L'urbanisme et l'aménagement du territoire, malgré la technicité et l'obscurité de ces matières, sont porteurs d'enjeux sociétaux importants.
La société française passe depuis plusieurs décennies par de profondes mutations : mobilité professionnelle accrue, schémas familiaux de plus en plus divers, vieillissement de la population. C'est dans ce contexte que s'inscrit la réforme du projet de loi ELAN.
Depuis des décennies, des normes et des lois se sont empilées, faisant perdre leur clarté et leur stabilité aux politiques publiques en matière de construction et de rénovation. Le sujet est sensible, technique. Il implique pléthore d'acteurs et les responsabilités se sont diluées.
Il est important de résorber les maux qui irisent depuis trop longtemps les politiques du logement en France. La politique du logement représente habituellement 40 milliards d'euros par an. Quarante milliards par an, et toujours 4 millions de mal-logés ! Quarante milliards par an, et ce sentiment toujours grandissant de déclassement, d'abandon, dont souffrent nombre de nos territoires !
Les auditions effectuées conjointement par les commissions saisies au fond et pour avis, dont je salue le travail titanesque qu'elles ont accompli ces derniers mois, nous ont confortés dans l'idée qu'il est nécessaire de remodeler en profondeur le droit de l'urbanisme et de la construction. L'essentiel des personnes que nous avons entendues lors de ces auditions, mais aussi lors de nos visites sur le terrain, nous font comprendre la nécessité de rénover le droit de l'urbanisme. Sitôt sortis de terre, les bâtiments sont déjà hors norme...
Ce projet de loi est conséquent : 65 articles et plus de 3 000 amendements. Nous nous sommes saisis, en commission des lois, de sept articles portant sur trois thèmes présentant à mon sens une saillance particulière.
D'abord, l'article 54, qui fixe un cadre aux opérations de requalification du territoire, que nous appellerons certainement ORT lors de nos débats. Nos villes moyennes souffrent d'une réelle crise d'attractivité. Tout en étant le coeur de territoires ruraux, elles pâtissent de la concurrence des métropoles, lesquelles concentrent plus de 80 % de l'emploi. Leur centre ville se paupérise. Elles souffrent aussi de maux plus discrets, que nous avons tenté de traiter en commission : la compétition entre l'e-commerce et le commerce traditionnel, un urbanisme de plus en plus inadapté, avec des bâtiments souvent vétustes, voire abandonnés et, dans de nombreux cas, des friches industrielles.
C'est à ces enjeux que tendent à répondre les ORT, qui visent à mettre en oeuvre de véritables projets de territoire et à prendre en compte les problématiques de nos villes non de manière sectorielle mais dans leur globalité. Pour cela, ces opérations s'appuieront sur une coopération entre les acteurs locaux et une gouvernance fondée sur la transversalité. Par l'action conjointe des communes et des intercommunalités, le renouvellement urbain et économique des villes moyennes sera facilité.
Le mouvement a déjà commencé : 222 villes sont concernées par le programme Action coeur de ville du ministère de la cohésion des territoires. Il y en a trois en Isère, dans mon département, plus précisément en Nord-Isère, sur la route qui relie Grenoble à Lyon : Vienne, Bourgoin-Jallieu et Voiron – trois villes heureuses d'avoir bénéficié de ce dispositif.
L'objectif fondamental des ORT est de remettre les villes moyennes au coeur de la politique du territoire et de ne pas se résoudre à leur décomposition.
Le second point essentiel est la lutte contre l'habitat indigne. Le constat est simple : la puissance publique est devenue impuissante face à certains propriétaires. Les condamnations sont peu nombreuses et leur force dissuasive est très faible. Nous pensons que, pour lutter efficacement contre l'habitat indigne, il faut attaquer le portefeuille des propriétaires indélicats. C'est l'idée que nous avons défendue en commission des lois avec le rapporteur pour avis.
L'objet de nos débats, durant les jours qui viennent, sera de rendre obligatoires des peines complémentaires de confiscation de biens et d'étendre l'interdiction faite aux marchands de sommeil d'accéder aux salles de vente aux enchères.
Enfin, nous avons examiné en commission l'assouplissement des procédures judiciaires en matière d'urbanisme. L'article 24 prévoit une limitation des recours abusifs ainsi que des causes de nullité. Nous l'avons dit : le droit de l'urbanisme, très procédural, laisse la place à de nombreux recours abusifs, c'est-à-dire à des recours dont la motivation est l'enrichissement. Il était primordial de mettre un frein à cette escalade procédurale, de manière à limiter les risques qui pèsent sur les opérateurs et leurs investissements.
Pour finir, je rappelle que ce projet de loi, malgré toutes les qualités que je lui reconnais, ne fera pas tout. C'est pourquoi il s'accompagne de financements et de nombreuses mesures connexes, en matière de déploiement du numérique, de renouvellement du cadre de vie des quartiers – pour 10 milliards d'euros – , de revitalisation des centres-villes – pour 5 milliards – et de rénovation énergétique – pour 14 milliards.
Tel est l'intérêt du projet de loi ELAN : il accompagne une politique volontariste en matière de logement et de construction.