Intervention de Jacques Pasquier

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 17h00
Commission des affaires européennes

Jacques Pasquier, représentant de la Confédération paysanne :

Il faut être vigilant sur les modalités des futures négociations de l'accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Cela pourrait avoir des incidences budgétaires.

Pour nous, il manque la dimension alimentaire aux objectifs actuels de la PAC. Nous devons fournir une alimentation suffisante, selon les mêmes objectifs que ceux du Traité de Rome, mais nous avons des mécanismes différents. Nous avons perdu des yeux l'idée de fournir l'alimentation à des prix raisonnables. Cette question est cruciale : il faut redonner un souci de production alimentaire de qualité.

Il y a aussi la dimension du revenu des producteurs, de protection des territoires, de renouvellement des paysans, étant donné l'âge des paysans au sein de l'Union européenne. Nous faisons aussi face à une transition nécessaire des systèmes de production. On ne peut pas continuer à produire selon la manière dont on a appris à le faire. Les nouveaux enjeux sont le changement climatique, pour ne pas contribuer aux gaz à effet de serre, mais il faut aussi s'adapter aux irrégularités climatiques. On doit aussi se soucier de la qualité de l'eau, de la santé des consommateurs, en lien avec les pesticides, ainsi que du bien-être animal.

La production viticole a subi une transition il y a 35 ans, pour faire face aux enjeux sanitaires. On a vu alors un changement de stratégie, une montée en gamme. Il y a eu moins de perte de main-d'oeuvre que dans les autres domaines. La question du stockage d'eau ne résoudra pas le changement climatique. En France, seules 6 % des terres agricoles sont irriguées. Il est illusoire d'imaginer stocker de l'eau pour 30 % des terres agricoles, ce n'est pas la solution magique que vantent nos collègues de la FNSEA.

On doit aussi produire pour les besoins de la population européenne et française. La question des protéines pour l'élevage pose problème, on est très déficitaire. Une politique agricole qui cherche à exporter des céréales à des prix non rémunérateurs ne crée aucune richesse, alors qu'on perd des protéines par ce même biais. En France, par ailleurs, la consommation de fruits et légumes est importée bientôt à hauteur de 50 %, alors que la surface nécessaire pour assurer l'autosuffisance n'est pas énorme.

Le new delivery model est certes une usine à gaz, mais la distorsion de concurrence qu'on connaît pour les fruits et légumes est avant tout liée aux insuffisances de la construction européenne. On a créé un marché unique, la convergence externe étant sans doute nécessaire, mais la convergence sur la rémunération du travail et de la fiscalité fait encore défaut.

Pour nous, peu importe les piliers, si on a des objectifs partagés. Aujourd'hui, le premier pilier arrose les hectares, sans tenir compte de la manière de produire. Le second pilier n'est là que pour réparer les dégâts du premier pilier. C'est totalement incohérent ! Ces deux piliers n'ont plus lieu d'être. Si on accompagne une transition des systèmes, cela doit se faire avec l'ensemble du budget. Je sais que certains acteurs portent une majoration des hectares pour les productions biologiques, une majoration pour les jeunes agriculteurs, qui doivent être soutenus. C'est une bonne chose. Le paiement découplé ne sert à rien en matière de revenus, c'est une rente pour les propriétaires terriens. Les grands producteurs de céréales ont des enveloppes élevées, mais ce sont des secteurs avec peu de revenus. D'autres secteurs avec moins de paiement découplé ont toujours des revenus.

Une politique est une stratégie : quand on distribue des aides sans contrepartie, on n'a pas ce sens du projet. La restriction budgétaire, pour nous, justifie d'autant plus une dégressivité et un plafonnement des aides, que nous appelons de nos voeux depuis longtemps. Le contribuable européen ne peut pas comprendre aujourd'hui que certains agriculteurs perçoivent des aides importantes, alors que Greenpeace a montré que ceux qui touchaient le plus d'aides étaient les plus polluants.

La question de la compensation des handicaps naturels n'est pas évidente au niveau européen, mais elle demeure essentielle.

Enfin, on doit avoir des aides à la transition. Le type de mesures agri-environnementales qu'on a aujourd'hui doit s'accompagner d'aides au maintien d'un système de culture harmonieux. N'oublions pas qu'il faut stabiliser des prix et des garanties pour le revenu des producteurs. Il nous faut donc des instruments de régulation de marché pour obtenir des prix stables, justes et donner de la visibilité aux producteurs ainsi qu'aux distributeurs.

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