Intervention de Patrice Anato

Réunion du jeudi 8 mars 2018 à 10h10
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Anato, rapporteur :

La politique commerciale européenne fait régulièrement la une de l'actualité mais force est de reconnaître que c'est essentiellement dans sa dimension bilatérale. Il n'aura échappé à personne qu'on n'a jamais autant parlé de commerce international qu'à l'occasion de la signature de l'AECG-CETA ou lors des négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement avec les États-Unis. Il ne fait aucun doute que demain, il en sera de même lorsque seront conclues les négociations avec le MERCOSUR ou que s'ouvriront les discussions avec l'Australie ou la Nouvelle-Zélande.

Pourtant, la politique commerciale européenne ne se limite pas aux accords bilatéraux. Elle a une autre dimension qui mérite elle aussi une attention particulière : le multilatéralisme et l'Organisation mondiale du commerce qui le met en oeuvre. Si cette dimension est rarement abordée, c'est évidemment que l'OMC a depuis longtemps quitté la une de l'actualité car, justement, elle n'a plus vraiment d'actualité. Les négociations du cycle de Doha se poursuivent depuis 2001 et personne n'en voit la fin, ce qui pourrait laisser penser que l'avenir est au bilatéralisme et non au multilatéralisme.

Toutefois, ce n'est pas le cas et notre conviction à l'issue de cette mission, est que l'OMC est plus que jamais nécessaire à la régulation du commerce international et les États-Unis viennent d'en donner un nouvel exemple…

Avant de rentrer dans le vif du sujet, quelques rappels sur ce qu'est l'OMC. Successeur du GATT, l'Organisation mondiale du commerce a été créée en 1995 par l'accord de Marrakech et compte aujourd'hui 164 membres, dont l'Union européenne qui en est membre à part entière. Le commerce étant une compétence européenne exclusive, c'est la Commission européenne qui agit à l'OMC en lieu et place des États membres. L'OMC a trois missions :

– une mission exécutive : elle administre l'accord de Marrakech et l'ensemble des accords multilatéraux qui forment le droit de l'OMC ;

– une mission législative : elle encadre les négociations multilatérales visant à établir de nouvelles règles du commerce international ;

– une mission juridictionnelle : via l'organe de règlement des différends et l'Organe d'appel, elle règle les différends commerciaux entre ses membres.

La mission législative de l'OMC est naturellement la plus visible pour l'opinion publique et les médias et c'est justement celle-ci qui est actuellement bloquée. Les négociations du cycle de Doha durent depuis 2001 et la dernière conférence ministérielle à Buenos Aires, en décembre 2017, a été un nouvel échec. Alors que quelques accords très partiels avaient été adoptés lors des conférences ministérielles de Bali en 2013 et Nairobi en 2015, il n'a même pas été possible, à Buenos Aires, de parvenir à un accord sur l'interdiction des subventions à la pêche illégale.

Notre rapport analyse évidemment les raisons de ces échecs successifs. Elles sont triples et reflètent les évolutions du commerce international :

– la première est la transformation des négociations commerciales qui portent désormais non plus sur l'abaissement des barrières tarifaires, comme ce fut le cas à l'époque du GATT, mais sur la suppression des barrières non-tarifaires et l'harmonisation des normes et des réglementations. Or, celles-ci ne sont pas seulement des obstacles techniques au commerce mais aussi la traduction des préférences collectives et des choix de vie d'une société ;

– la deuxième raison est l'irruption de la société civile dans les négociations commerciales. Alors qu'elles leur ont longtemps été indifférentes, elle exige désormais de la transparence et un contrôle démocratique sur leurs résultats, notamment parce qu'elles touchent à son mode de vie ;

– la troisième raison est le poids de plus en plus important des pays en voie de développement dans le commerce international, lesquels remettent en cause le leadership des États-Unis et de l'Union européenne et affirment leurs intérêts propres.

Ces facteurs, qui sont liés entre eux, expliquent le blocage des négociations du cycle de Doha. Parce que les membres de l'OMC sont plus nombreux, ils n'ont pas les mêmes intérêts et, compte tenu de la sensibilité des nouveaux sujets, ils sont contraints dans les compromis qu'ils peuvent faire par leur opinion publique. Les compromis sont ainsi devenus inatteignables et, sans compromis, pas de consensus possible.

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