Merci pour votre invitation, Madame la Présidente. Je vais reprendre là où Monsieur de Castro s'est arrêté. Je pense qu'il y a un danger politique : alors que l'on considère la PAC comme étant déjà très administrative, la structure présentée par la Commission européenne risque de la rendre complètement technocratique et pouvant nous échapper. La Commission européenne va proposer dans quelques jours un squelette. Monsieur Dorfmann expliquera la position des parlementaires européens à ce sujet ; puis les États Membres devront présenter leur copie à Bruxelles comme c'est le cas pour les programmes régionaux, effectuant une partie du travail de la DG Agri. Un cénacle composé uniquement de fonctionnaires, pas seulement de la DG Agri, mais venant aussi des autres DG, prendra la décision. Je redoute que les DG sans budget viennent prendre une partie de celui de l'agriculture en imposant des contraintes supplémentaires qui rendront la vie des exploitants agricoles impossible.
En ce qui concerne la méthode et le calendrier, le pari d'un certain nombre des dirigeants européens est de boucler et le budget, et les politiques sectorielles, notamment la PAC, avant les élections européennes. Cela paraît tout à fait illusoire : je doute de la capacité des chefs d'États et de gouvernement à se mettre d'accord en neuf mois sur un projet de budget insensé présenté par la Commission européenne : il a fallu près de deux ans et demi la dernière fois ; et sur les politiques sectorielles, en 2013, les parlementaires ont eu huit mille amendements à traiter. Or, cela est impossible en quinze jours ou trois semaines comme dans le calendrier annoncé. À cela s'ajoute un problème démocratique : le budget et les politiques vont être décidés pour sept ans, donc les députés européens de la prochaine mandature pourront faire du terrain, car ils n'auront ni budget, ni politique essentielle à voter au cours de leur législature. C'est aberrant.
Quel rôle doit jouer la France ? Elle reste un grand pays agricole dont les décisions sont regardées par les autres et pour lequel le leadership sur les questions agricoles continue d'être attendu. Il est toujours possible de constituer une majorité parce qu'un certain nombre de petits pays ont comme nous des intérêts agricoles. La France a fait de l'agriculture un secteur économique à part entière avec des personnes en mono-activité alors que dans beaucoup de pays européens, l'activité agricole est un complément d'autres activités professionnelles. Cela amène à des visions un peu différentes. Sur le plan du budget au niveau d'un État, la question de l'équilibre entre les recettes et les dépenses est centrale. Aujourd'hui, la PAC est pour la France le principal poste de retour des financements consacrés au budget européen. Si la baisse varie de 15 % à 20 % au cours de la législature qui vient, comme cela semble indiqué, et que la France maintient ou augmente légèrement sa contribution, la dépense française pour l'Europe va s'accroître. D'autant plus que si l'effondrement a lieu au niveau du deuxième pilier, la Commission européenne voulant plafonner sa contribution à 43 %, la contribution des États membres augmentera. Il faut un discours clair, très vite, au sein des institutions en France. Cela nécessite, au-delà des différentes couleurs politiques, un minimum de coordination. Au Parlement européen, une institution internationale, les couleurs politiques ont moins d'importance parfois que les origines. Notamment dans le combat agricole, les différentes perceptions relèvent d'un clivage NordSud parce que la relation à l'alimentation et la conception du modèle agricole sont identiques dans les pays du sud. Le combat en 2013 a été remporté par le sud car ces pays qui ont le plus de députés, ont fait bloc face à la traditionnelle pression de nos collègues d'Europe du nord.