Intervention de Philippe Wahl

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 9h45
Commission des affaires économiques

Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste :

S'agissant de l'aménagement du territoire, je rappelle que nous continuons à transformer notre réseau de points de contact. Cela s'est traduit par la diminution du nombre de bureaux de poste, mais nous avons développé d'autres points de contact, soit des agences postales communales (APC), que vous connaissez très bien, soit des relais poste commerçants. Ce mouvement a lieu dans le cadre des commissions départementales de présence postale territoriale, ce qui signifie qu'il doit – et j'insiste sur le verbe « devoir » – être partagé avec les élus et les collectivités locales au sein de ces commissions. Lorsque ce n'est pas le cas, nous entendons vos réactions, et nous corrigeons le tir.

Nous adaptons le réseau de points de contact parce que sa fréquentation est passée, entre 2010 et aujourd'hui, de 2 millions à 1,4 million de personnes. Comme tous les autres lieux physiques de commerce, les bureaux de poste voient leur fréquentation diminuer dans une société numérique. Je sais qu'il peut exister des difficultés dans certaines villes ou dans certains départements, mais, systématiquement, la démarche doit être partagée avec les élus, d'autant que ces derniers disposent, selon le contrat que nous venons de signer avec l'AMF, d'un droit de veto dans certaines zones du territoire. Sur une grande partie de notre territoire, le maire peut s'opposer à la transformation d'un bureau de poste en APC ou en relais poste.

Nous devons poursuivre ce mouvement en coopération avec vous. En cas de problème, nous sommes à votre disposition pour ajuster le dispositif. Évidemment, avec 17 200 points de contact, il peut y avoir des cas dans lesquels les choses ne se passent pas bien.

Notre mission essentielle de service public de distribution de la presse nous coûte 400 millions d'euros, et la compensation s'élève à 109 millions d'euros. Comme la Commission européenne, vous constaterez que nous ne sommes pas « surcompensés ». La compensation de l'État est budgétaire. Elle est en diminution constante depuis cinq ans. À l'époque, l'État avait promis une compensation de 180 millions d'euros : le compte n'y est pas. Je ne ferai pas de commentaires, mais c'est évidemment un sujet.

J'ai été interrogé sur la réorganisation de l'appareil de production du courrier. Les choses sont assez simples : en quinze ans, nous sommes passés de cent à vingt-huit plateformes de tri alors que les volumes sont passés de 18 à 10 milliards d'objets acheminés. Nous avons donc adapté notre dispositif, et nous continuons cette réorganisation. Je m'apprête à le dire aux postiers de Charleville-Mézières auxquels je rends visite vendredi prochain : nous continuerons cette réorganisation tant que les volumes – c'est-à-dire la charge de travail qui nous est demandée, – diminueront. L'un est la conséquence logique de l'autre.

Je vous rassure, monsieur Bricout, nous essayons d'agir dans le cadre d'un processus de discussion sociale très intense : lorsque nous fermons une plateforme de tri, nous l'annonçons aux agents, aux syndicats et aux élus dix-huit mois à l'avance. Nous venons, par exemple, d'annoncer aux maires et aux responsables locaux que nous fermions l'une de nos cinq plateformes de tri en région parisienne, car les volumes sont aussi en forte diminution à Paris.

Que donnent les nouveaux services du facteur ? Les résultats ne sont jamais assez élevés, compte tenu de nos ambitions, mais nous sommes partis de zéro euro, en 2012, pour atteindre 7 millions d'euros, en 2013, et plus de 120 millions cette année. Pour 2020, nous pensons nous approcher des 700 millions d'euros, si l'on ajoute à ces nouveaux services, nos acquisitions dans la silver economy.

Nous avons pris le contrôle d'une entreprise qui livre et installe des matériels médicaux à domicile, secteur en plein développement. Je réponds par avance à ceux qui s'interrogeraient sur le rapport entre La Poste et l'installation d'équipements médicaux à domicile. Que fait l'installateur ? Il livre une boîte à domicile, tâche qu'il nous arrive d'accomplir. Il ouvre ensuite cette boîte, et il explique au destinataire comment on se sert de l'équipement. Ce secteur de l'équipement à domicile est en incroyable croissance, car il accompagne le vieillissement de la population et la volonté des pouvoirs publics de maintenir le plus possible les malades et les personnes âgées à domicile. Nous serons un acteur leader de ce marché, et, pour y parvenir, nous allons former nos factrices et nos facteurs les plus qualifiés.

