Pour répondre, tout d'abord, à une précédente question de Mme Kuster, nous nous sommes aperçus que, sur le site du CSA, la possibilité d'adresser une demande était positionnée de telle sorte que l'usage en était rendu très difficile. Nous avons facilité ce mode de saisine en modifiant le site. C'est un des facteurs d'explication, avec l'effet d'entraînement que cela a pu provoquer. Environ 90 % des saisines du CSA sont des plaintes, qui peuvent relever de chapitres très différents : droits et libertés, consommation, réception…
J'en profite pour rendre hommage à nos comités territoriaux de l'audiovisuel, qui comptent chacun un attaché technique audiovisuel à présent doté du matériel suffisant pour vérifier que les problèmes de réception hertzienne ne sont pas dus à des difficultés occasionnelles mais à des causes structurelles, notamment liées au relief des zones concernées. Nous sommes très attentifs, en liaison avec les antennistes, à ce que la réception soit bonne. Cela vaut en particulier pour la TNT.
Dès mon arrivée, madame Bannier, j'ai prescrit que toute observation, fût-ce un avertissement, soit précédée d'une procédure contradictoire, alors même que la jurisprudence du Conseil d'État ne le demande pas. La procédure contradictoire peut prendre du temps, surtout quand la chaîne fait appel à un conseiller juridique. Il arrive aussi que nous recueillions l'opinion de notre interlocuteur sur les modalités de mise en oeuvre de la sanction. Dans un cas que vous avez cité, le créneau de temps a été choisi en concertation, non pour diminuer la portée de la mesure mais pour ne pas l'aggraver.
Nous disposons, pour assurer l'observation de l'ensemble des pluralismes et des droits et libertés, de la capacité de faire appel à un effectif compris entre douze et quinze personnes. Ces collaborateurs, dont je salue la compétence, le dévouement et le sens du service public, travaillent, pendant de nombreuses périodes, sept jours sur sept, on les appelle le samedi et le dimanche à leur domicile, où le matériel d'observation est parfois installé, et ils travaillent dans des conditions extrêmement difficiles.
J'ai demandé à plusieurs reprises aux pouvoirs publics de me permettre d'assurer l'observation des chaînes satellitaires de pays étrangers, notamment de la rive sud de la Méditerranée, qui imbibent l'information de certaines zones de notre territoire. Le CSA dispose actuellement d'une seule personne parlant arabe pour observer toutes ces chaînes. J'ai demandé des crédits supplémentaires ou la possibilité de recrutements, fût-ce à titre transitoire. Nous sommes contraints par un tableau des emplois et par une masse salariale, ce qui signifie que, dès lors que je consens, avec le directeur général, une rémunération en adéquation avec la spécialisation de la personne en question, je perds en emploi ce que je gagne en compétence.
Le rapporteur indépendant du Conseil d'État est une institution nouvelle. Il y a eu neuf saisines par le directeur général. Pendant plusieurs mois, les réponses ont été lentes mais elles se sont depuis lors bien accélérées. En ce qui concerne la sanction à l'ordre du jour, demain, de la réunion plénière du Conseil, le rapporteur a mis en oeuvre une procédure accélérée de quinze jours qui a été acceptée par notre interlocuteur. Si le bilan de cette année montre qu'il vaut mieux faire appel à plusieurs rapporteurs qu'à un seul, nous prendrons, avec le vice-président du Conseil d'État, qui décide en la matière, les mesures nécessaires.
