… pour pouvoir les mettre en concurrence, leur dire : « Vous vous occupez mal de tel quartier ? Eh bien, on ne vous attribuera plus de nouvelles constructions parmi celles qui sont prévues par le plan local d'urbanisme ou par le schéma de cohérence territoriale tant que vous n'aurez pas changé les boîtes aux lettres cassées, remplacé les lampes cassées, effacé les tags, remplacé les conteneurs qui ont brûlé, tant que vous ne ferez pas votre boulot en isolant mieux les bâtiments. » Là où il n'y aura plus qu'un seul opérateur, on ne pourra plus faire jouer la concurrence ainsi. Je crains que, dans ce cas, les plus mauvais des bailleurs sociaux – car, pourquoi ne pas le dire ? , si certains sont très bons, d'autres sont très mauvais – ne fassent encore moins bien leur travail qu'aujourd'hui.
C'est l'un des manques du texte, tout le monde l'a reconnu en commission du développement durable et en commission des affaires économiques : nous avons beaucoup parlé du logement, de la construction, mais guère des habitants qui vivent dans les logements sociaux. Or, si nous faisons une loi sur le logement, c'est avant tout pour eux. C'est donc une erreur de ne pas permettre, par une dérogation, qu'au moins deux bailleurs sociaux coexistent dans un département.
Nous n'avons pas non plus assez parlé des zones touristiques, alors que nous avons abondamment évoqué les concentrations urbaines. Mes chers collègues, je voudrais de nouveau vous exposer une situation locale. Dans toute la partie nord de la Haute-Savoie, soit deux tiers du département et 450 000 habitants permanents – le département comptant 850 000 habitants – , il y a 550 000 lits touristiques ! Et, dans ce même périmètre, il y a 100 000 frontaliers qui vont tous les jours travailler à Genève. Cela donne un cocktail détonnant : je vous passe le prix du foncier, celui du logement, sans parler du fait que des lieux au nom aussi prestigieux que Chamonix perdent chaque année des habitants permanents, de l'impossibilité de faire du logement saisonnier et de garder nos jeunes. À ce sujet aussi, j'avais formulé des propositions, notamment touchant le coefficient d'occupation des sols, le COS.
Nous avons besoin que notre spécificité soit prise en considération, comme celle de Paris. Depuis seize ans que je suis dans cette maison, j'ai toujours voté en faveur de la reconnaissance des spécificités de Paris, parce que j'ai toujours trouvé normal de le faire quand un député ou un ministre le proposait – et Dieu sait qu'en ce moment, avec les Jeux olympiques, nous votons des dispositions de ce type. Je les ai toujours reconnues, toujours soutenues, je ne m'y suis jamais opposé, je les ai toujours votées. Acceptez, mes chers collègues, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que les territoires frontaliers, touristiques, du littoral et de la montagne bénéficient aussi de mesures spécifiques, puisque la situation du logement y est particulièrement tendue, pour le saisonnier comme pour les habitants permanents, et qu'il importe de pouvoir garder sur place la nouvelle génération.
J'ai aussi déposé un amendement d'appel sur les sociétés d'économie mixte – les SEM – qui portent des bailleurs sociaux, pour qu'elles puissent construire des logements pour le public. Il semblerait qu'elles n'aient pas la possibilité de construire des logements pour les gendarmeries. Si c'est vrai, c'est complètement fou ! Peut-être le présent support législatif, entre cette lecture et le passage au Sénat, permettra-t-il de résoudre ce problème. Il n'y a aucune raison, en effet, qu'une SEM portant un bailleur social ne puisse construire des logements pour des établissements publics et pour un service public, singulièrement une gendarmerie.
Je vous invite enfin à être particulièrement vigilants : j'ai soulevé un lièvre à propos de la loi littoral, sans obtenir de réponse ; je vous fais confiance, mais n'allons pas bouleverser les équilibres touchant les six grands lacs alpins, soumis à une pression foncière indescriptible – je songe aux deux départements de la Savoie.
Enfin, ma collègue Virginie Duby-Muller et moi-même nous étonnons de l'absence, dans le projet de loi, de dispositions concernant l'installation des gens du voyage. Le président de la commission et les membres du Gouvernement ont beaucoup parlé de concertation, mais il semble que celle-ci ait un peu « bugué » au sein du Gouvernement et entre le Gouvernement et la majorité.
Or quelques départements sont particulièrement concernés par la présence des gens du voyage, et il a été clairement annoncé lors de plusieurs visites ministérielles sur place – pourquoi ne pas citer Mme Gourault, avec qui j'entretiens d'excellentes relations, notamment du fait de notre passé commun au sein de l'Association des maires de France – que le projet de loi ELAN serait l'occasion, pour le Gouvernement et la majorité, d'apporter des modifications législatives concernant les gens du voyage. C'est en invoquant cet argument la main sur le coeur que la majorité et le Gouvernement ont rejeté les amendements que ma collègue Virginie Duby-Muller et moi-même avions défendus dans le cadre de notre niche parlementaire.
Pourtant, à ce jour, aucun amendement gouvernemental n'a à ma connaissance été déposé, ni en commission ni en séance, et – clin d'oeil de l'histoire – le président de la commission a rejeté nos amendements à la loi ELAN au motif qu'ils n'avaient aucun rapport avec le texte.
Si le logement des gens du voyage n'a rien à faire dans la loi ELAN, alors j'ai deux choses à demander. D'abord, à M. le ministre et à M. le secrétaire d'État : essayez de vous mettre d'accord avec Mme Gourault pour savoir dans quel texte de loi, si possible avant la fin de la législature, nous pouvons espérer voir arriver les amendements du Gouvernement. Ensuite, à la commission et à la majorité : dans quel texte pourrons-nous parler des gens du voyage ? C'est un vrai problème pour eux, comme pour les maires et les territoires confrontés à l'accueil de ces populations.
Merci pour le dialogue constructif que nous avons noué en commission. Je n'en attends pas moins, sur les questions que j'ai soulevées, lors de ce débat en séance et d'ici aux navettes et à la promulgation de la loi.