Intervention de Michel Dantin

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 17h00
Commission des affaires européennes

Michel Dantin, membre du Parlement européen :

Il faut rappeler que si nous parlons aujourd'hui de la PAC, quand je vais faire des conférences en France, suivant que mon auditoire est agricole ou non, je parle d'alimentation ou d'agriculture, mais avec le même exposé ensuite.

Nous avons à parler du droit de la concurrence, et le règlement omnibus comporte une inversion très claire des obligations des organisations de producteurs. Je vous invite à lire la note de l'Autorité de la Concurrence à ce sujet. Dès lors que les agriculteurs mettent leurs moyens en commun, leur action doit primer sur le droit de la concurrence.

Une autre proposition est en discussion au niveau européen qui n'est pas moins essentielle. Elle concerne les pratiques commerciales déloyales. Il suffit en effet de constater que suite aux états généraux de l'alimentation, jamais autant de contrats n'ont été signés en Belgique par des opérateurs français.

S'agissant de la régulation, il n'y pas de volonté d'une majorité d'États-membres ni du Parlement européen de réutiliser les outils d'hier. Il faut en effet avoir conscience qu'ils ne fonctionnaient à l'époque, dans les années 80, uniquement parce que l'URSS avait besoin de nos excédents pour nourrir sa population. Sans débouché, l'intervention publique ne sert à rien et les 300 000 tonnes de poudre de lait restent sur les bras de la Commission qui ne sait pas quoi en faire. Il faut inventer de nouveaux instruments mais les propositions sont rares.

S'agissant de la complexité des aides, elle est réelle, mais il existe une manière très facile de les simplifier. Les limites à trois types d'aides. Mais si c'était le cas, les agriculteurs et les parlementaires seraient les premiers à le reprocher à la Commission. Au contraire, ils ont plaidé pour que toutes les situations soient couvertes, ce qui entraîne nécessairement une grande complexité.

Est-il possible d'avoir moins de disparité dans les aides ? C'est le chemin qui est suivi depuis 2013 par une convergence entre les États-membres et au sein de ceux-ci. Toutefois, s'agissant de la première, le Commissaire a raison lorsqu'il affirme qu'il n'est pas possible de prendre plus à l'Ouest pour donner à l'Est compte tenu de l'effondrement du revenu à l'Ouest. Par conséquent, sans effort budgétaire supplémentaire, il n'y aura pas de convergence entre les États-membres. En matière de convergence interne, c'est également difficile car il s'agit, à budget constant, de prendre aux uns pour donner aux autres, ce qui implique un certain courage politique.

Il faut défendre notre modèle agricole familial mais aussi regarder ce qui se passe à l'étranger. J'ai été récemment au Brésil et j'ai pu constater une grande volonté exportatrice que n'arrêteront pas nos normes sanitaires. Ils finiront par les respecter car nous sommes actuellement le seul continent solvable. Mais c'est temporaire car le Brésil se tourne de plus en plus vers l'Asie et a entrepris, comme nous l'avons fait avec le vin, de former le goût des Asiatiques à la viande. Le Brésil ne verse pas d'argent directement aux grandes exploitations mais encourage les banques à préfinancer les récoltes. C'est une forme d'aide directe. Les États-Unis, avant Trump, avaient augmenté leurs dépenses agricoles. En réalité, tous les pays, de tout temps, ont soutenu l'agriculture car il en va de leur sécurité alimentaire.

Les politiques européennes sont, pour l'essentiel, des investissements. La PAC, c'est avant tout du revenu pour les agriculteurs. 43 % de leur revenu proviennent de la PAC, même s'il y a des différences entre les productions.

Enfin, il est nécessaire de revoir notre politique agricole. Lorsque la PAC a été réformée et que les aides à la production ont été supprimées, les États membres ont adapté leur fiscalité. Nous ne l'avons pas fait. Le gouvernement a lancé une réflexion sur ce sujet, notamment sur la déduction pour aléas (DPA) qui devrait être désormais calculée en pourcentage du chiffre d'affaires.

Au final, pour sécuriser les exploitations, il faut agir au niveau individuel, avec la réserve fiscale, au niveau semi-collectif, avec par exemple les mutuelles, et prévoir des mécanismes d'intervention pour les crises graves.

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