Voilà pour les ruptures technologiques à venir dans le champ opérationnel. Dans le champ organique, ces ruptures sont également prometteuses de gains d'efficience. Leurs applications civiles sont bien connues, et notre rapport présente nombre d'expérimentations de terrain, consistant à numériser par exemple les livrets de tir des soldats au 12e régiment de cuirassier. Dans ce cas, la numérisation des procédures a permis de réduire largement la durée des procédures de risque de scorie dans les multiples recopies d'informations. Toutefois, pour progresser dans la numérisation, imaginer sans cesse de nouveaux usages et gagner ainsi en efficience, deux conditions nous paraissent requises.
Première condition : réduire la « fracture numérique » dans les armées qui, sans cela, se privent d'innovations utiles. Un exemple : de nos jours, quelle organisation de 1 000 personnels n'aurait pas la fibre optique ? On peut se retrouver dans une situation où une application numérique est disponible et répond à un besoin, mais où elle ne peut pas être déployée et exploitée pleinement faute de débit suffisant… Il faut donc investir dans des infrastructures numériques de base, c'est-à-dire étendre la couverture des emprises militaires en accès à internet à haut débit, notamment par fibre optique, pour permettre le développement de nouveaux usages professionnels du numérique ainsi que contribuer à fidéliser les soldats, habitués à utiliser le numérique pour des usages personnels.
Autre exemple : seul un tiers des militaires de l'armée de terre possède une adresse d'email professionnelle. Certains objecteront : mais à quoi bon, s'ils ont fonctionné ainsi jusqu'à présent ? Je crois pourtant qu'un système de messagerie professionnelle constitue une base indispensable, tant pour développer de nouveaux usages que pour cultiver une identité professionnelle.
Seconde condition, c'est toute une « culture de la donnée » qu'il reste à promouvoir. Les armées sont traditionnellement très frileuses envers la circulation de l'information, même non classifiée, alors que dans l'économie numérique, c'est au contraire la circulation des données qui crée de la valeur. Il en va de même dans les armées, surtout dans le champ organique. Une meilleure exploitation des données permettrait par exemple de développer des mécanismes de maintenance prédictive : si l'on observe que telle ou telle pièce a besoin d'être remplacée en moyenne après un temps ou un type d'activité précis, on peut anticiper les commandes et optimiser ainsi la logistique afférente.