Intervention de Robin Reda

Séance en hémicycle du mercredi 30 mai 2018 à 21h45
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRobin Reda :

Monsieur le président, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous souhaitons revenir en commission pour répondre à une question qui n'a pas été suffisamment débattue : le projet de loi ELAN répond-il aux attentes des Français en matière de logement et d'aménagement du territoire ? Ce projet de loi est-il à la hauteur des enjeux ?

Ce sont ces questions sur lesquelles nous sommes appelés à débattre.

Ces questions sont légitimes, car force est de constater que le premier budget du Gouvernement n'était pas un budget en faveur du logement. Plusieurs décisions ont envoyé un signal négatif : le budget du ministère de la cohésion des territoires a été amputé de près de 2 milliards d'euros, le montant des APL a été diminué, les APL versées aux accédants à la propriété ont été supprimées.

Il faut reconnaître une certaine cohérence à M. Macron dans ses actions, quoi qu'elles aient été appliquées de manière restrictive et technocratique, puisqu'il défendait déjà la fin de la politique de subventionnement de la demande lorsqu'il était ministre de l'économie et de nouvelles villes nouvelles à la place des dispositifs de logement aidé lorsqu'il était rapporteur de la commission Attali.

Si la volonté d'amplifier le choc d'offre de logement doit être soutenue, la forte réduction du dispositif Pinel et du prêt à taux zéro vont précisément dans le sens contraire. Cette contradiction entre les objectifs et les moyens est un risque, à terme, pour la dynamique de l'immobilier.

Nous le savons, en matière de logement, il y a urgence : la France compte des dizaines de milliers de sans domicile fixe, 4 millions de mal logés, 12 millions de personnes en situation de fragilité vis-à-vis du logement. En moyenne, on peut estimer qu'un Français sur six est mal logé. Tous les Français ont le droit à un logement de qualité, adapté à leur vie familiale, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural.

Le travail autour de ce texte est à saluer. On peut cependant regretter – pardon de vous contredire – la faible concertation sur ses dispositions.

Une conférence de consensus a bien eu lieu, avec un président du Sénat qui s'est mobilisé pour venir au secours de cette majorité qui ne savait pas par quel bout prendre le sujet, dans un calendrier très resserré qui n'a pas permis de faire ressortir l'essentiel : ce que veulent les Français pour le logement. Pourtant, ce sont bien les Français qui sont concernés par ce projet de loi.

Osons le dire, la vaste période d'échanges ouverte depuis la crise des APL avait d'abord pour but de faire de la communication et de masquer les insuffisances et atermoiements de la majorité sur ce dossier sensible.

Le travail en commission a été long et minutieux ; s'est-il traduit pour autant par un plus grand consensus sur la méthode choisie ? Le nombre d'amendements que nous allons examiner, plus de 3000, témoigne certes – je rejoins M. le ministre sur ce point – de la vitalité du Parlement, mais il traduit aussi l'écoute toute relative à laquelle les parlementaires ont eu droit en commission. Je le vis plutôt comme un échec, car nous avions l'occasion, dans un cadre plutôt apaisé, plutôt constructif, de faire avancer le travail, et les amendements qui ont été adoptés étaient essentiellement rédactionnels, et surtout majoritairement venus de la majorité, ce qui ne vient pas gommer la frustration de celles et ceux qui n'ont pas été entendus.

L'obésité législative du texte ELAN interroge. Sa densité témoigne plus de la crainte d'oublier telle ou telle profession, tel ou tel représentant d'intérêts, que d'une quelconque efficacité opérationnelle. Et la commission n'a pas été la table d'opération pour une grande liposuccion, même si certains de nos collègues souhaitaient en supprimer plusieurs articles.

Revenons-en aux vraies questions préliminaires.

Premièrement, y a-t-il besoin d'un choc d'offre, et pour cela de la loi ELAN ? Nous sommes d'accord sur le choc d'offre, mais le secteur immobilier, affecté par cinq nouvelles législations ces dernières années, demandait a priori tout sauf une nouvelle loi.

Deuxième question : où veulent vivre les Français ?

