Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du jeudi 27 juillet 2017 à 10h00
Commission des affaires européennes

Pierre Moscovici, Commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l'Union douanière :

Les contrefaçons constituent en effet un axe important de l'action de l'Union européenne dans le domaine douanier. Notre rôle est de promouvoir l'unification des technologies, de renforcer la réglementation et de nous assurer d'une bonne coordination entre administrations douanières. Je constate que la coopération douanière s'améliore au sein de l'Union européenne, même si beaucoup reste à faire, ce qui dépend de la volonté des États.

Nous devons encore renforcer les douanes dans nos différents États membres et améliorer notre coopération. Le code des douanes, qui est entré en vigueur il y a quelques mois, constitue un pas dans cette direction. Il s'en suit toute une série d'enjeux en termes d'équipement informatique et de législations nationales. Je vous invite à faire preuve de vigilance en la matière. Sachez que la Commission européenne sera à vos côtés.

Madame Le Grip, vous m'avez interrogé sur la possibilité de tenir compte du coût des opérations extérieures dans la manière d'évaluer notre respect du pacte de stabilité. C'est un débat franco-français, notamment parce que la France joue le premier rôle dans ces opérations militaires. Comme Jean-Claude Juncker, j'estime que la France joue un rôle éminent dans la défense pour le compte de l'Europe. Il n'y aurait pas de défense européenne s'il n'y avait pas la France, mais toutes les opérations lancées par la France ne le sont pas pour le compte de l'Europe, loin de là.

Un principe assez simple pose la question de l'européanisation de la défense : il pourrait y avoir une prise en compte de ces dépenses dans le pacte si les opérations étaient décidées au niveau européen. Dans ce cas, il y aurait une décision européenne, un financement européen, une prise en compte européenne. Pour le reste, nous avons des réflexions sur le pacte qui portent davantage sur le décompte des investissements que sur celui des opérations. Quand des opérations sont ainsi décidées, comme dans le cas du Mali, on peut faire des choses.

Nous avons d'ailleurs accepté une certaine flexibilité dans le contexte du pacte. Nous avons ainsi accepté que certaines augmentations de dépenses, notamment pour la sécurité et la lutte contre le terrorisme, soient prises en compte hors du pacte. Ce fut le cas après les attentats de janvier 2015. Il faut trouver la bonne distinction entre ce qui est investissements ou défense européenne proprement dite. C'est un sujet politique qui ne doit pas être traité uniquement ou principalement sous l'angle budgétaire. Il faut avoir une vision plus large.

Monsieur Simian, ce n'est pas à la Commission européenne de dire ce que doit être le mode de scrutin pour les prochaines élections européennes. Premièrement, le mode de scrutin doit donner un enjeu à ces élections. Les députés français ont été élus avec une participation quasi européenne – 42 %, c'est à peu près le même score que pour les élections européennes de 2014 – et si nous suivons la même tendance, nous allons être assez bas. Comment faire en sorte qu'il y ait un enjeu ? Les partis politiques doivent s'interroger sur leur structuration, sur leurs plateformes, sur le maintien ou la suppression des têtes de listes, sur l'existence éventuelle de listes transpartisanes.

Deuxièmement, le mode de scrutin pour les élections européennes doit respecter les régions. Il peut être national mais régionalisé.

Troisièmement, c'est un scrutin proportionnel. Il faut être conscient que plus on a de régions et moins la proportionnelle est garantie. Pour avoir été tête de liste dans la région Grand Est en 2004, je sais que le résultat aurait été différent si je l'avais été dans ma petite région de Bourgogne Franche-Comté. Ce n'est pas tout à fait pareil de faire respecter la proportionnelle dans une région qui compte 2 millions d'habitants et où le nombre de sièges est restreint que dans une région de 9 millions d'habitants. Il revient au Gouvernement français d'y réfléchir. On lui fait toute confiance.

Puisqu'il y a une volonté européenne, il faut aussi faire en sorte que ces élections soient un succès. C'est très important. J'ai été membre de votre assemblée ; j'ai été élu ici trois fois ; j'ai été élu deux fois au Parlement européen. Il faut renforcer les relations avec ce dernier parce qu'il va devenir encore plus important pour nos concitoyens qu'il ne l'est actuellement si nous allons vers la démocratisation de la zone euro que j'appelle de mes voeux.

