Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes confrontés aujourd'hui à un des textes certainement le plus problématique de cette nouvelle majorité. Il y a dans la volonté qui est la sienne de relancer le logement en France des propositions qui posent de réelles difficultés aux acteurs du secteur.
La première des difficultés, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues de la majorité, c'est votre volonté effrénée de réformer brutalement et dans la précipitation le monde du logement social. Oui, ce monde doit se réformer. Oui, il doit évoluer, et nous avons été nombreux à le dire aux acteurs de ce secteur.
Mais nous considérons pour notre part que la manière que vous employez depuis la loi de finances, en diminuant les recettes des bailleurs sociaux, et maintenant, avec le projet de loi ELAN, en les obligeant à se restructurer et en les incitant à vendre leur patrimoine, fait courir à notre pays un risque fort : celui de voir la production de logements sociaux baisser.
Pourquoi ? Les bailleurs sociaux ont perdu une partie des APL, ils vont devoir se restructurer et, pour financer leurs actions, vendre des logements sociaux.
Comment voulez-vous qu'en perdant des recettes d'un côté, en se voyant contraints de se restructurer et en étant obligés de vendre des logements pour retrouver des liquidités de l'autre, ils puissent en même temps, à court terme, continuer à rénover, à produire des logements et à participer au Programme national de rénovation urbaine ?
Cela leur est impossible, parce que, comme certains collègues l'ont dit tout à l'heure, quand ils seront confrontés à la nécessité de se restructurer ou à celle de vendre des logements pour retrouver des liquidités, ils seront accaparés par ces nouvelles obligations et ne pourront plus continuer à faire leur métier.
Vous êtes donc en train de déstructurer, de manière quelque peu violente, ce secteur, alors même qu'il permet au contraire de relancer le logement, tout simplement parce que les bailleurs sociaux construisent des logements, mais également, et les promoteurs immobiliers le savent bien, parce qu'ils sont les principaux acquéreurs de logements en VEFA – vente en l'état futur d'achèvement.
Si le secteur du logement est reparti dans notre pays, c'est précisément parce que les bailleurs sociaux achetaient en VEFA auprès des promoteurs, qui commercialisent leurs programmes de cette façon, mais également en les proposant en accession à la propriété ou en logement intermédiaire.
La machine est donc repartie grâce à ce mécanisme. Or, au moment où elle redémarre, vous dites à l'un des principaux acteurs de ce secteur qu'il faut maintenant faire autre chose !
Le risque est structurel. Cette dynamique peut s'enrayer, comme les premiers chiffres du premier semestre commencent à le montrer, car les bailleurs sociaux, qui vont se trouver dans l'obligation de se restructurer, pourraient être empêchés de faire leur métier – s'occuper des locataires, restructurer, rénover, notamment dans le cadre des opérations de rénovation urbaine.
Ce risque systémique existe. Vous auriez pu vous donner pour objectif de réformer ce monde durant la législature, de prendre le temps d'accomplir cette réforme et d'accompagner ses acteurs.
Nous avions pour notre part réformé Action logement. La réforme, qui a comporté un volet législatif – adopté notamment en recourant aux ordonnances – s'est étalée sur plusieurs années.
Nous l'avons menée à bien en accompagnant l'acteur du logement social qu'est Action Logement, et dans la concertation.
Là, dès lors que votre réforme se met en place, parce que vous voulez aller très vite, avec quelque brutalité…