J'ai l'étrange sentiment qu'en appliquant, pour la seconde fois en quelques jours, la procédure dite du temps législatif programmé, on nous floue, nous, les députés de l'opposition, députés de la nation comme on nous l'a souvent réaffirmé ici, mais députés qui finiront par devenir des députés sans voix, pour des électeurs sans droits puisque, en fait, on nous refuse le droit et les moyens de les représenter jusqu'au bout.
Hier, monsieur le ministre, vous avez réaffirmé votre attachement à la démocratie parlementaire. Malheureusement, les députés ne sont pas tous logés à la même enseigne. On nous fait attendre des heures pour que nos amendements, qui ne peuvent être défendus, puissent quand même être votés. On tente de nous décourager, en nous faisant comprendre que la pièce de théâtre se joue sans nous. Mais plus que cela, on nous met en colère, parce qu'un projet de loi qui porte sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ce n'est pas à prendre à la légère. Pour ma part, j'ai voulu y participer pleinement en déposant quelque quarante-trois amendements.
Quarante-trois amendements pour que les élus locaux soient considérés, non pas comme des partenaires institutionnels et financiers de second rang, mais comme des acteurs compétents et, de ce fait, écoutés, dont la parole est pleinement prise en compte.
Quarante-trois amendements pour que la libre administration des collectivités locales ne soit pas seulement inscrite dans notre Constitution mais pour qu'elle soit une réalité, une réalité de terrain.
Quarante-trois amendements pour que les projets urbains ne grignotent plus insidieusement les terres de nos agriculteurs.
Quarante-trois amendements pour qu'on ne risque pas d'abîmer, de mettre en danger nos 4 000 kilomètres de côtes en autorisant un système dérogatoire qui favorisera l'étalement urbain.
Quarante-trois amendements pour que la couverture numérique de notre territoire, qui est un véritable enjeu, ne se fasse pas, néanmoins, au détriment de notre patrimoine national.
Quarante-trois amendements pour que l'accès au logement soit le mieux garanti possible pour les handicapés.
Quarante-trois amendements pour que les entreprises privées soient protégées d'une concurrence déloyale du secteur public en matière d'ingénierie urbaine.
Quarante-trois amendements pour que les offices HLM mettent en place des équipements de vidéoprotection dans les parties communes des immeubles et pour que les forces de l'ordre, dont les polices municipales, puissent y pénétrer afin d'y garantir la sécurité.
Quarante-trois amendements pour lutter contre les incivilités, en autorisant la justice à transmettre aux bailleurs sociaux toutes les décisions judiciaires qui concerneraient un éventuel locataire.
Quarante-trois amendements pour que les locataires de logements sociaux, qui ne les occupent parfois que quelques mois par an, vivant en fait une bonne partie de leur temps à l'étranger, ne puissent bénéficier abusivement de la solidarité nationale.
Quarante-trois amendements pour que les maires puissent faire en sorte que leurs administrés bénéficient d'une priorité en matière de logement sur leur propre commune.
Quarante-trois amendements pour donner aux communes les moyens de lutter efficacement contre les squatteurs, qui mettent à mal le droit à la propriété privée.
Quarante-trois amendements pour lutter concrètement contre les marchands de sommeil.
Quarante-trois amendements pour que, dans les quotas de logements sociaux, soient notamment intégrés les hébergements réservés aux personnes sans abri et aux gens du voyage et les places des établissements pénitentiaires.
Quarante-trois amendements pour porter réellement secours aux SDF afin qu'on en finisse avec les promesses de campagne qui restent à l'état de slogans.
Quarante-trois amendements pour que nos centres-villes fassent l'objet d'un réel effort, d'un plan audacieux dans la continuité du plan Action coeur de ville, que nous saluons, et qu'un observatoire national de la santé de ces centres-villes soit mis en place, tout comme des dispositifs fiscaux dans les communes dont les centres-villes connaissent des taux de vacance commerciale supérieurs à 10 %.
Quarante-trois amendements pour que l'INSEE mette à la disposition de tous des chiffres incontestables, dont nous avons impérativement besoin si nous voulons sauver nos centres-villes en difficulté.
Quarante-trois amendements pour donner les moyens aux maires de se défendre contre la prolifération des grandes surfaces.
Quarante-trois amendements pour autoriser les communes à créer, sous certaines conditions bien sûr, des zones franches urbaines en centre-ville.
Quarante-trois mesures que j'aurais aimé pouvoir défendre dans cet hémicycle !
Il n'en reste pas moins, je tiens à le dire, que ce projet, bien que décevant sur certains points, est positif, notamment en matière de simplification ou en ce qui concerne le bail mobilité. Il l'aurait été encore plus si nous avions pu en discuter tous ensemble, à égalité, sur ces bancs. Ce ne sera malheureusement pas le cas. Dommage !