Madame Grandjean, le numérique représente un chantier essentiel qui doit être appréhendé sous de nombreux angles : l'investissement, ce qui correspond au plan Juncker ; la protection des données ; la responsabilisation des plateformes en matière de contenu ; la fiscalité des entreprises et des opérations en Europe, ce qui est de mon ressort. En outre, un débat est engagé sur l'économie collaborative et des plateformes comme Uber, Airbnb, etc. La Commission européenne a lancé ses filets et nous sommes en contact étroit avec les autorités françaises – dont je sais que c'est l'une des priorités – pour travailler notamment sur la fiscalité du numérique. J'ai eu l'occasion d'en parler très récemment avec les principaux responsables de ce pays.

Madame Petit, je ne peux qu'approuver vos propos sur la Grèce. Je pense que l'objectif doit être de trouver un chemin pour que dans un an, en août 2018, la Grèce réussisse à conclure son programme d'une manière favorable et qu'elle entre ensuite dans une situation normale où elle respectera les mêmes règles que les autres pays. Elle sera soumise à un peu plus de contrôles que les autres dans le cadre de la surveillance post-programme, mais celle-ci portera sur la fin et non sur les moyens. Pour cela, il faut suivre le chemin, réussir la dernière revue du programme qui portera davantage sur la mise en oeuvre des mesures. Pour le reste, vous avez raison, il faut encourager la Grèce, la meilleure des solidarités étant de créer les conditions de la reprise qui se profile. Vous pouvez être sûre que c'est une priorité absolue de la Commission européenne.

Vous parliez d'inclusion politique. Compte tenu de son histoire et de son rôle géopolitique, la Grèce est bien présente sur le plan politique. Elle a une armée ; elle est au contact de la Turquie ; elle est une terre d'accueil pour les réfugiés. La Grèce a subi deux crises en même temps. Elle sera encore plus présente une fois sortie, politiquement plus forte, de cette affaire. La Commission européenne, comme la France d'ailleurs, est aux côtés de la Grèce. Je dis bien de la Grèce, du peuple grec, même si nous travaillons avec les gouvernements grecs, car c'est une bonne chose.

Monsieur Bothorel, en réponse à votre question, je vais vous donner un sentiment personnel, un peu nourri par l'expérience. Quand je suis arrivé ici, en 2012, comme ministre des finances, j'avais un cahier des charges ambitieux, un grand discours de l'ancien Président de la République qui expliquait qu'il fallait scinder les banques. Assez vite, j'en suis arrivé à l'idée qu'il fallait séparer les activités bancaires mais garder les structures. En France, nous avons des banques plutôt grandes et systémiques ; elles sont sur le modèle de la banque universelle qui associe les banques de dépôts et les banques d'affaires. Si vous les coupez en deux, vous allez créer des banques de dépôts plus faibles et des banques d'affaires qui ne seront pas à la hauteur. C'est la raison pour laquelle, à l'époque, j'avais proposé que l'on sépare les risques, les activités, en conservant les structures. Cela ne m'avait pas valu que des amis.

Je persiste à penser qu'il faut éviter le prêt-à-porter dans ce domaine et qu'il est préférable de faire du sur-mesure. Il y a autant de modèles de loi bancaire qu'il y a de modèles bancaires. La situation n'est pas la même aux États-Unis, en Grande Bretagne et en France. Il est très important de se protéger face aux risques et de s'assurer de l'existence d'un contrôle, mais il ne faut pas pour autant détruire les structures économiques et bancaires.

C'était ma réflexion en 2012-2013, lors de l'adoption de la loi bancaire qui, après coup, est plutôt considérée comme un succès. Certains m'ont critiqué mais j'assume tout à fait ma position. Toujours à titre personnel, je pense que c'est la même chose à l'échelle européenne : il faut faire du sur-mesure, se montrer très ambitieux dans la séparation des activités, mais très prudents quand il s'agit de scinder des structures. Je pense qu'il faut laisser une certaine latitude aux différents États membres, ce qui n'est pas forcément la tendance. Les gouvernements français doivent se montrer vigilants sur ce point.

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