Intervention de Philippe Bolo

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 9h40
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Bolo, député, co-rapporteur :

– Il ressort des travaux que nous avons déjà menés que les agences, quel que soit leur domaine, sont confrontées aux mêmes difficultés. En nous intéressant à ces dénominateurs communs, nous pourrons formuler des préconisations au terme de notre mission.

Trois difficultés apparaissent d'ores et déjà nettement, dont la première est la sélection des experts. Les différentes agences ne gèrent pas de la même façon les aspects déontologiques et les risques de conflits d'intérêts. Se posent aussi les questions de l'étroitesse de l'expertise et du manque d'attractivité de celle-ci. Il faut également réfléchir à l'intégration des avis divergents et à l'absence de consensus scientifique – rappelons-nous l'affaire du glyphosate.

La deuxième difficulté commune à toutes les agences tient au cadre réducteur de l'expertise réglementaire. Les expertises sont orientées en réponse à des questions réglementaires et mobilisent fortement les entreprises qui veulent commercialiser un produit. En conséquence, un certain nombre de recherches ne peuvent pas être faites de manière systématique.

La troisième difficulté partagée réside dans les limites de l'analyse des risques. Des incertitudes existent, liées notamment aux « effets cocktails » : le développement d'un cancer peut être accéléré par l'exposition à des risques qui n'ont pas été pris en compte dans l'évaluation d'une substance considérée.

À ce jour, nous avons rencontré l'Anses et procédé à vingt-quatre autres auditions. Nos interlocuteurs couvrent un champ très large : il s'agit à la fois d'acteurs institutionnels, comme Santé publique France, d'organismes de recherche, de parties prenantes intervenant comme experts dans l'évaluation, d'associations et de personnalités propres à nourrir nos réflexions. L'objectif de ces consultations est d'identifier les forces et les faiblesses des dispositifs actuels d'évaluation des risques sanitaires et environnementaux : bref, il s'agit d'évaluer l'évaluation des risques.

Entre quinze et vingt auditions restent encore à mener et nous pourrions imaginer une table ronde avec des experts en fin de mission pour confirmer la pertinence de nos conclusions. Nous procéderons aussi à deux déplacements, à Parme où se situe le siège de l'Autorité européenne de sécurité des aliments et à Bruxelles pour rencontrer les autres agences européennes.

Nous remettrons notre rapport final à l'automne prochain.

D'ores et déjà, nous constatons que l'évaluation des risques est un exercice forcément incomplet. Il est nécessaire de faire progresser les méthodes et de perfectionner les modèles scientifiques. La question de la transparence des études se pose aussi alors qu'aujourd'hui, ce sont les firmes qui fournissent un certain nombre d'études. L'exigence de la contre-expertise se heurte à des problèmes de financement : la question des moyens est aussi importante.

L'adaptation du fonctionnement des agences, la déontologie et la prise en compte des attentes sociétales nouvelles, notamment par l'association du public au débat scientifique, sont d'autres thèmes centraux de nos travaux.

Enfin, il me semble que, dans une société numérique où nos concitoyens ont accès à de nombreuses informations, nous devons réfléchir à la manière de transmettre l'information de l'expert au citoyen. L'information est parfois déformée et on accorde souvent plus de crédit aux fausses informations qu'à l'expertise scientifique.

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