Monsieur Peltier, je partage votre vision selon laquelle la langue est au coeur de la nation. La promotion de la langue française fait partie de ces tâches si importantes dont je disais au début de mon intervention que nous les prolongions à l'égard de l'école et que nous les partagions avec d'autres institutions prestigieuses, en premier lieu l'Institut et l'Académie française. Mme Hélène Carrère d'Encausse a accepté d'être la présidente d'honneur de l'Observatoire de la langue française. Nous avons organisé des Journées de la langue française en partenariat avec les télévisions et – c'est nouveau – les radios. Nous avons par exemple fait intervenir en 2016 des personnalités célèbres dans différents milieux, le chanteur Vianney, l'écrivain Dany Laferrière ou encore le comédien Guillaume Gallienne. Nous avons voulu donner un visage à la langue pour qu'elle ne reste pas quelque chose d'abstrait. Nous avons très chaleureusement collaboré avec nos interlocuteurs, qui sont tous convaincus de l'importance de cette tâche. Il est fâcheux que des considérations financières conduisent parfois à concevoir des émissions dans lesquelles cet objectif n'est pas primordial.
En ce qui concerne les obligations musicales de M6, monsieur Bois, comme pour TF1 nous avons été dans une optique de négociation. Nous avons considéré qu'un système dans lequel des obligations musicales étaient reportées à des heures où le nombre de téléspectateurs est infime était un faux-semblant et nous avons préféré imposer moins d'obligations financières à M6, en particulier par une mutualisation de ses obligations avec W9, tout en imposant un nombre prédéterminé – quatorze, si je me souviens bien – de soirées consacrées, aux heures de plus grande écoute, à des programmes musicaux. Nous l'avons fait en contact étroit et en accord avec la filière musicale. En cela, nous jouons ce rôle sur lequel j'ai insisté tout à l'heure de médiateur et conciliateur. Il y a deux pôles opposés : la chaîne et la filière musicale. Nous essayons d'obtenir un compromis entre les deux, conscients au surplus que le streaming appelle de notre part une vue relative des choses.
Je suis assez critique à l'encontre du 2° bis de l'article 28 de la loi de 1986 qui a imposé des malus et des dispositions particulièrement lourdes aux radios musicales, parce qu'à force d'imposer des contraintes à ces radios, nous verrons les adolescents ne plus écouter que des programmes musicaux sans aucune présentation ni contextualisation. Il faut bien se rendre compte que nous sommes au centre d'un ensemble et que nous devons tenir compte de considérations très dissemblables.
Je suis parfaitement conscient qu'une seule loi est restée en souffrance : celle prescrivant la diffusion des langues régionales. Nous sommes attachés à ces langues, comme nous le sommes d'ailleurs à la francophonie. Si le législateur nous indique cette direction, nous n'aurons aucun état d'âme à la suivre.
S'agissant du contrôle de YouTube, nous sommes exactement face au problème que j'ai mentionné d'emblée, concernant le périmètre de notre régulation. Nous avons pensé que nous pouvions y inclure un certain nombre de chaînes YouTube qui se définissent par un cumul de critères, dont un article du code général des impôts en réalité sans rapport avec le problème posé. Nous avons mis en cause des émissions qui rendent « pompette », sans contentieux devant le Conseil d'État, ce qui fait que nous ne savons pas quelle serait sa position juridique. Notre effort, au sein de la négociation qui se déroule en ce moment au niveau européen, est de faire en sorte que la définition des acteurs permette le plus aisément possible de les ranger dans la catégorie dite des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), mais cette question est encore en suspens. La Commission européenne a une position en retrait, le Parlement une position active ; quant au Conseil de l'Union, il a été assez audacieux sous la présidence maltaise, le 23 juin dernier, mais je ne peux prédire ce qu'il en sera de la prochaine présidence.
Avec les chaînes YouTube, nous sommes exactement à la limite entre les chaînes au sens de la loi de 1986 et des chaînes à la périphérie de notre action. Il existe d'autres limites périphériques : par exemple, une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme d'octobre 2015 juge que les sites vidéo des radios et des organes de presse sans rapport direct avec le contenu éditorial de ces radios et organes sont des contenus audiovisuels et peuvent dès lors être soumis à la régulation. Nous plaidons pour que la régulation soit étendue à l'ensemble des services audiovisuels, numériques ou non, car il nous semble qu'un principe de neutralité technologique doit l'emporter : ce n'est pas le mode de diffusion qui importe mais les programmes.