… , elle déstabilise un des principaux acteurs du monde du logement. Si la production de logement s'arrêtait, ou même si elle devait se tarir, elle coûterait in fine à notre pays, en fin de législature, un à deux points de croissance.
Nous l'avons vécu : si le secteur du logement est en panne, c'est non seulement une absence de réponse aux Français qui veulent se loger, mais aussi tout un pan de notre économie qui s'arrête de fonctionner. Or vous êtes en train de prendre un tel risque systémique.
Monsieur le ministre, je vous le dis très sincèrement : c'est incompréhensible. Dans le secteur du logement, les choses se passaient jusque-là plutôt bien. Les bailleurs sociaux avaient simplement besoin d'être accompagnés et réformés sans être brutalisés.
Une telle démarche aurait permis de maintenir la production de logements à son niveau de 2017, qui a été une année exceptionnelle. Mais vous avez fait un autre choix. C'est une première erreur.
Deuxième erreur, selon nous : vous autorisez la vente de logements sociaux à des sociétés privées. Vendre au locataire est normal : nous y sommes tous favorables, car cela permet aux Français d'accéder à la propriété.
Vendre entre bailleurs sociaux, cela s'est toujours fait : c'est normal et cela permet de restructurer le monde du logement social. Il faut donc le faire, quand c'est possible, dans le consensus.
Mais permettre la vente, en particulier la vente en bloc, à des sociétés privées revient à commettre une double faute. Tout d'abord, il ne faut jamais oublier que le logement social appartient aux Français : c'est leur patrimoine.
Ce sont les Français qui ont financé la construction du logement social en France. Et autoriser la vente de ce qui a été financé par nos compatriotes à des sociétés privées, de surcroît à des prix inférieurs à ceux du Domaine, sans prévoir de clauses de garantie anti-spéculatives, est à mon avis une faute.
Que va-t-il en effet se passer ? Dans les beaux quartiers, là où n'existent que quelques logements sociaux et où de belles affaires sont possibles, les promoteurs privés vont acheter les logements qui sont mis en vente, soit pour les garder et les mettre en location, soit pour les revendre au bout de quelques années en réalisant une magnifique plus-value – avec l'argent des Français.
Dans les quartiers les plus défavorisés, là où les produits proposés seront les moins attractifs, qui les achètera ? Des sociétés privées qui soit seront elles-mêmes des marchands de sommeil, soit revendront à la découpe à des marchands de sommeil qui, eux, exploiteront la misère humaine.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, ce processus n'est pas imaginaire : il est déjà à l'oeuvre dans un certain nombre de quartiers. Telle est la réalité du monde d'aujourd'hui.