Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 17 mai 2018 à 9h40
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

– Merci, madame, messieurs les rapporteurs, pour ce bilan d'étape qui montre déjà la richesse de votre analyse.

Il vous faut prendre le temps de poursuivre vos réflexions tout en respectant un délai raisonnable – un an au maximum – entre votre saisine et la remise de votre rapport. Pour celle-ci, le début de l'automne serait très bien.

S'agissant du glyphosate, des choses se passent encore en ce moment même et des débats se tiendront dans le cadre de la loi résultant des états généraux de l'alimentation. De toute manière, l'affaire s'est emballée de telle sorte que le politique compte, aujourd'hui, au moins autant que le scientifique. Notre rôle est de réfléchir à plus long terme, pour qu'à l'avenir un tel emballement puisse être évité.

Il me semble qu'il faut insister sur l'indépendance. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a récemment été sous le feu d'attaques massives de ce point de vue. Il a fait l'objet d'une convocation assez agressive par la Chambre des représentants des États-Unis, laissant entendre que son budget pourrait être coupé, dans un contexte où le président de la commission des sciences et des technologies est connu pour sa défiance par rapport à certains éléments du consensus scientifique international.

L'indépendance des agences européennes est-elle incontestable ou fait-elle l'objet de contestations par des associations ? Comment améliorer les choses dans ce domaine ?

Le principe de précaution a différentes acceptions : l'acception populaire, celle que peut retenir un tribunal et celle qui figure dans la Constitution. Ce sont souvent trois choses différentes. Tel qu'il est inscrit dans notre Constitution, ce principe signifie que, face à une situation d'incertitude majeure avec un risque environnemental, il est du devoir des pouvoirs publics de favoriser des recherches visant, de façon proactive, à prévenir les risques. C'est un principe destiné à favoriser l'innovation et non l'attentisme. C'est par l'effet d'un dévoiement qu'on le considère souvent comme un principe de prudence.

En l'occurrence, compte tenu des risques graves liés à un éventuel dysfonctionnement, c'est notre devoir de favoriser la recherche active de solutions au niveau de la structure administrative et du statut des agences, y compris avec une intervention importante des pouvoirs publics, comme le suggère M. Ouzoulias. Il faut renforcer les recherches et leur incontestabilité plutôt que de prendre le parti du scepticisme.

Il convient davantage, quel que soit le sujet considéré, de renforcer la recherche que d'adopter une attitude prudente. Il me semblerait intéressant de compléter votre programme d'auditions en entendant des journalistes scientifiques, à l'instar de Stéphane Foucart, qui a récemment commis dans Le Monde des articles fort sévères sur le glyphosate. Une réflexion m'apparait également utile s'agissant de la place des citoyens : comment leur faire jouer un rôle au sein des agences ? Dans le domaine médical, par exemple, les associations de patients sont intégrées aux débats scientifiques.

La situation me semble effectivement préoccupante pour ce qui concerne la divulgation d'informations au grand public. J'assistais récemment à une conférence de Gérald Bronner, expert en sciences humaines, dont les travaux s'intéressent aux croyances et à la communication. Faisant état de résultats scientifiques étayés, notamment une étude publiée dans Science, il indiquait que les fake news se diffusent plus aisément que les informations justes, à la faveur d'un potentiel d'attraction plus élevé. Surtout, tout contrôle semble assimilé, par les lecteurs, à une censure ou à un complot. La France n'échappe pas au phénomène : elle se trouve ainsi en première position parmi les pays développés pour ce qui concerne la défiance à l'égard de la vaccination. Il nous faut comprendre cette spécificité pour la traiter, d'autant que les croyances peuvent avoir de graves conséquences épidémiologiques. Une étude a ainsi montré qu'en matière d'électrosensibilité, les convictions et les informations dont ils disposent influencent les patients, y compris, de façon fort explicite à l'imagerie médicale, sur le degré de douleur ressenti.

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