Je comprends que l'ordre des architectes s'émeuve des nouvelles dérogations, mais je suis étonné d'entendre dire que la loi MOP soit la meilleure façon de garantir la qualité de la construction. Les pires horreurs urbanistiques jamais construites dans notre pays l'ont été à partir de celle-ci, pour une raison simple, à laquelle j'invite le Gouvernement à réfléchir, puisqu'il fait acte de courage en s'opposant à un lobby puissant.
La loi MOP possède un défaut structurel : elle ne garantit pas la construction mais elle permet l'égalité de la concurrence, même si tous ceux qui ont quelque expérience des jurys de concours savent que ceux-ci sont soumis à des aléas très particuliers. Je ne suis donc pas tout à fait sûr que la loi MOP garantisse l'égalité de la concurrence.
Elle comporte en tout cas une absurdité. Si chacun d'entre nous choisit un architecte, il discutera avec lui pour modifier le projet à sa guise. Aux termes de la loi MOP, il est possible au donneur d'ordres de définir des objectifs ou des critères, après quoi, il paiera cinq ou six projets. Il finira par en choisir un mais il ne lui sera pas possible de discuter avec l'architecte pour modifier l'angle d'un toit, le nombre d'ouvertures ou que sais-je encore. Voilà l'absurdité de la loi MOP !
C'est d'ailleurs également ce qui fait souvent perdre du temps à certaines opérations d'intérêt national, grandes opérations urbaines ou réalisations plus courantes, comme la construction d'une école ou d'un espace culturel : on lance un concours qui prend six à huit mois, qui vous fait perdre 100 000 à 150 000 euros pour indemniser les candidats, et qui vous interdit toute discussion avec celui qui construit. On n'imposerait pas cela à nos concitoyens, chers collègues, mais on y astreint les collectivités et les organismes publics.
C'est cela qu'il faut changer dans la loi MOP. Je suis favorable à la dérogation que propose le Gouvernement mais je l'invite à réfléchir, malgré les pressions des puissants lobbys que nous connaissons bien, et à aller plus loin. Garantissons aux architectes – de grands architectes, ainsi que de grands urbanistes, sont d'ailleurs d'accord avec moi – l'égalité d'accès aux concours, mais permettons le dialogue, puisque c'est de celui-ci que naît la qualité d'un projet, et non de la procédure de mise en concurrence.