Les auditions que nous organisons – et la vôtre confirme encore l'impression que nous avions déjà – montrent qu'en France, l'on sous-estime assez profondément les effets négatifs du Brexit pour l'économie nationale et pour l'économie européenne. Nous sommes partis de l'idée, très juste, selon laquelle c'était un suicide pour les Britanniques, ou en tout cas un jeu à somme totalement négative, et que pour notre part, nous perdrions peut-être un peu, mais moins – ce qui ne serait pas très grave puisque les dirigeants britanniques, mieux informés que leur population et qui n'auraient pas voté le Brexit, cèderaient nécessairement. Lorsque l'on vous écoute, on a le sentiment que peut se dessiner, de la part de nos interlocuteurs, une stratégie un peu différente qui sera celle du « bord du gouffre ». Il s'agirait, pour le Royaume-Uni, de faire don au continent européen de son irrésolution, pour faire durer, avant de brandir la menace du chaos et de l'ensevelissement du Royaume-Uni mais aussi de l'Union européenne – comme aurait dit le général de Gaulle aux Russes, « nous mourrons ensemble ». Compte tenu de la fragilité et de la complexité de la négociation européenne, et du fait que les opinions publiques ne sont pas vraiment centrées sur ces sujets, cela pourrait avoir un effet assez important et conduire, à la fin du processus, à des concessions qui pourraient être assez sérieuses et assez graves. La ministre que nous avons reçue avant vous soulignait l'importance de ne pas sacrifier le long terme au court terme, alors que le catastrophisme immédiat pourrait justifier des concessions de long terme.
Qu'est-ce qui vous paraît le plus grave, à court terme ? Quel est le point que les Britanniques pourraient mettre en avant dans les derniers mois de la négociation, au risque d'effectuer un Brexit sec, net, sans accord, avec tous les inconvénients qui s'y attacheraient et que nous prendrions de plein fouet, même s'il en serait de même pour les Britanniques ? Mais ils sont stoïques. Ils ont voulu le Brexit, même si c'est une erreur. Ils sont orgueilleux. Ils peuvent tenir sur leur orgueil. C'est cela, qui m'inquiète. Que ressentez-vous comme danger premier ?
Par ailleurs, je n'ai pas très bien compris, madame Ianculescu, le danger concernant les problèmes d'homologation et de risque juridique. Quel est exactement ce que nous risquons ? Que devons-nous faire et que devons-nous absolument éviter ?