Jusque-là, je ne fais que traduire ce qui est écrit dans votre loi. Ce fonds de pension américain pourra conserver cet immeuble pendant cinq ans et le revendre en encaissant une belle plus-value, quand on connaît les prix qui sont pratiqués dans le VIIe arrondissement de Paris.
Prenons maintenant l'exemple d'un immeuble de logements sociaux dans un quartier en difficulté. Le risque, dans ce cas, c'est que personne ne veuille l'acheter, sauf des marchands de sommeil.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé tout à l'heure que vous étiez ingénieur. C'est aussi mon cas et, sur ces deux questions qui nous interpellent, parce que vous créez un open bar économique pour des investisseurs avisés, je souhaiterais que vous me donniez une réponse précise, que vous répondiez par oui ou par non. Quand on lit votre texte, on comprend bien que la réponse est oui. Vous avez dit tout à l'heure que l'argent des HLM doit rester aux HLM, mais, avec de telles mesures, vous faites exactement le contraire. Vous permettez à des investisseurs privés de réaliser des plus-values sur des immeubles qui ont été financés par l'argent du livret A.
Nous avons un autre sujet d'inquiétude, qui concerne peut-être davantage le ministre : les collectivités locales. Votre texte conduit à appauvrir les communes les plus pauvres. Aujourd'hui, lorsqu'une commune a un immeuble de logements sociaux, les bailleurs bénéficient d'exonérations de taxe foncière sur une période de vingt-cinq ans. Or votre texte propose de réinitialiser le dispositif, c'est-à-dire de remettre de l'argent dans la machine, si bien que le même immeuble pourra être exonéré de la taxe foncière, qui est normalement perçue par la commune, pendant cinquante ans. Vous le savez, l'État compense très mal les exonérations de taxe foncière, puisque, au lieu de compenser à l'euro près, il en compense un peu moins de 10 % – c'est ce que montrent tous les rapports de Bercy. Or je fais mienne la devise de l'ancien président de la commission des finances, Gilles Carrez, qui veut que tout dispositif fiscal soit traité dans des lois de finances.
Pour toutes ces raisons, et pour d'autres que je n'ai pas encore évoquées, nous sommes très inquiets de l'orientation de votre projet de loi qui, loin de servir la cohésion prônée à juste raison par le Président de la République, renforcera inéluctablement la ghettoïsation, si, bien sûr, ce texte était adopté en l'état. C'est aussi pour toutes ces raisons que, à l'initiative de François Pupponi, le groupe Nouvelle Gauche a élaboré un contre-projet. Vous en trouverez des déclinaisons dans les nombreux amendements que nous avons déposés et qui, j'espère, recueilleront un avis favorable de votre part, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État.