Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du mercredi 30 mai 2018 à 21h45
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous commençons l'examen en séance publique du projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. La majorité a décidé d'examiner ce texte en utilisant le « temps législatif programmé », une méthode qui vise à limiter le temps de débat législatif, comme cela a été le cas pour le projet de loi relatif à l'agriculture. Il aurait été plus judicieux que le Gouvernement prévoie un calendrier plus adapté au temps parlementaire, plutôt que de vouloir avancer à marche forcée.

Cet empressement a un impact sur la qualité du débat : le rôle de l'Assemblée n'est pas de donner un tampon démocratique aux textes de l'exécutif, mais de proposer, d'amender et de contrôler l'action de ce dernier. Durant sa campagne, Emmanuel Macron le prévoyait, il se donnait deux ans pour changer la France. À la manière d'un Thatcher français, le Président de la République et son gouvernement cassent notre modèle social et donnent au marché le contrôle de nos services publics, de nos emplois et de notre quotidien.

Concernant la politique du logement, le projet de loi de finances pour 2018 a entériné une baisse de plus de 1,5 milliard d'euros de l'aide personnalisée au logement – APL. Cela se traduit aujourd'hui dans la loi ELAN, puisque, afin de pallier les pertes financières des organismes, vous proposez le regroupement d'offices HLM, la vente en bloc de logements et du patrimoine du parc social.

Lors des discussions et des débats de la conférence de consensus, de nombreuses organisations, dont celles du collectif Vive l'APL qui regroupe soixante-dix associations et syndicats, ont apporté leur contribution et ont notamment montré que votre texte pose des problèmes en termes de qualité de l'habitat, de précarisation de certains locataires et de pérennité pour le logement social. Nous verrons à la fin des débats si vous avez ou non pris en compte leurs demandes.

La précarité en matière de logement touche 14 millions de personnes. De notre point de vue, ce texte ne propose pas de plan de réhabilitation ni de plan de construction qui soient suffisamment ambitieux. Il ne prévoit aucun plan non plus pour les banlieues, les zones rurales et les outre-mer, des zones qui connaissent pourtant d'importantes tensions, notamment en matière de logement.

De notre point de vue, le Gouvernement envisage uniquement le logement comme un bien marchand. Deux tiers des articles du projet de loi visent à réduire les normes, et vous proposez l'abaissement de la réglementation en termes de qualité, de sécurité ou encore d'accessibilité. Le tiers restant des articles s'attache à mettre à mal le système HLM. Obnubilés par la question du marché et du libéralisme, vous en avez oublié l'essentiel, les citoyennes et les citoyens.

Or votre projet politique aura des conséquences concrètes sur la vie des habitantes et habitants. D'une façon générale, c'est la qualité architecturale et urbaine que vous remettez en cause, puisque vous limitez la portée des avis des architectes des bâtiments de France en cas d'opérations concernant le logement social ou lors de l'implantation de nouvelles antennes relais.

Vous prévoyez de regrouper les organismes HLM, ce qui conduit à la mise en place de grosses structures qui vont éloigner les gens du pouvoir de décision. Vous faites en sorte que la démocratie représentative et participative recule au sein de ces organismes HLM. Vous incitez les organismes gérant le parc social à vendre leur patrimoine. Ils n'auront d'autre choix que de se plier aux exigences budgétaires et au fonctionnement du marché, alors que ce n'est pas leur rôle.

Le bail mobilité est un recul considérable par rapport à la loi du 6 juillet 1989, qui garantit les droits des locataires. À la précarité de l'emploi s'ajoutera celle du logement : les gens deviennent des intérimaires du logement. On estime à 4 millions le nombre de personnes souffrant de mal-logement ou d'absence de logement personnel et à 12 millions le nombre de personnes fragilisées par rapport au logement, soit une personne sur quatre.

Votre plan de construction et de rénovation de logements que vous proposez pour ces personnes nous semble insuffisant. Selon la Fondation Abbé Pierre, 12 millions de personnes sont touchées par la précarité énergétique. Or, d'une manière générale, rien n'est prévu dans ce texte en matière de rénovation thermique.

S'agissant du handicap, votre texte prévoit de réduire considérablement l'accessibilité des logements. La loi relative au handicap du 11 février 2005 prévoyait 100 % de logements neufs accessibles, que vous remplacez par 100 % de logements évolutifs, autrement dit susceptibles d'être adaptés pour accueillir une personne handicapée. Et d'ailleurs, sauf erreur de ma part, nous ne savons pas à qui incombera le coût des travaux.

Rien n'est prévu pour assurer de meilleures conditions de vie et de logement des gens du voyage, comme l'a noté Martial Saddier.

Concernant les victimes de violences sexuelles et sexistes, nous avions demandé de prioriser l'accès à un logement pour ces victimes, par exemple à travers une meilleure application de l'ordonnance de protection. Mme Marlène Schiappa a repoussé les amendements que nous avions déposés sur le projet de loi relatif aux violences sexuelles et sexistes, en arguant que des mesures seraient prises de façon thématique, loi par loi.

Nous avons donc déposé un amendement sur le thème du logement sur ce projet de loi relatif au logement. En commission, on nous a répondu, une fois de plus, que ce n'était pas le bon texte. Il serait plus franc de répondre que ce n'est pas une mesure politiquement assumée par le Gouvernement que de nous renvoyer d'un texte à l'autre en esquivant la question.

Pour nous, le logement n'est pas un bien comme les autres, il ne peut et ne doit pas être géré comme une simple marchandise.

Durant tout l'examen de ce texte, nous défendrons le projet d'un service public du logement et d'un droit social au logement.

Pour lutter contre la précarité du logement nous proposons de faire la « Sécurité sociale du logement ». Cette idée, défendue par des organisations comme la Confédération nationale du logement, prévoit une caisse de solidarité nationale servant de garantie universelle des loyers : par là, nous pourrons garantir l'accès de tous à un logement digne. De même, aucune expulsion ne doit être exécutée sans solution de relogement.

Pour répondre au besoin de logement et lutter contre la hausse des prix, nous aurions proposé un large plan d'investissement public permettant de construire 200 000 logements sociaux par an et 16 000 logements étudiants. Nous aurions également proposé de mobiliser le parc privé en plafonnant les loyers et en luttant contre les pratiques scandaleuses des marchands de sommeil.

Nous aurions encore proposé de lutter contre la spéculation en taxant davantage les plateformes telle que Airbnb et en supprimant les niches fiscales du dispositif Pinel.

Un projet plus ambitieux aurait été nécessaire pour répondre à la crise du logement qui concerne directement un Français sur six. Nombre de nos concitoyens vivent dans des conditions indignes, ce qui a des conséquences sur leur vie sociale et sur la scolarité, la santé des enfants concernés.

Nous proposerons des amendements pour améliorer ce texte et, contrairement à ce qui s'est passé en commission, après l'excellente intervention de M. Mélenchon, nous espérons que les amendements seront retenus.

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