J'en viens précisément à vos questions sur la formation de notre personnel. Dans le cadre de l'accord social majoritaire signé en 2015, « Un avenir pour chaque postier », nous avons pris l'engagement de former chaque année au moins 80 % de nos postiers. L'année dernière, nous en avons formé 84 %. Cet enjeu de formation est d'une certaine façon, notre enjeu numéro un.

Puisque les métiers sont en train de changer – je vous ai parlé de l'accord social « Facteurs 2017 » –, la formation et l'engagement des salariés constituent les seules solutions pour passer d'un système d'emplois à un autre. Ces solutions sont mises en oeuvre, et elles fonctionnent parce que les postières et les postiers ont compris tout l'enjeu pour leur profession, et pour la vision qu'ils ont de leur rôle dans la société de faire évoluer leur métier. À titre professionnel, je n'ai aucun doute sur le fait que la transition professionnelle des factrices et des facteurs qui deviendront, pour certains d'entre eux responsables de services à domicile, ou responsables d'installation d'équipements médicaux, sera un très grand succès. Ils sauront se transformer parce que nous sommes à leurs côtés pour les former. Cela fonctionne extrêmement bien, et cela contribue au climat social parce que les salariés comme les syndicats voient les efforts que nous faisons en matière de formation – tout cela coûte extrêmement cher et c'est normal.

J'en profite pour vous dire que c'est dans ce domaine que nous avons investi l'argent perçu grâce au fameux crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pendant ces quatre années de transition stratégique. Les 300 millions d'euros de CICE que nous recevions ont été consacrés à l'investissement en capital et à la formation. Aujourd'hui, nous continuons à former évidemment, ce qui du point de vue des postières et des postiers est très positif. Ils peuvent se dire : « La boîte s'occupe de nous, elle cherche à nous former, nous avons surmonté les choses. »

Monsieur Aubert, nous commençons à financer les très petites entreprises (TPE). Nous avons aujourd'hui 1 % de part de marché. Je vous rappelle qu'en 2011, nous n'avions pas le droit de financer les entreprises et nous ne disposions pas des compétences nécessaires. Aujourd'hui, sous la conduite de Rémy Weber, le patron de La Banque Postale, nous avons développé les systèmes d'information, construit des systèmes de contrôle de risques, et formé notre personnel. Nous sommes en train de former 1 000 conseillers bancaires pour les TPE et les professionnels. Lorsque Rémy Weber et ses équipes ont commencé, nous n'avions pas un seul conseiller de ce type.

Cette transformation est en cours. En réponse à une orientation souhaitée par M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, nous avons décidé d'entrer dans le financement des TPE. Cela prendra plus de temps que pour les collectivités locales parce qu'elles sont beaucoup plus nombreuses.

Au passage, j'indique que nous détenons 25 % de part de marché auprès des collectivités locales, ce qui fait de nous le numéro un de ce secteur. La Caisse d'épargne est numéro deux, et le Crédit agricole numéro trois. Cette part de marché nous convient ; nous ne souhaitons pas reproduire l'équilibre antérieur du marché avec un acteur trop dominant, car ce n'est bon ni pour les collectivités locales, ni pour la banque en question.

La banque en ligne est évidemment un enjeu absolument majeur, très menaçant pour les banques traditionnelles, qui distille l'idée fausse d'une potentielle gratuité des services. Il n'y a jamais de gratuité, et cela vaut aussi pour la livraison ou les cartes bancaires. Ce que vous faites payer par Amazon, pour la livraison, ou par certaines banques en ligne, pour les cartes bancaires, quelqu'un d'autre, c'est-à-dire vous-même, le paie d'une autre manière.

Les postiers ne sont jamais dans la plainte, ils sont dans le développement. Rémy Weber a décidé de lancer la nouvelle banque digitale de La Banque Postale. Elle s'appellera « Ma French Bank »...

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