Intervention de Paul Toulouse

Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 10h30
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Paul Toulouse, président d'Eurofins Laboratoires de microbiologie Ouest :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le laboratoire Eurofins de microbiologie Ouest est basé à Nantes. On y compte 150 personnes, qui travaillent depuis une trentaine d'années à l'analyse microbiologique des aliments et de l'eau.

Nous intervenons comme prestataire de services à destination des différents acteurs de l'industrie agroalimentaire, qu'il s'agisse des producteurs, des transformateurs, des industriels ou des distributeurs, pour toutes les filières de l'alimentation – la filière laitière, mais aussi les filières viande, produits préparés, fruits et légumes. Nous sommes le laboratoire qui effectue des analyses pour l'usine Lactalis de production de poudre de lait infantile de Craon, mais aussi pour ses concurrents, ses fournisseurs et ses clients.

Au total, nous travaillons pour environ 1 500 clients différents, dont 400 sont des clients réguliers, c'est-à-dire quasi quotidiens – c'est notamment le cas de la laiterie de Craon.

Notre métier consiste, à partir d'échantillons qui nous sont envoyés, à réaliser des analyses pour détecter la présence de micro-organismes, qui comprennent les bactéries dites pathogènes, notamment les salmonelles. Les échantillons peuvent être prélevés soit dans l'environnement de l'usine, soit sur des matières premières, au cours de la production – sur des produits semi-finis – ou à l'issue de celle-ci – sur des produits finis. Pour chaque échantillon que nous recevons, nous procédons à une analyse en fonction de ce qui nous est demandé par notre client, et nous émettons un rapport d'analyse qui contient le résultat.

Aujourd'hui, la réglementation européenne prévoit qu'il appartient aux industriels de s'assurer que les produits qu'ils mettent sur le marché sont sains, notamment d'un point de vue microbiologique, et c'est eux qui, en fonction de la criticité des produits qu'ils fabriquent – évaluée notamment en fonction des publics visés –, évaluent le risque de mettre sur le marché un produit qui ne serait pas sain. Notre métier consiste à participer à ce qui ce qu'ils définissent comme leur plan de maîtrise sanitaire, en fournissant l'analyse dont ils ont besoin pour couvrir les risques qu'ils ont eux-mêmes estimés.

Les autocontrôles pratiqués soit sur l'environnement, soit sur les produits, font partie du plan de maîtrise sanitaire, dont l'industriel définit la fréquence, le nombre, ainsi que les germes recherchés, en s'appuyant sur les textes réglementaires mais aussi en fonction de leur propre analyse de risques. Ils peuvent décider de réaliser eux-mêmes les autocontrôles dans des laboratoires internes ou de faire appel à des prestataires extérieurs, c'est-à-dire des laboratoires indépendants extérieurs.

Ils font ce choix en fonction de toutes les contraintes qui s'imposent à eux en termes de délais, de coûts, de sensibilité des méthodes et de risques pour leur analyse. Il arrive qu'ils choisissent d'internaliser les échantillons d'environnement et d'externaliser les contrôles sur les produits finis, ou l'inverse.

Il me paraissait important de faire ces rappels afin de démontrer deux points. Premièrement, les analyses font partie du plan de maîtrise sanitaire d'un industriel, c'est-à-dire de l'ensemble des dispositions pouvant être mises en oeuvre par l'industriel pour garantir qu'il ne met pas sur le marché un produit contaminé. Deuxièmement, les autocontrôles ne sont qu'une partie du plan de maîtrise sanitaire, car l'industriel définit lui-même l'infrastructure dans laquelle il travaille, le processus de fabrication, la composition de ses produits et, in fine, ce qu'on appelle l'échantillonnage, c'est-à-dire la fréquence de prélèvement des différents échantillons, que ce soit dans l'environnement ou dans les produits finis.

Quand nous recevons un échantillon, nous l'analysons et émettons un rapport d'analyse contenant un résultat. Cette information, que nous faisons parvenir à notre client, est évidemment d'une très grande importance pour lui, ce qui nécessite que nous en garantissions la fiabilité. Afin que notre client puisse avoir toute confiance dans les résultats d'analyses que nous lui adressons, nous mettons un certain nombre de dispositifs en place.

D'abord, notre laboratoire est accrédité. L'accréditation ne revêt pas un caractère obligatoire, mais s'obtient dans le cadre d'une démarche volontaire faite auprès du Comité français d'accréditation (COFRAC), qui vient vérifier que nous travaillons conformément à la norme ISO 17025, régissant les activités de laboratoire. Au-delà, nous accréditons chacune des analyses de détection de bactéries pathogènes : toutes nos analyses de détection de salmonelles sont elles-mêmes accréditées, ce qui signifie que le COFRAC vient nous auditer afin de vérifier que, pour chacune de nos analyses, nous travaillons conformément à la norme. Notre laboratoire est donc accrédité à la fois sur sa compétence générale et sur sa capabilité à détecter la salmonelle – je mentionne cette bactérie puisque c'est le micro-organisme qui nous intéresse aujourd'hui, mais notre accréditation a une portée bien supérieure.

Nous participons également de façon permanente à ce qu'on appelle des comparaisons interlaboratoires, organisées par des organismes habilités. Ceux-ci prennent des échantillons et, après en avoir contaminé certains, les envoient à tous les laboratoires participant à l'essai, qui doivent identifier les germes qu'ils contiennent – ou indiquer, si c'est le cas, que les échantillons ne sont pas contaminés.

Les normes prévoient que, pour être accrédité sur une méthode donnée, il faut participer à un essai interlaboratoires par an. Pour la détection de salmonelles avec la méthode ISO – la méthode choisie par Lactalis dans l'affaire qui nous occupe –, notre laboratoire procède à deux essais interlaboratoires par semaine, ce qui représente 100 fois plus que ce que demande la norme. En effet, il est absolument essentiel pour nous de pouvoir garantir que nos protocoles de travail sont en permanence conformes aux normes et permettent d'obtenir les résultats attendus.

Enfin, nos portes sont toujours ouvertes à nos clients au cas où ceux-ci souhaiteraient faire procéder à des audits, ce qu'ils font régulièrement. La plupart des gros industriels sont dotés d'experts capables de nous auditer, car ils connaissent le métier des laboratoires, et qui viennent donc vérifier la façon dont nous appliquons les normes, en concluant leur visite par l'attribution d'une note. Au cours des cinq dernières années, nous avons été audités quatre fois par les experts de Lactalis, et avons obtenu à chaque fois un résultat compris entre 95 et 99 sur 100.

Dès que le résultat d'une analyse est validé, nous l'envoyons immédiatement à notre client, dans tous les cas – qu'il soit positif ou négatif. Parallèlement, il est mis à disposition sur un serveur en ligne auquel le client peut se connecter pour le consulter : ce double envoi est destiné à nous assurer que le client a bien reçu son résultat. Dans un certain nombre de cas, nos analyses sont libératoires, ce qui fait que nos clients sont pressés d'en connaître le résultat, qui leur permet éventuellement de libérer un lot et de le mettre sur le marché.

Quand nous obtenons un résultat positif, il peut arriver que nous réalisions des analyses complémentaires dites de caractérisation. Dans le cas de salmonelle, le résultat positif consiste en la présence de salmonelle, et les analyses complémentaires permettent de déterminer le sérotype, par exemple S. agona.

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