C'est tout le paradoxe de nos travaux sur le rapport des armées aux nouvelles technologies : il faut à la fois savoir faire avec, pour faire mieux, et savoir faire sans, pour faire en tout état de cause. Jamais l'ascendant technologique n'a suffi à gagner une guerre. Il suffit pour s'en convaincre de se pencher sur l'histoire de la guerre d'Algérie, dans laquelle les troupes françaises étaient dix fois plus nombreuses et dix fois mieux équipées que l'ennemi.
Pour finir cette présentation, nous tenons à souligner les enjeux de souveraineté qui s'attachent à la maîtrise des technologies numériques. Force est de reconnaître que les grandes puissances du numérique sont les États-Unis et la Chine : nous faisons tourner des applications américaines sur des composants chinois. Et les ruptures technologiques à venir risquent d'accroître notre dépendance. Prenez le cas de l'intelligence artificielle : Américains et Chinois investissent massivement ; nous, nettement moins. Or s'il est un secteur qui ne peut pas se satisfaire d'une dépendance technologique, c'est bien la défense. Acquérir des matériels étrangers crée déjà une regrettable dépendance lorsqu'il s'agit d'équipements classiques, et cette dépendance n'est que plus dangereuse s'agissant d'équipements numériques. En effet, non seulement l'importation prive notre industrie d'activité, mais l'usage d'équipements numériques expose en lui-même à tous types de vulnérabilités : mise hors-service, captation de données, ou repérages.