J'ai dit, il y a un instant, ce que nous pensons de l'instauration du bail d'un à dix mois. Vous savez bien, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, à quel point la vie des gens est déjà disloquée, pleine de précarité. Cela facilitera la mobilité, dites-vous. Je veux vous dire une première chose à ce sujet. Il y a des gens qui en ont ras le bol de la mobilité : tout le monde n'est pas obligé d'être mobile ! Tout le monde n'a pas pour projet de vie d'être un agité ou de passer d'un endroit à un autre. Certaines personnes ont seulement envie d'être là où elles sont, qui s'y sentent bien parce que leurs parents se trouvent dans le coin et que les trois tours de HLM sont leur village ! Il faut le comprendre.
C'est d'ailleurs parfois un problème, car il arrive qu'elles ne sortent pas du tout de ces quartiers : vous ne l'ignorez pas, j'espère. Certains jeunes gens, qui habitent Les Ulis ou Massy, ne viennent jamais à Paris, malgré la liaison par le RER. Certains ont vingt-cinq ans, et n'ont jamais vu la capitale. Quand vous êtes un élu local, les bras vous en tombent, mais c'est ainsi. N'allons pas nier ce que sont les êtres humains : ce n'est pas par hasard qu'ils sont devenus sédentaires, c'est aussi parce qu'il leur a semblé que c'était mieux comme cela. Tous ne le sont pas, nous le savons bien. C'est la vieille querelle des nomades contre les sédentaires. En attendant, c'est comme cela.
Alors, rajouter de la précarité ? Peut-on entrer dans un appartement en se disant que, dans dix mois, on pourrait être foutu dehors ? Ou y arriver avec ses valises, les petits, peut-être, et le papet, et se dire que, dans six ans, ils vont revenir pour voir si l'on est bien et si par hasard ils ne pourraient pas proposer autre chose ? S'il s'agit de proposer, tout va bien, mais il n'y aura qu'un pas à franchir pour imposer. Et on leur dira : « Qu'est-ce que vous faites là, encore ? »
On a connu des personnes qui voulaient quitter de grands appartements pour aller dans de petits. On a aussi connu des gens – on a tous eu des anciens dans nos familles – qui étaient malades, de peur, d'angoisse, à la seule idée de quitter l'endroit où ils étaient et où ils avaient élevé leur famille. On peut se dire qu'ils n'ont qu'à être modernes et flexibles, mais le problème, c'est qu'ils ne le peuvent pas. On fait avec les êtres humains comme ils sont.
Ajoutez à cela que l'on détricote l'encadrement des loyers, qui va redevenir expérimental ! Nous, nous croyons à fond que le logement ne doit pas être une marchandise comme les autres. Le prix doit donc être fixé. Vous proposez d'ailleurs de le faire avec une mesure de type quasi-socialiste – et j'aurais pu vous en féliciter – ,…