Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du mercredi 28 mars 2018 à 16h30
Commission des affaires européennes

Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes :

Permettez que je regroupe les questions pour y répondre.

M. Mendes et Mme Dumas m'ont interrogée sur l'Autorité européenne du travail. C'est à la demande de la France que cette question a été abordée au Conseil européen, et mentionnée dans ses conclusions, dans la ligne du Sommet social de Göteborg en novembre 2017. Les réticences sont fortes : d'un côté, des États du nord de l'Europe se méfient de tout ce qui va vers une harmonisation sociale qui risquerait d'affaiblir leur propre modèle social ; de façon symétrique, des États de l'Est de l'Europe y sont défavorables par crainte de perdre une partie de leur compétitivité. D'autres enfin ont émis la crainte de voir créer une institution de plus, qu'il faudra doter en moyens et en personnel – dans sa proposition, la Commission mentionnait le recrutement de 140 personnes. Nous allons continuer à porter ce sujet.

MM. Pueyo et Bourlanges ont évoqué l'élargissement de l'Union dans les Balkans. Nous ne fixons pas de date en ce qui concerne le processus d'adhésion de la Serbie et du Monténégro : il aboutira quand ces deux pays seront prêts. Mais il importe de leur confirmer qu'ils peuvent bien s'inscrire dans une perspective européenne. Il nous faut arrimer les Balkans à l'Union européenne, sans pour autant diminuer notre niveau d'exigence sur les réformes à adopter ainsi que sur la mise en oeuvre effective de ces réformes pour rejoindre l'Union. En conséquence, celle-ci doit leur fournir un accompagnement pour le passage aux réformes, mais aussi vérifier en pratique ce qu'il en est de la lutte contre la corruption et la criminalité et contre la radicalisation, ainsi que du règlement des différends que ces pays peuvent avoir entre eux, car nous ne voulons pas importer des facteurs d'instabilité dans l'Union européenne.

La France y pose-t-elle un préalable institutionnel ? Il s'agit ici de la taille de la Commission. En réalité, nous n'avons pas attendu la question de l'élargissement pour soulever ce problème. Le Président de la République en a parlé dans son discours sur l'Europe à la Sorbonne, et, lors du sommet informel de février dernier sur les questions institutionnelles, nous avons rappelé notre position, qui est qu'il faut réduire la taille de la Commission. Évidemment plusieurs petits États ne la partagent pas. Pour ce qui est d'autres questions évoquées par M. Bourlanges, comme celle du Spitzenkandidat, le Conseil européen n'en a pas parlé.

Il n'a pas non plus parlé précisément, Monsieur Pueyo, du Yémen ou du Kurdistan. Il a abordé, sur un plan plus général, la situation de la Turquie dans ses relations avec l'Union européenne et dans son environnement régional. La position de la France est de demander le respect de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies du 24 février 2018 par toutes les parties prenantes, l'accès pour l'aide humanitaire, et la possibilité pour les personnes déplacées de retourner dans leur village d'origine. Nous rappelons qu'il ne peut y avoir d'autre solution que politique au conflit syrien et que cette solution doit inclure les Kurdes. Dès le vendredi soir, après la fin du Conseil européen, le Président de la République en a fait part par téléphone au président Erdoğan.

S'agissant ensuite de la politique industrielle européenne, certes elle ne va pas de soi pour certains États, mais pour la France, c'est une constante. Ce l'était aussi pour l'Italie, mais le résultat des récentes élections dans son pays a conduit le président du Conseil italien à rester assez silencieux lors du Conseil européen. Cette politique touche de nombreux secteurs. Ainsi, il est important de soutenir la politique spatiale et le lanceur européen et c'est là une bonne raison de soutenir aussi le fonds européen de la défense, qui financerait la recherche-développement dans ce secteur. Nous ne manquons aucune occasion de rappeler que, en veillant à la politique de la concurrence en Europe, il faut comprendre qu'elle s'inscrit dans une concurrence à l'échelle mondiale et ne doit pas empêcher la formation de « champions européens ». Dans cet esprit, nous défendons des dossiers précis dans le dialogue avec la Commission.

Quant à la politique énergétique, elle touche à de nombreux sujets, de la transition écologique à l'organisation du marché du carbone ou la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union. La politique industrielle est aussi un élément dont on tient compte. Mais c'est en fonction de préoccupations plus vastes que des avancées très significatives ont été faites au deuxième semestre 2017 sur l'Europe de l'énergie.

Je reviens sur l'attitude des États européens après l'affaire de Salisbury. Dix-neuf États ont pris des mesures d'expulsion de personnels sous statut diplomatique. À l'évidence, nous sommes préoccupés actuellement par le comportement de la Russie. Pour ce qui est de l'attaque de Salisbury, il n'y a pas d'autre hypothèse plausible qu'une implication de la Russie. Tous les éléments transmis par le gouvernement britannique aux autres États membres vont dans ce sens. Des échantillons de l'agent toxique utilisé dans ce cas ont été transmis à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, qui procède à sa propre évaluation. Au-delà de cet événement, les cyberattaques, l'influence prêtée à des agents russes dans l'utilisation d'internet, y compris à l'occasion de campagnes électorales, sont préoccupantes et conduisent à appeler les autorités russes à adopter une attitude plus responsable.

À ce stade, d'autres mesures contre la Russie ne sont pas envisagées dans l'immédiat. Mais le Président de la République s'est entretenu avec le président Poutine et l'a appelé à faire toute la lumière sur le développement des agents neurotoxiques, le programme clandestin Novitchok, et ce qu'il est advenu de ces agents.

Il me reste enfin à répondre à M. Bourlanges sur l'articulation entre l'accord de retrait du Royaume-Uni et le cadre de ses relations futures avec l'Union. L'objectif est d'avoir abouti, à l'automne, à un accord de retrait et de disposer d'un accord sur un cadre politique pour les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Europe des Vingt-Sept. Ce cadre politique permettra d'entrer dans les détails de la négociation de l'accord de libre-échange et des autres accords nécessaires pour organiser notre futur partenariat.

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