Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 10h05
Commission des affaires européennes

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Je comprends ce point de vue, mais les opinions publiques sont de plus en plus attentives et très mobilisées sur ces sujets ; il ne faut pas donner l'impression d'un dessaisissement des parlements nationaux. Encore une fois, les débats en amont portant sur les mandats constituent une façon de procéder. D'ailleurs les résultats électoraux italiens le montrent : certaines forces tendent à s'emparer des sujets européens afin de mettre en évidence une sorte d'éloignement entre l'échelon européen et l'échelon national. Il faut donc avancer avec beaucoup de précautions sur ces sujets.

En termes de crédibilité dans la négociation, il est clair que les partenaires ont le sentiment, lorsqu'il y a uniquement la ratification du Parlement européen, que les choses iront plus vite. Mais, là encore, s'il y a blocage de la part d'un Parlement national, cela ne concerne que le volet investissement. Dans le cas du CETA, une annexe précise que c'est l'ensemble de l'accord qui tombe, mais on peut imaginer que ce ne soit pas systématiquement cette voie qui sera retenue à l'avenir. Le volet commercial relève purement et simplement du domaine communautaire, et, finalement, du point de vue de la ratification, il relève de la compétence exclusive du Parlement européen.

Pour ce qui concerne le Brexit, la France est alignée sur la position de l'Union européenne  ; nous tenons absolument à préserver cette unité avec le négociateur. Theresa May a expliqué sa position il y a quelques jours : elle souhaite, à terme, sortir du marché intérieur ainsi que de l'union douanière. Cela implique effectivement un relèvement des barrières douanières ; et la négociation d'un accord de libre-échange de type CETA pourrait être engagée afin de trouver de nouveaux équilibres. Dans tous les cas, nous ne souhaitons pas que s'installe ce qu'on appelle le cherry picking – formulation anglaise signifiant « cueillette des cerises » – c'est-à-dire une participation à la carte au sein du marché intérieur.

Je confirme à Mme Marietta Karamanli que la France est effectivement favorable et se place en tête de file pour l'inclusion de la question du genre dans les accords commerciaux, nous avons d'ailleurs signé à Buenos Aires une déclaration portant sur le thème « commerce et genre », et nous militons pour l'ouverture d'une négociation sur ce sujet au sein de l'OMC.

La dimension géopolitique des accords a par ailleurs été évoquée. Nous pensons que ces accords constituent l'occasion de partager nos normes, de faire en sorte qu'elles puissent peut-être prévaloir dans un certain nombre d'aires géographiques, notamment dans celles qui ont peu d'accords commerciaux. Le MERCOSUR, par exemple, ne connaît que peu d'accords commerciaux, c'est pourquoi nous pensons qu'il y a là un gisement d'opportunités.

En définitive, la question portait sur l'unité européenne au regard des dernières élections. On a effectivement pu observer un débat portant sur un certain nombre de valeurs dans des pays du bloc central et oriental de l'Europe. D'aucuns d'entre eux adoptent des législations qui font question, alors que, paradoxalement, ils sont soucieux de politique commerciale, et dans ce domaine les clivages sont assez différents. Il me semble d'ailleurs que ces clivages existaient avant tous ces votes.

Habituellement, le clivage en politique commerciale oppose plutôt les États du Nord aux États du Sud, impliquant souvent des pays nordiques, emmenés par les Pays-Bas ou le Danemark, qui sont partisans du libre-échange pur et dur, alors que, de notre côté, nous avons un certain nombre de principes et de « lignes rouges ». Ainsi, au sujet du MERCOSUR ou d'accords en voie de préparation, sommes-nous souvent rejoints par des États d'Europe centrale et orientale, nonobstant le fait que, sur d'autres sujets, nous sommes en désaccord. En matière de politique commerciale donc, les lignes sont un peu différentes.

Dans le même esprit que Jean-Louis Bourlanges, Sylvain Waserman a évoqué le rôle du Parlement européen, qui est l'instance démocratiquement légitime pour avaliser les accords commerciaux. Cependant, nous devons effectivement trouver de nouvelles règles afin de toujours mieux associer les parlements nationaux, et poursuivre ce dialogue fluide qui permet de prendre en compte vos avis.

Nous souhaitons tout simplement pouvoir rediscuter du critère de développement, car c'est aussi cela qui bloque, et peut-être revoir aussi les règles de décision parce que le consensus a montré ses limites, il faut donc s'interroger sur l'institution de règles de majorité qualifiée.

Mme Obono a demandé quelles sont les propositions de la France au sujet de l'OMC. Objectivement, même s'il y a eu quelques petites avancées sur le commerce ou les PME, que vous avez évoquées, la situation n'en est pas moins restée bloquée dans plusieurs domaines cruciaux. Je considère que nous devons revisiter notre mode de fonctionnement, or, pour l'instant, nous n'avons pas de réponses définitives, et la réflexion demeure en cours ; vous serez naturellement tenus informés de ses progrès.

Vous avez cité, Madame la députée, un certain nombre de travaux. Pour ma part, je n'ai cité personne : j'ai simplement relevé qu'il suffit d'ouvrir Facebook pour constater que tout un chacun, parfois, véhicule des idées qui ne sont pas la réalité. Cela parce qu'il y a une façon de présenter, de travestir des chiffres, qui a malheureusement cours. Pour notre part, nous avons souhaité, au sujet du CETA, nous en remettre à l'avis de scientifiques : la commission d'experts chargée de l'évaluation de l'impact du CETA sur l'environnement, le climat et la santé, présidée par Mme Catherine Schubert, était totalement indépendante. Nous n'avons pas tenu la plume de leur rapport et nous nous fions à ces opinions scientifiques qui nous semblent fondées.

Éric Straumann évoque l'attractivité de Paris, susceptible d'attirer des agences européennes : c'est l'agence bancaire européenne qui va venir s'y installer. L'Agence du médicament, elle, ira finalement à Amsterdam. J'avoue par ailleurs ne pas disposer ici d'informations portant sur les autres agences ; je vous les ferai passer après l'audition. S'agissant des délocalisations, toutes les décisions ne sont pas prises, mais je confirme que les entreprises sont nombreuses à se manifester pour s'installer chez nous.

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