Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du mercredi 30 mai 2018 à 15h00
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous ne prenez pas en compte la réalité des territoires. Vous semblez parfois déconnectés. Ne prétendez pas alors « protéger et libérer », car votre politique aboutira à l'inverse. Vous obligez les OPH à prendre des mesures pour survivre. Sont-elles toutes judicieuses ? Vous invitez, en particulier, les bailleurs à vendre. Votre objectif premier n'est pas de permettre à des locataires de devenir propriétaires, il est bien de générer des recettes aux bailleurs afin qu'ils puissent investir, car vos mesures du PLF 2018 vont aboutir à l'anéantissement de leur capacité d'autofinancement.

Vous prenez ainsi le risque d'engendrer des copropriétés en difficulté. Or il y a peu de candidats à l'accession, car ils n'en ont pas la capacité. Voilà le sujet structurel qui devrait vous occuper. Vous refusez d'adapter la loi SRU, vous inscrivant, là aussi, dans la continuité du gouvernement précédent. Il faudrait pourtant entendre le retour du terrain et des externalités produites. Le parcours logement ne fonctionne plus. Il s'arrête pour beaucoup aux HLM.

Plus grave encore, nous observons une paupérisation croissante dans certains quartiers, et parfois une radicalisation très inquiétante avec la montée du salafisme. La maîtrise du peuplement s'y révèle essentielle. Il faut en parler. On ne peut pas évacuer ce débat essentiel pour l'unité de la nation. Tout est lié.

Le Président Macron aimerait que les jeunes puissent quitter les quartiers, alors que l'aspiration de beaucoup est, au contraire, de pouvoir mieux y vivre, d'y prospérer : c'est leur village, leur cité. Il est de notre devoir, de notre responsabilité que la République n'abandonne aucune parcelle de son territoire, aucun quartier, aucune zone rurale, aucun DOM-TOM.

Pour réussir la politique du logement, vous ne devriez pas mettre les maires hors-jeu. Or votre projet prévoit de les exclure en transférant la compétence de délivrance des permis au président de l'intercommunalité pour les grandes opérations d'urbanisme ; en transférant la police de l'habitat indigne au président de l'intercommunauté ; en généralisant le système de cotation pour les organismes de logements aidés, ce qui privera les maires de la possibilité de loger des habitants de la commune ou d'assurer une vraie mixité sociale.

Les maires sont pourtant les premiers garants de la cohésion sociale de leur ville. Faites-leur confiance. Respectez-les. Ils ont la légitimité pour porter, durant leur mandat, un projet pour un territoire qu'ils connaissent parfaitement. Vous faites, au contraire, le choix d'une forme de recentralisation de l'aménagement, ce qui risque d'entraîner une insécurité politico-juridique croissante des opérations et, surtout, le mal-être profond des territoires.

Les attentes étaient fortes. C'est pourquoi, à la lecture du projet de loi, la déception est grande. Il ne contient aucun élan pour un aménagement équilibré de notre territoire. S'il y a des mesures pour les territoires bien portants, il n'y a rien, ou si peu, pour 95 % du territoire français. Il y a beaucoup d'oubliés dans votre projet de loi. C'est profondément injuste.

Certes, il prévoit des dispositifs intéressants pour faciliter des opérations publiques dans quelques territoires mais sans aucun moyen financier ou fiscal pour soutenir les investissements privés tant attendus. Alors que la revitalisation des centres-bourgs ne pourra se faire sans les investisseurs privés, vous ne prévoyez aucune incitation. Les anciens chefs-lieux de canton sont oubliés.

Votre projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux, ni dans son périmètre géographique, ni dans son périmètre financier. Le choc promis d'offre foncière est finalement limité et réservé aux zones très tendues, qui sont privilégiées. En l'attendant, vous auriez pu maintenir les mesures en faveur de la demande sur l'ensemble du territoire. Or vous ne prévoyez aucune disposition pour créer les conditions d'un choc d'offre sur le reste du territoire, ce qui aurait permis de compenser les effets de l'hypermétropolisation.

Votre projet souffre d'une absence d'outils opérationnels adaptés au développement de tous les territoires. Finalement, vous dessinez encore davantage une France à plusieurs vitesses. Certes, le projet de loi a la volonté d'accompagner la mobilité, mais il ne porte aucune ambition nouvelle pour les millions de Français qui habitent déjà un logement et souhaiteraient le rénover, le rendre accessible et l'adapter au vieillissement.

Vous portez une vision qui promeut la mobilité. Mais quelle considération avez-vous pour ceux qui sont fidèles à leur territoire ? Tout le monde ne rêve pas de quitter sa commune ou son quartier pour rejoindre Paris et y devenir un golden boy dans une banque d'affaires. Il existe des jeunes Français qui rêvent de revenir dans leur territoire de coeur, après leurs études, afin d'y travailler et d'y fonder une famille. Les enracinés méritent tout autant le respect. Ils aiment leur territoire et lui sont fidèles. Ces Français, mes chers collègues, sont plus nombreux que ne le pense le Président de la République et heureusement !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous ne faites pas référence aux maisons individuelles ou si peu. Appartiendraient-elles à l'ancien monde ? Pourtant, tant de Français y vivent aujourd'hui, et tant de jeunes rêvent demain d'y vivre. Quel avenir imaginez-vous pour les logements dans nos villages ? Ce texte ne prévoit aucune incitation en direction des propriétaires qui doivent réaliser la rénovation énergétique de leur logement, ni aucune incitation en direction des investisseurs privés, afin de leur permettre de prendre des risques dans les centres-bourgs souffrant de désertification commerciale.

Tous les territoires aspirent à un élan, à une dynamique. Tous les territoires ont droit à des logements vertueux. Tous les territoires espèrent de l'habitat adapté pour tous.

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