L'évidence cartographique des bassins d'emploi nous incite à répondre à la demande plutôt en zone tendue, voire très tendue. Mais nos concitoyens veulent-ils de la ville dense ? Il est encore largement à prouver qu'elle est réellement plus écologique, plus sobre et plus durable. Le coût humain, urbain et environnemental de la densité à outrance ne sera-t-il pas payé demain par celles et ceux qui n'auront pas les moyens de quitter une ville devenue insoutenable et invivable ?

50 % des Français, et même 62 % des Franciliens, rêvent d'ailleurs, d'une petite ville au cadre de vie préservé, avec un urbanisme aéré et des rues respirables, ou même de village s'ils n'étaient pas aussi loin de leur activité professionnelle, dont le lieu d'implantation est encore largement rigide et codifié.

Troisième question à laquelle il nous faut répondre : dans quoi les Français veulent-ils vivre ?

80 % des propriétaires vivent aujourd'hui en maison individuelle. C'est sur ce segment que la profession est la plus inquiète. La maison, notamment périurbaine, n'a pas le vent en poupe pour ceux qui pensent l'étalement urbain à la lumière des excès de l'énergie fossile. Mais ne dirons-nous pas demain d'une urbanisation étalée, où les espaces se relieront par des connexions plus sobres, plus propres et plus rapides, qu'elle est la condition d'une vie meilleure ?

L'offre de logements nouvelle est majoritairement collective. Au-delà des questions d'accessibilité, a-t-on posé la question de la qualité du bâti, de la qualité des espaces intérieurs privatifs et communs ? Nos concitoyens ont le sentiment que l'on construit moins bien et moins durable. Les malfaçons à répétition constatées dans les projets immobiliers livrés dans nos villes témoignent d'une précipitation de la promotion immobilière qui ne rime pas avec qualité.

Les espaces intérieurs des logements se réduisent sous la pression de la promotion immobilière, et pas seulement sous l'effet des normes. La concentration humaine conduit à la fréquentation de plus d'espaces communs et d'espaces publics. Or, nous ne pouvons pas ignorer que les aménités et les équipements arrivent généralement en fin de concertation sur les projets urbains, tout en bas du bilan, lorsqu'il reste une poire pour la soif pour essayer de donner un peu de qualité d'usage aux habitants.

Ce n'est pas un sujet mineur. Le texte s'intéresse à juste titre à la question des recours abusifs, mais que propose-t-on aux habitants qui occupent déjà un logement, qui voient la ville se densifier, et qui ne profitent pas des nouveaux espaces communs ? Pire, ces habitants déjà en place voient une ville qui se referme. Les appartements neufs ? Inaccessibles aux classes moyennes. La nouvelle école ? Seuls les habitants de la nouvelle zone d'aménagement concerté – ZAC – peuvent y accéder ! Le nouveau parking souterrain ? Il peut être à moitié vide parce que le bailleur ne loue pas aux extérieurs.

Faute de réflexion profonde sur la notion de concentration humaine qu'implique la tendance actuelle, nous en arrivons à une loi essentiellement d'ajustements, que les constructeurs observent d'un bon oeil mais que la grande famille de l'urbanisme, de l'architecture, de la mixité sociale a dans le viseur.

Malgré cela, il faut reconnaître que la stratégie développée pour le logement poursuit des objectifs que les députés du groupe Les Républicains partagent : construire davantage de logements à un meilleur coût, réformer le secteur du logement social, sauver nos villes moyennes du déclin économique.

Certaines de vos propositions vont dans le bon sens, notamment celles qui auront pour effet immédiat de faire baisser la tension du marché de l'immobilier : le bail mobilité ; l'encadrement du nombre de jours de location des résidences principales via une plateforme de location à visée touristique ou encore la lutte contre les recours abusifs contre les permis de construire.

Ce texte marque aussi, je veux le souligner, une avancée notable dans la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeils.

J'entends certains se plaindre de la longueur des débats que nous allons avoir dans la loi ELAN, du nombre d'amendements déposés. Nous allons probablement passer quelques heures sur la question de l'habitat indigne et des marchands de sommeil, alors même qu'il y a quelques semaines, nous aurions pu régler cette question par la proposition de loi du groupe GDR,

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