Intervention de Marie-France Lorho

Séance en hémicycle du jeudi 31 mai 2018 à 9h30
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-France Lorho :

Nous voilà donc devant la loi qui devait révolutionner le logement dans notre pays. C'est une constante de cette première année de législature : révolution après révolution, nous discutons et votons des textes aux prétentions immenses et aux effets des plus limités.

Il faut dire qu'en cette matière, vous succédez à des artistes du droit immobilier. À l'époque, les responsables de la loi ALUR – accès au logement et urbanisme rénové – nous promettaient également une révolution qui, comme chacun sait, s'interrompit à la porte des tribunaux administratifs.

Quelle est la réflexion en la matière ? Comment voulons-nous voir évoluer les villes de demain et les déplacements au sein même du territoire national ? En somme, allons-nous revenir aux siècles passés ? Le fils d'une famille d'honnêtes travailleurs du Vaucluse n'aurait-il jamais les moyens d'étudier à Paris, tant les loyers y sont hors de prix ?

Il faut s'attarder un peu sur cette évolution. La mondialisation effrénée et la transcription dans l'économie réelle de la lutte des capitaux entre eux achèvent de nous montrer qu'elles ne tiennent leurs promesses qu'envers une infime minorité, abandonnant le pays réel à son sort.

Alors, vous essayez d'accompagner ce phénomène. Vous cherchez quelques solutions épisodiques – observations des loyers et autres tentatives, qui, si elles sont souhaitables, n'ont aucune chance de résister à la spéculation immobilière, à la compétition immobilière pour l'appropriation de Paris.

D'autres inquiétudes se manifestent évidemment, sur la protection des paysages par exemple. Si les députés non inscrits avaient eu l'occasion de défendre leurs amendements, nous aurions pu entendre M. Lassalle chanter la protection de son Béarn et nos amis corses protéger leurs côtes ancestrales. Mais c'est un plaisir qui ne nous sera pas accordé.

Il faudrait aussi écouter les architectes, dont les inquiétudes sur la maîtrise d'ouvrage et la qualité du bâti mériteraient toute notre attention. Il faudrait s'interroger sur l'installation des antennes relais sans réflexion sur leur inscription dans des lieux au patrimoine fort.

Pourtant, nous aurions été heureux de soutenir une partie du texte : le bail mobilité est une bonne idée, la mise en oeuvre d'une veille sociale interdépartementale, une évidence qui devrait exister dans tous les services administratifs, le passage de cinq à dix ans de la comptabilisation des biens vendus, une pirouette qui va dans le bon sens. Cependant, ces ajustements nécessaires s'inscrivent dans un texte qui reste prisonnier de l'idéologie de la gestion du logement en France.

Laissez une femme vauclusienne vous dire qu'avec un peu d'audace, vous auriez profité de ce texte pour annuler des lignes et des lignes de politique de la ville, sorte de totem parlementaire dont chacun connaît la gabegie mais que personne n'ose dépasser.

Au lieu d'une politique de la ville menée en pure perte, nous pourrions satisfaire une vraie et belle ambition pour nos centres-villes. Ces zones devenues des paradis pour photographes nostalgiques peuvent revivre, si nous nous disons les choses en face : la sécurisation de ces lieux et le retour d'un pouvoir d'achat dégrevé du racket fiscal à la française sont les solutions les plus opportunes.

D'ailleurs, vous pouvez venir prendre exemple chez les députés non inscrits : tous les habitants de Béziers, d'Orange, de Bollène ou de Beaucaire vous feront part du changement essentiel de qualité de vie après l'élection de leurs maires.

La logique est la même en ce qui concerne les HLM. J'en ai fait l'expérience aux côtés de Jacques Bompard dans la ville d'Orange. En 1995, Jacques Bompard est élu maire d'Orange. La presse se déchaîne, Libération multiplie les fake news, les partis de gauche sont au supplice devant la montée de je ne sais quel péril. Le maire découvre, et nous avec, la gestion accablante des offices HLM en France. Je passe sur les scandales – ils sont assez connus. Je reviens tout de même sur des aberrations : le refus de la restauration de l'existant, l'abandon politique de la gestion de certaines tours au communautarisme absolu, et j'en oublie.

En vingt ans, des relations de confiance et une exigence constante ont réussi à largement redresser la situation. Pourquoi ? Parce qu'au lieu d'écouter les estocades des grands médias, les Orangeois ont vu les résultats d'une gestion en bon père de famille des relations avec les offices HLM. Au local de faire pression sur ces offices pour que la situation s'améliore de facto.

Or avec votre loi, que faites-vous ? Vous retirez aux élus locaux leur influence sur le logement. Vous créez des superstructures HLM qui ne daigneront même plus écouter les maires et donc les habitants. En somme, vous accomplissez une promesse de technocrates, pour une lisibilité comptable et des principes managériaux appliqués par des énarques. Vous vous fondez sur une méthode déplorable qui vole d'échec en échec dans notre pays.

Les bailleurs sociaux pourront même aller jusqu'à vendre des biens immobiliers sans en informer les collectivités locales. Suprême mépris pour les élus locaux !

Construire de nouveaux logements sociaux ? C'est une idée. Mais qu'en est-il de la rénovation des anciens ? Allez-vous imposer des objectifs définis idéologiquement ou bien comptez-vous associer tous les partenaires locaux aux discussions ? Chers collègues, si cette loi se résume à une discussion entre directeurs des services des diverses strates administratives, elle aura encore oublié ses destinataires, son environnement et ses usagers.

Monsieur le ministre, nous ne nous mettrons pas d'accord sur ce texte, Je veux toutefois que vous gardiez le souvenir d'une position constructive. Vous avez dû, dans la presse, dans les médias, face à certaines associations, vous défendre de vouloir sortir de la loi SRU – solidarité et renouvellement urbains. Vous aviez l'inquiétude de celui qui ne peut assumer sa conviction. Eh bien je vous propose de revenir ici avec un texte qui supprime cette absurdité intellectuelle, sociale et politique qu'est le diktat idéologique de la loi SRU. Sortez-nous de ce texte et de son jacobinisme maladif, redonnez leur liberté aux communes, et donc aux gens, d'organiser la vie urbaine en fonction de leurs expériences et leurs ambitions locales, et vous aurez un texte novateur, propre à nous sortir des ornières.

Je vous remercie, et je vous dis à bientôt, pour sortir de la loi SRU.

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