Intervention de Yves Ricordeau

Réunion du mercredi 23 mai 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Yves Ricordeau, représentant de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) :

Pour nous, ce projet cherche à répondre à deux ambitions : faire face à un chômage de masse et relever les défis du changement dans le monde du travail et des mutations fondamentales que connaissent les salariés et les entreprises. Il optait en outre pour une approche système qui aurait pu organiser une nouvelle étape de la sécurisation des parcours des salariés. Pour notre organisation, les ambitions affichées sont donc légitimes et l'approche système est intéressante. Néanmoins, dans sa rédaction actuelle, le texte n'est pas au rendez-vous de cette nouvelle étape de sécurisation des parcours professionnels.

C'est par rapport à la première ambition affichée, lutter contre le chômage et pour l'emploi, que les éléments de réforme sont les plus intéressants. La réforme de l'apprentissage place le monde professionnel au coeur des enjeux, dans une logique de proximité, en vue de favoriser le développement des compétences. Cela va plutôt dans le bon sens. Faisant l'objet d'un effort particulier, la formation des demandeurs d'emploi est aussi renforcée, au bénéfice des politiques publiques en faveur de l'emploi. De ce point de vue, le projet de loi est donc positif, avec des bémols sur les droits des apprentis et le pilotage des politiques destinées aux demandeurs d'emploi.

Nous sommes plus mitigés au regard de la seconde ambition : faire entrer notre pays dans la société de la connaissance. À notre sens, il fallait éviter deux écueils, comme nous nous y sommes employés durant la négociation entre les partenaires sociaux : raisonner par silo, par catégorie de public bénéficiaire ; tomber dans une hyper-individualisation des droits. En mettant l'accent sur l'expression des besoins en compétences des entreprises et des territoires, sur une qualité accrue de la formation et sur une réforme de la certification, la négociation avait cherché à répondre aux demandes d'élévation du système de la formation professionnelle et nous avions pu obtenir un renforcement important des droits des salariés.

Malheureusement, au lieu de prendre comme point de départ une réforme sérieuse du système actuel de formation professionnelle et la précédente réforme, le projet de loi met en avant deux dispositifs qui nous posent problème : la monétisation du CPF et l'individualisation des droits. Il tend également à une refonte complète de la gouvernance, sans que cette démarche ait fait l'objet d'une concertation.

Notre organisation, comme les autres parties prenantes, a intérêt à ce que les politiques de développement des compétences réussissent. Au stade de la discussion parlementaire, nous souhaitons insister sur le fait que, pour tirer le projet de loi vers le haut, il convient tant d'améliorer la gouvernance, en particulier de rétablir un premier échelon territorial, trop absent aujourd'hui, que de renforcer le dialogue social en entreprise sur la question de la formation professionnelle.

J'en viens à la réforme de l'assurance chômage, qui se résume à une universalisation partielle et à une fiscalisation. Quatre points retiennent notre attention.

Premièrement, l'assurance chômage est avant tout un revenu de remplacement qui doit être assis sur les salaires. De ce point de vue, l'alerte donnée par le Conseil d'État est importante. Deuxièmement, la négociation a répondu aux interrogations relatives à l'intégration d'une nouvelle filière réservée aux démissionnaires et à la lutte contre la précarité : l'équilibre trouvé sur ces deux éléments doit être préservé dans le cadre de la réforme. Troisièmement, en ce qui concerne la gouvernance, les relations entre l'État et les partenaires sociaux doivent être articulées de telle manière qu'un bon équilibre soit trouvé à travers une lettre de cadrage, ce qui nécessiterait une discussion préalable avec les partenaires sociaux. Quatrièmement, s'agissant du financement, il nous semblerait intéressant que le projet garantisse la dynamique des recettes, pour préserver les droits des bénéficiaires.

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