Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Réunion du mardi 22 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade, au nom de la commission des Affaires européennes :

La commission des Affaires européennes qui a déposé un rapport pour observation sur les fausses informations.

Je souhaite en premier lieu saluer l'initiative de mes collègues, avec deux propositions de loi dans lesquelles je me retrouve totalement.

Les exemples récents de périodes électorales déstabilisées par les fausses informations ne manquent pas, que ce soit aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne, avec la Catalogne, ou bien en France. Aujourd'hui, c'est tout l'écosystème des élections qui est rendu vulnérable par les fausses informations, des candidats aux électeurs, en passant par les médias traditionnels, papier ou numériques. Les fausses informations ne datent pas d'hier mais Internet leur offre une caisse de résonance inédite. Je le disais la semaine passée en commission des Affaires européennes, les chiffres sont éloquents : aujourd'hui, pour 40 000 euros vous pouvez lancer des opérations de propagande politique sur les réseaux sociaux, pour 5 000 euros vous pouvez acheter 20 000 commentaires haineux, et pour 2 600 euros vous pouvez acheter 300 000 followers sur Twitter. À ce prix-là, des sites entiers, des pages Facebook, des fils Twitter colportent de fausses informations et sèment le trouble dans l'esprit de nos concitoyens. À ce prix-là, la relation de confiance qui existe entre les citoyens et leurs représentants se trouve sapée. Les populismes, les complotismes de toutes sortes irriguent nos sociétés, et le débat et la sincérité du scrutin se trouvent menacés.

Il est donc proposé, grâce à l'action rapide du juge, de maintenir les conditions équitables et normales du débat et de la confrontation politiques en période électorale. L'enjeu est simple : protéger coûte que coûte la confrontation d'idées des manipulations d'opinion à grande échelle afin de rendre le débat politique hermétique aux tentatives de déstabilisation extérieure. Je parle à dessein dans mon rapport de déstabilisation extérieure car la dissémination des fausses informations ne se fait pas au hasard ; elle répond souvent à une véritable stratégie politique, financée parfois par des États tiers à la frontière orientale de l'Union européenne, visant à diviser nos sociétés et à affaiblir le projet européen.

Cette guerre hybride dont l'ennemi et les modes d'action sont difficilement identifiables expose tous les peuples européens, et puisqu'aucun État de l'Union européenne n'est épargné, la réponse doit donc être globale et inclusive. Dans cette perspective, les propositions de loi que nous avons examinées fournissent des éléments de réponse que je considère satisfaisants et proportionnés à l'objectif, mais j'estime aussi que la réponse à la désinformation ne peut s'arrêter aux frontières nationales, compte tenu de la dimension continentale du problème, et doivent faire l'objet d'une réponse européenne commune.

Les institutions européennes ont récemment pris conscience de la dimension de ce problème, comme en témoigne la communication de la Commission européenne du 26 avril dernier. Quelle que soit l'approche qui sera retenue dans les mois à venir, le message politique est clair : les plateformes doivent accepter de voir leur responsabilité évoluer, à la hauteur de leur rôle dans l'accès à l'information. Ces géants ne peuvent plus nier leur responsabilité dans la tenue d'un débat démocratique de qualité, à une époque où 57 % des citoyens européens accèdent à l'information par le biais des médias sociaux, des agrégateurs d'information et des moteurs de recherche.

Par-delà la dimension européenne, la réponse à apporter aux fausses informations doit être inclusive et dépasser le seul cadre de la répression, comme vous l'avez souligné. Toutes les sociétés en Europe ne sont pas égales face aux fausses informations. Le niveau d'éducation, la culture démocratique, les inégalités, jouent un rôle décisif dans leur degré de propagation. C'est donc aussi par l'éducation aux médias numériques que l'Union européenne et nos États membres peuvent lutter efficacement contre les fausses informations. C'est la raison pour laquelle je considère, dans mon projet de rapport, que le programme « Europe Créative » pourrait participer au financement des programmes nationaux d'éducation numérique et soutenir les projets menés en ce sens par les organisations non gouvernementales, les associations ou les start-up.

Par ailleurs, afin de maintenir la diversité des points de vue médiatiques, il nous incombe de protéger et de valoriser le secteur de la presse. L'enjeu est considérable puisqu'il s'agit de protéger le pluralisme des médias et son corollaire, la liberté d'expression. Dans cette perspective, je salue le soutien apporté par la Commission européenne à la labellisation des médias reconnus comme respectueux de stricts principes déontologiques, de l'indépendance des journalistes et de la capacité à vérifier les faits qu'ils relatent.

Enfin, les échéances électorales à venir rendent d'autant plus crucial le combat européen contre les fausses informations. Vous le savez, dans un an presque jour pour jour, se tiendront les élections européennes qui devront permettre de choisir la forme que prendra l'Union européenne dans les dix années à venir. Or ces élections sont particulièrement vulnérables, d'une part parce que l'accumulation des vingt-sept scrutins nationaux ouvrent autant de fenêtres pour la propagation des fausses informations, et d'autre part parce que de nombreux citoyens connaissent trop peu ou mal ce que fait l'Union européenne.

J'ai donc deux questions. Estimez-vous, madame la ministre, que les dispositifs des propositions de loi seront efficaces lors des élections européennes à venir ? Quelles méthodes de collaboration entre les États membres et les institutions européennes permettraient selon vous d'éviter les menaces qui pèsent actuellement sur ce scrutin et, plus globalement, pensez-vous que l'approche nationale définie par les propositions de loi en cours d'examen et l'approche européenne peuvent se concilier ?

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