Aucun des organisations syndicales n'était, à ma connaissance, demandeuse de ce projet de loi, ni sur la formation professionnelle, ni sur l'assurance chômage, les choses étant différentes pour le handicap, l'égalité salariale et le travail détaché.
À nos yeux, il aurait fallu prendre le temps d'évaluer l'application de la loi sur la formation professionnelle de 2014 : elle montait graduellement en charge avec 100 000 nouveaux CPF chaque année. Nous allons casser cette dynamique et cette montée en charge.
En ce qui concerne l'assurance chômage, la convention de 2017 n'est en vigueur que depuis le 1er novembre dernier. Là encore, il aurait fallu prendre le temps de la laisser prospérer, pour que son contenu porte ses fruits, sans parler des plus de 800 millions d'euros d'économies réalisées chaque année sur le dos des demandeurs d'emploi…
Nous regrettons aussi que ce projet de loi ne reprenne pas un grand nombre de dispositions de l'ANI du 22 février dernier, lequel se fixait pour philosophie d'augmenter les droits des salariés. Il prévoyait ainsi de relever le droit à formation de 24 à 35 heures par an et fixait un plafond de 400 heures, ce qui permettait d'acquérir une formation certifiante et qualifiante, ce qui est le plus important.
Même si nous ne sommes pas co-législateurs, nous aurions préféré que la philosophie de cet accord soit conservée. Force est de constater que nous ne la retrouvons pas dans le projet de loi, notamment du fait de la monétisation du CPF. Celle-ci va compliquer les négociations dans les entreprises : si on voulait tuer dans l'oeuf les abondements d'entreprise, on ne s'y serait pas pris autrement. Se profile ainsi le risque d'une inflation du coût des formations et, par voie de conséquence, d'un moindre accès à la formation professionnelle.
S'agissant du calcul du coût horaire moyen d'une formation, les chiffres du Gouvernement divergent de ceux des organisations syndicales. Pour que les droits du salarié soient maintenus au niveau défini dans l'accord de février, l'heure de formation devrait être évaluée non pas à 14 ou 15 euros, mais à 32 ou 35 euros. Avec ce projet, les droits annuels oscilleraient entre 1 250 et 1 500 euros, alors qu'une formation longue et certifiante coûte entre 8 000 et 10 000 euros.
En ce qui concerne la gouvernance, France Compétences peut certes regrouper les organismes existants, mais nous souhaitons voir dans la loi quelles sont ses attributions et, plus particulièrement, quelles sont les attributions des différents collèges qui vont le composer. Nous souhaitons qu'un collège des organisations patronales et des organisations syndicales puisse continuer à gérer, au sein de France Compétences, d'une part le CEP qui venait de trouver pour la première fois, dans l'ANI, son financement, et dont j'espère qu'il sera conservé, ainsi que, d'autre part, le CPF de transition.
À nos yeux, le réceptacle naturel du CPF de transition, ce sont les FONGECIF ou Fonds de gestion des congés individuels de formation. Or vous ne trouverez pas de dispositions qui renvoient, s'agissant du CEP ou du CPF de transition, vers ces fonds de gestion. Le millier de salariés employés dans les FONGECIF sont habités par une grande inquiétude sur leur avenir. J'espère que vous pourrez prévoir des dispositifs de conventionnement qu'ils puissent passer avec les opérateurs de compétences, de façon à s'occuper, au plus près des territoires, du CPF de transition et du CEP.
Cela dit, Centre Info, outil qui sert tant à l'information des salariés que des entreprises, constitue l'autre grand absent de France Compétences. Il a complètement disparu du paysage, de même que les dispositions relatives à son financement. Je crains donc pour son avenir et en appelle à votre vigilance sur ce point.
En ce qui concerne l'assurance chômage, des dispositifs existaient déjà pour les démissionnaires. Un quinzième ou seizième motif de démission légitime aurait suffi. Quant à l'assurance chômage des indépendants, ils n'en sont eux-mêmes pas demandeurs.