Ce projet de loi sur la formation constitue à nos yeux une somme de paris : il faudra attendre cinq ans ou dix ans, voire davantage, pour en voir les résultats. En pratique, le système de la formation professionnelle est étatisé.
Ces paris reposent sur des axiomes, si ce n'est des dogmes, qui n'ont rien d'évident : la population va se former massivement hors de son temps de travail ; elle va investir dans la formation ; elle va réussir à valoriser ses efforts unilatéraux dans son parcours professionnel ; le quadripartisme, aujourd'hui très hétérogène, est par essence efficient. À nos yeux, le système de la formation va être fortement perturbé et le premier impact de la réforme sera négatif.
Nous sommes dubitatifs vis-à-vis de l'évolution vers un CPF mesuré en argent. Nous ne comprenons pas la portée de la valorisation du parcours professionnel et son lien avec la compétitivité des entreprises. Nous voyons bien, en revanche, la dimension citoyenne qu'il peut avoir. Avec l'ouverture d'une application numérique, il sera aisé de se former, à un premier niveau, dans de nombreux domaines, tels que la pose de carrelage ou la soudure. Bénéfiques sur un plan personnel, ces compétences devront cependant prouver leur utilité sur un plan professionnel.
Mesurer le CPF en termes monétaires rend nécessaires un encadrement, une surveillance et une régulation, car les dérives et les malversations sont inhérentes à tout système où de grosses masses financières sont manipulées.
S'agissant de la formation, nous regrettons enfin que le seul système dispositif efficace, connu et bénéfique aux salariés, malgré son sous-financement, à savoir le CIF, ait été sacrifié sur l'autel de l'universalité. Pour le CPF de transition, la rémunération ne nous convient pas non plus : dans la pratique, elle entraînera une réduction des droits.
Qu'il s'agisse de formation ou de chômage, la commission paritaire n'est absolument pas opérationnelle. Privée de personnalité morale, elle n'est pas non plus associée à un système informatique. Or, nous ne voyons pas comment 140 000 ou 150 000 dossiers pourront être gérés sans informatique via un opérateur classique.
Ce projet marque clairement une reprise en mains du régime de l'assurance chômage. Il est basé sur le dogme que ce régime est mal géré, alors que son déficit provient des charges que l'État lui impose indûment, sans les financer. À nos yeux, si l'assurance chômage est réellement une assurance, il doit y avoir une cotisation dédiée. Si elle sert d'instrument de solidarité, c'est au contraire le budget de l'État qui doit faire face.
C'est pourquoi nous sommes opposés à ce que les salariés financent en pratique la couverture des indépendants, pour l'indemnisation desquels aucun financement dédié n'est prévu. Un danger très clair de non-stabilité des ressources apparaît, laissant craindre une dérive du système dans le temps. C'est pourquoi la CFE-CGC propose une agence dédiée à la transition professionnelle, capable de gérer tant le CPF de transition que le projet professionnel de reconversion.
Enfin, le financement de la formation pour les démissionnaires n'est aujourd'hui pas garanti. Quelqu'un pourra démissionner pour se former sans avoir nécessairement les moyens financiers de mettre en pratique son projet.
En ce qui concerne l'égalité professionnelle, il importe que le logiciel d'approche soit un logiciel de niveau national et non à l'échelle de l'entreprise. Les données doivent être en effet agrégées au niveau national. Pour qu'un levier d'action existe, nous proposons que la part variable de la rémunération des dirigeants de société cotée soit basée sur des indicateurs de mixité au sein de l'entreprise.
S'agissant du handicap, nous regrettons la faiblesse du projet de loi au regard du programme ambitieux qui avait été annoncé. Nous déplorons notamment une évolution insuffisante pour que les salariés en situation de handicap intègrent le régime classique du milieu ordinaire.
Pour conclure, nous saluons les efforts en faveur de la lutte contre le détachement et contre le travail illégal. Toutefois il faudra, comme pour l'égalité professionnelle, que les moyens soient en adéquation avec les ambitions. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.