… qui galèrent à côté des locataires pour obtenir que les graffitis soient nettoyés et la voiture qui a brûlé il y a deux mois, enlevée du parking. Pour les élus locaux – le maire ou le président de l'intercommunalité qui détient une partie des compétences en matière de politique de la ville – , le seul moyen d'agir est de faire jouer la concurrence. Quand ça a bien chauffé, ils peuvent convoquer le président ou le directeur du bailleur social et lui dire : dans le PLU, le PLH, le PLUI ou le SCOT, j'ai tant de droits à construire ; si tu ne mets pas de l'ordre dans le quartier et ne t'occupes pas des locataires, tu n'auras plus de droits à construire. Voilà la réalité ! Je vous assure, le fait d'éliminer cette concurrence et l'exigence de résultats vis-à-vis des locataires se traduira sur le terrain par une catastrophe.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais m'adresser à vous comme à un ancien élu local de cette magnifique nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes dont j'ai eu l'honneur d'être vice-président délégué aux entreprises, à l'emploi et au développement économique. En tant que président d'une intercommunalité qui abrite plusieurs offices publics de l'habitat, et qui a réalisé plusieurs programmes locaux de l'habitat, PLH, j'ai réussi à convaincre des petites communes de réhabiliter des anciennes granges et de s'engager dans la construction de logements sociaux. Il n'a pas été facile de persuader les conseils municipaux mais surtout, ensuite, aucun opérateur ne voulait y aller. Ayant la chance d'être maire d'une grande ville qui disposait d'un grand parc de logements locatifs et de beaucoup de terrains, j'ai convoqué les opérateurs et je leur ai dit : ce n'est pas compliqué, si vous voulez continuer à faire du logement dans la plaine et dans les grandes villes, vous allez réhabiliter tant de logements sociaux dans les petits villages, y compris de montagne, dans le cadre du PLH et de l'OPH. Si je n'avais pas disposé de ce levier, monsieur le ministre, jamais ces opérateurs ne seraient allés faire de petites opérations de réhabilitation moyennement rentables, mais ô combien importantes pour la survie des villages, pour le maintien des jeunes et des écoles, pour l'aménagement du territoire.
Eh bien, monsieur Mézard, deux ans après mon départ, les opérateurs de logements sociaux viennent dans le bureau de mon successeur, Stéphane Valli, qui me remplace à la mairie de Bonneville, pour lui dire : on est désolé, mais on ne peut plus honorer les engagements qu'on avait pris auprès de M. Saddier, et on ne fera pas telle et telle opération dans les petits villages de montagne. Comme l'ont souligné mes collègues Peu et Bazin, la mécanique est en route : des opérateurs sociaux sont d'ores et déjà en train de se désengager d'une partie significative du territoire. Ils ne s'occuperont plus des locataires, mais uniquement des parties urbaines, c'est-à-dire de ce qui est rentable. S'il vous plaît, mes chers collègues, tenez compte de ce phénomène ; faisons en sorte, dans ce texte, de maintenir une concurrence saine pour les locataires et pour l'aménagement du territoire dans notre pays !