Intervention de Philippe Wahl

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 9h45
Commission des affaires économiques

Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste :

Des études ont été faites sur les noms. C'était celui qui plaisait le plus à nos clients. Nous leur avions proposé « La Banque cocoon », « La Banque cocon »... Ils ont préféré le nom que nous avons retenu. Nous faisons une banque pour nos clients.

Monsieur de Courson, La Banque Postale dégage un retour sur fonds propres de 9 %, ce qui n'est pas mal, ce qui n'est objectivement pas mal. Comme vous l'avez très justement souligné, la situation est aujourd'hui extrêmement défavorable à La Banque Postale, qui est confrontée à des taux d'intérêt négatifs alors qu'elle est la seule banque « surliquide » en France. La vision des postiers, qui consistait à créer une banque comme un relais de l'activité traditionnelle de courrier, était excellente, et elle le reste. Les taux d'intérêt s'étant effondrés, nous tirons de cette activité moins de profits que ce qui était prévu, mais La Banque Postale est très solide. Elle a maintenu son profit avant impôt à 1 milliard d'euros, et elle bénéficiera de la remontée progressive des taux. Elle aura besoin de plus de capital, comme La Poste. Toute entreprise a besoin de capital pour se développer – c'est vrai pour La Banque Postale comme pour La Poste ou pour GeoPost.

Sur l'ouverture du capital de GeoPost et de La Banque Postale, je vous répondrai en deux temps : la première chose, c'est que je n'ai pas beaucoup de sympathie à l'égard de l'idée d'ouvrir le capital de ce qui marche bien, et de garder à 100 % ce qui doit gérer la pression. Cela revient à distribuer les profits et à ne plus conserver que ce qui demande un effort de restructuration. A priori, nous sommes assez fermés à l'idée d'ouvrir le capital de GeoPost, mais, parce que nous sommes dans l'entreprise et que nous sommes pragmatiques, s'il s'agissait du moyen, non d'aller sur le marché, mais de passer un accord industriel à dimension européenne ou planétaire pour nous développer, il faudrait savoir s'adapter. Cela supposerait que l'on n'ouvre pas simplement pour partager le profit, mais que l'on reçoive un apport en industrie et que l'on crée une force stratégique supplémentaire. Dans ces conditions, l'ouverture du capital peut avoir du sens, mais seulement dans ces conditions.

Depuis 2015, la loi donne la possibilité de faire passer l'examen du code de la route dans des locaux de La Poste. C'est un très grand succès. Depuis le lancement effectif de cette opération, en septembre 2016, 1,7 million de jeunes sont passés par des bureaux de poste ou des locaux postaux. Nous atteignons presque 60 % de part de marché, mais nous avons des concurrents – c'est bien, cela nous stimule. Cette activité représente un chiffre d'affaires de plus de 20 millions d'euros, ce qui pas du tout négligeable. De plus, cela améliore encore l'image des postières et des postiers, et renforce leur statut de personnes de confiance, tout en faisant venir en bureau de poste des jeunes qui ne savaient même plus où il se trouvait.

S'agissant de la répartition géographique, objectivement, comme nous sommes partout sur le territoire, nous constatons que notre part de marché a plutôt tendance à être supérieure à la moyenne dans les territoires ruraux, et un peu plus faible dans les grandes villes où la concurrence est plus facile.

Notre relation avec Amazon est un cas assez unique dans l'histoire économique. Amazon, notre premier client, nous livre plus de cent millions de colis, ce qui représente un nombre d'emplois considérable et des profits corrects – les négociations avec Amazon sont extrêmement dures parce que leur pouvoir de négociation est immense. Dans le marché du colis, nous sommes passés d'une situation dans laquelle nous avions des milliers de clients, à une autre dans laquelle dix très grands clients concentrent 80 % des flux.

Nous remercions Amazon, notre client, de nous accorder sa confiance et de nous confier des volumes, mais un élément rend la situation plus complexe : notre premier client est en train de devenir notre premier concurrent en proposant également des services de livraison. La concurrence n'a jamais fait peur aux postières et aux postiers, mais ce qui nous préoccupe ce sont les conditions de la concurrence. Vous le savez : La Poste verse au Trésor public français plus d'impôts que ce qu'Amazon paie dans toute l'Europe. Cet impôt non versé par Amazon est investi et fait tourner l'accumulation du capital productif. La concurrence est donc faussée.

Un problème d'équité de la concurrence se pose non seulement en matière fiscale mais également s'agissant des conditions sociales. Il suffit de parler à nos syndicats pour qu'ils nous rapportent les conditions sociales appliquées par Amazon, y compris dans les plateformes françaises, et de les comparer aux conditions moyennes d'emploi des salariés – je ne parle même pas de ce qui se pratique à La Poste. Nous disons « oui » à la concurrence, mais à une concurrence loyale, régulière, et à armes égales.

Dans la mesure où l'avenir de La Poste passe par la relation qu'elle entretient non seulement avec Amazon, mais avec quelques-uns des très grands e-commerçants mondiaux – notamment les Chinois Tencent et Alibaba –, les conditions de la concurrence et, plus largement, du rapport économique que nous avons avec ces distributeurs sont fondamentales. Si le régulateur ne garantit pas la compétition loyale, les choses ne pourront être que plus difficiles pour nous... Donc, merci à Amazon d'être notre premier client, mais merci aussi au régulateur de faire en sorte que la concurrence – dont l'existence est indispensable – s'exerce de manière aussi loyale que possible !

Pour ce qui est des distributeurs automatiques de billets, le réseau français est l'un des plus développés. La Poste s'efforce d'en implanter autant que possible, étant précisé que pour qu'un distributeur soit rentable, il faut qu'il serve à un nombre minimum d'opérations par mois : à défaut, cela occasionne des pertes d'exploitation qui peuvent représenter un véritable puits sans fond. Pour cette raison, il nous est impossible d'installer des distributeurs dans la totalité des communes françaises – je pense en particulier aux plus petits villages – mais l'ensemble des appareils installés par le Crédit agricole, les Caisses d'épargne, le Crédit mutuel et La Banque Postale permet d'assurer un maillage territorial assez satisfaisant.

Enfin, je vais être très clair ; les prix du courrier vont augmenter continûment au cours des cinq ans qui viennent. À l'issue de discussions, nous avons pris auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) des engagements pour les années à venir, en contrepartie d'une augmentation des prix du courrier pendant cinq ans. Je vous précise qu'un tel accord, nécessaire pour compenser la chute des volumes, a été passé par les services postaux de la totalité des pays européens. Comme je vous le disais tout à l'heure, en France, la diminution des volumes va se traduire par une perte de chiffre d'affaires de 560 millions d'euros en 2018. La hausse des prix va nous permettre de compenser cette perte à hauteur de 260 millions d'euros, mais il nous restera 300 millions d'euros à trouver chaque année.

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