Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne vais pas utiliser de manière extensive le temps de parole dont je dispose, en tant que présidente du groupe Nouvelle Gauche, comme l'a fait le président Mélenchon. Je me contenterai de quelques points.
Le logement est au coeur de nombreuses politiques, parce que c'est lui qui fait levier pour faire avancer la cohésion de nos territoires, laquelle représente l'objectif qui motive l'action de nombre d'entre nous. Il me semblait que le Président de la République était de ceux-là, lui qui déclarait, à l'occasion de ses voeux aux Français, le 31 décembre 2017 : « Sur le plan national, l'année 2018 sera à mes yeux celle de la cohésion de la Nation. » Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous partageons cet objectif avec vous et avec le Président de la République. Aussi sommes-nous surpris que vous nous présentiez un projet de loi qui contribue à faire exactement l'inverse. Pour assurer la cohésion de la Nation, il faut la mixité. Or vous ne parviendrez jamais à cette cohésion et vous briserez cette mixité si vous assignez tous ceux de nos concitoyens qui connaissent des difficultés à vivre uniquement entre eux. J'espère que le débat parlementaire fera évoluer votre texte, car, à ce stade, le groupe Nouvelle Gauche considère qu'il détricote les outils qui permettent de contribuer à la mixité.
Concrètement, de quoi s'agit-il ? L'article 37 de ce projet de loi supprime la gestion fine de l'attribution des logements sociaux. En effet, la loi ALUR a créé une commission spécifique d'attribution des logements sociaux, qui réunit tous les acteurs – le maire, le préfet et les bailleurs sociaux. De par sa composition, elle a une connaissance extrêmement fine de la réalité, immeuble par immeuble, ce qui lui permet de gérer au plus près du terrain les attributions de logements, afin de garantir une plus grande mixité sociale et pour anticiper, aussi, les phénomènes communautaires.
Or vous proposez, à l'article 37, de supprimer cette commission. Vous reproduisez ainsi les erreurs du passé, préférant laisser les clefs de la décision d'attribution des logements sociaux à des responsables éloignés du terrain et des réalités, qui auront la tentation, que nous observons depuis plusieurs années, de regrouper dans un même immeuble des personnes présentant le même profil et même, souvent, appartenant à la même communauté.
Un deuxième aspect de votre texte nous inquiète. Votre projet supprime la priorité accordée aux logements sociaux en cas de transformation de bureaux en logements : en effet, vous accordez à toutes les transformations de bureaux en logements les dérogations aux règles d'urbanisme jusque-là accordées aux seuls projets qui favorisent la mixité sociale. Nul besoin d'être devin, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour savoir que les promoteurs ne feront pas le choix de transformer des bureaux en logements sociaux, s'ils peuvent les transformer en logements plus rémunérateurs.
Enfin, ce projet de loi permet aux préfets de réquisitionner des locaux pour l'hébergement d'urgence, y compris dans les quartiers prioritaires de la ville sans solliciter l'accord des maires, ce qui posera inévitablement des problèmes, avec la concentration de personnes en difficulté. Par ailleurs, cela révèle aussi le peu de considération que vous avez pour les maires.
Sur le plan économique, votre projet crée un « open bar » – si vous me permettez d'utiliser cette expression anglaise – pour les investisseurs avisés. Aujourd'hui, les ventes en bloc de logements sociaux entre bailleurs doivent se faire en respectant le prix des domaines, c'est-à-dire les prix évalués par les services de l'État. Or la loi ELAN autorise désormais les ventes à prix quasi-libre, c'est-à-dire qu'elle fait sauter le prix des domaines, et les ventes en bloc de logements sociaux à des sociétés privées.
Pour illustrer la conséquence de cette décision, je prendrai deux exemples. Prenons d'abord le cas d'un immeuble de logements sociaux qui se trouverait dans la rue de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire rue de l'Université – ce qui n'est pas le cas. Avec votre loi, cet immeuble pourrait être vendu à 1 euro symbolique, puisque vous faites sauter le prix des domaines, à un fonds de pension américain. Vous êtes d'accord, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État ?