au patrimoine immobilier de l'État. Sans revenir sur la libération du foncier évoquée tout à l'heure par le rapporteur, il s'agit d'améliorer le dispositif dit de « décote » régi par l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, pour éviter les effets pervers dénoncés par la Cour des comptes dans son référé du 26 octobre dernier.

Ces amendements visent, en souscrivant bien entendu à l'objectif de facilitation de la construction de logements sociaux, à améliorer la clarté et l'efficacité du dispositif de décote. Ils proposent ainsi de supprimer la notion de liste de biens, aujourd'hui obsolète, de poser le principe d'un plafonnement du montant de la décote en fonction des ressources propres de la collectivité ou établissement public demandeur et du prix moyen de construction de logements sociaux par mètre carré au sein de ladite collectivité, tout en tenant compte des zones de tension foncière par décret. L'effort de l'État, c'est notre effort à tous, et il faut bien le prendre en compte ! Tels sont, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais vous présenter.

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