Intervention de Dominique Martin

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 10h00
Commission des affaires sociales

Dominique Martin, directeur général de l'ANSM :

Monsieur Perrut, vous m'interrogez sur l'accès généralisé aux données de santé, notamment au travers de l'Institut national des données de santé (INDS). Vous estimez que le fait que de nombreux acteurs aient accès aux données de santé est une bonne chose, mais peut aussi susciter des interrogations ou un besoin de contrôle. Vous avez raison, et les textes prévoient d'ailleurs l'encadrement de cet accès. Il faut que les acteurs aient accès aux données de santé – c'est un enjeu démocratique majeur – mais cela doit se faire dans des conditions qui n'entraînent pas des risques de manipulation ou autres. L'ANSM met à disposition, notamment sur son site, de nombreuses données de santé se rapportant à son activité.

Quant à la publicité, elle fait l'objet d'un fort contrôle puisqu'il se fait a priori et non pas de manière aléatoire a posteriori. Avant de diffuser une publicité, un industriel doit obtenir un visa de l'ANSM.

S'agissant de l'accès à l'innovation, je ne peux que rappeler que l'ANSM se doit d'accompagner ce mouvement et qu'elle a certainement des efforts à faire dans ce domaine.

Monsieur Belhaddad, vous avez abordé la question de l'automédication et des médicaments sous PMF qui peuvent d'ailleurs être remboursés. Ces produits sont surveillés exactement comme les médicaments sous prescription médicale obligatoire (PMO).

Nous avons eu une nouvelle preuve de l'importance de l'automédication au travers de la décision que vient de prendre la ministre concernant les médicaments à base de codéine. Médicament inscrit sur liste, la codéine bénéficie depuis de très nombreuses années d'une exonération quand elle ne représente qu'un faible pourcentage du produit final. C'est ainsi que certains antitussifs ou antalgiques étaient accessibles en PMF. La ministre vient de supprimer ces exonérations, ce qui oblige désormais le patient à avoir une prescription pour se procurer ces médicaments. Il existe un équilibre à trouver : nous souhaitons tous avoir accès à des médicaments traitant de petites pathologies du quotidien, efficaces mais sans risque, sans être obligés de consulter un médecin ; la sécurité des produits reste néanmoins en enjeu majeur.

Monsieur Quatennens, vous avez évoqué la surconsommation de médicaments en France. Vous avez raison en ce qui concerne les deux classes de médicaments que vous avez cités, les anxiolytiques et les antibiotiques. On pourrait y ajouter les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Nous devons collectivement – agences de régulation, professionnels de santé et usagers – nous attaquer au problème afin d'abaisser notre niveau de consommation.

Il n'est pas neutre de surconsommer des anxiolytiques. Ce sont des médicaments très utiles dans certaines situations, mais ils peuvent devenir dangereux quand ils sont prescrits trop fréquemment, trop longtemps, à des doses trop élevées, notamment à des personnes âgées. Ces prescriptions entraînent des troubles neuropsychiatriques, des chutes ; elles représentent un facteur de risque d'entrer dans la démence. Le risque est faible, mais l'ampleur de la surprescription, notamment à l'égard des personnes âgées, fait qu'il s'agit là d'un vrai sujet. Autre enjeu majeur : l'antibiothérapie trop utilisée et la problématique de l'antibiorésistance qui risque de nous entraîner dans une impasse.

S'il ne me revient pas de me prononcer sur vos propositions, je peux néanmoins revenir sur deux de leurs aspects. Tout d'abord, il faut que les pouvoirs publics se dotent d'une capacité autonome pour faire de l'évaluation en vie réelle. Dans le cadre de la loi de 2011, nous avons créé des départements de pharmaco-épidémiologie, qui sont situés à la fois au sein de la CNAM et de l'ANSM. Nous avons aussi créé récemment deux plateformes, l'une à Rennes et l'autre à Bordeaux, qui nous donnent une puissance considérable d'évaluation des produits en vie réelle, et ce de manière totalement autonome. Ces quatre sites ne sont absolument pas financés par l'industrie, et ils conduisent des analyses de façon totalement autonome dans notre environnement de service public.

Ensuite, je vous le dis de façon extrêmement claire : il n'y a pas de conflits d'intérêt entre les experts et l'ANSM. Les liens d'intérêt potentiels sont traités, contrôlés par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et d'autres corps de contrôle. Tous les agents de l'ANSM et tous les experts doivent publier une déclaration publique d'intérêt ; tous les liens sont contrôlés. Il n'y a pas de situation de conflit d'intérêt entre l'ANSM et les experts qui travaillent en son sein, contrairement à ce que j'entends souvent dire. J'attends les preuves du contraire ! Les liens d'intérêt sont traités ; il y a un service de déontologie placé auprès du directeur général. Je peux vous assurer que nous attachons une très grande importance à ce que les risques de conflit d'intérêt soient prévenus, tant au sein de l'établissement pour les agents que dans nos relations avec les experts. Nous avons très souvent refusé de travailler avec des experts dont les liens faisaient craindre un conflit d'intérêt potentiel.

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