En ce qui concerne l'élection présidentielle, il n'y a plus, sauf pendant les périodes de campagne officielle, soit quinze jours avant la date du scrutin, de principe d'égalité. Ce que nous avions proposé et qui a été voté par le Parlement, c'est la substitution du principe d'équité au principe d'égalité pendant les trois semaines qui séparent le jour où les candidatures sont rendues publiques de l'ouverture de la campagne officielle. Cela avait été réclamé par l'ensemble des rédactions en 2012 et déjà par le CSA auparavant.
Il se trouve que les rédactions n'ont pas été complètement satisfaites. La proposition de loi présentée par M. Urvoas et votée par l'Assemblée nationale a soulevé de fortes objections de la part du Sénat, qui s'est déclaré attaché au maintien du principe d'égalité. La solution trouvée en commission mixte paritaire a été d'assortir le principe d'équité d'un certain nombre de contraintes, notamment quant à la nature et à la répartition des programmes. Nous avons essayé d'adopter une acception souple de cette condition en nous contentant de distinguer à l'intérieur de la journée quatre tranches horaires. Je reconnais que la distinction à faire entre ces tranches horaires a compliqué le calcul des rédactions, notamment dans certaines radios qui n'avaient pas l'habitude de procéder à de semblables décomptes. Je persiste toutefois à penser que cette substitution a marqué un très grand progrès, dans la mesure où la part de l'information politique a considérablement crû ; elle a presque doublé entre l'élection présidentielle de 2012 et celle de 2017. Un autre équilibre peut certes être envisagé ; cela relève de votre compétence.
Je n'ai pas complètement répondu sur le débat de TF1 limité à cinq candidats. Nous ne pouvons pas intervenir en amont mais il nous arrive, si nous avons des correspondants à l'écoute, de dispenser quelques conseils. Ce n'est pas un secret que nous étions assez réticents quant à une distinction entre les candidats car il nous apparaît, s'agissant de processus de désignation démocratique à une élection d'une telle importance, que la liberté d'appréciation laissée à un programmateur aussi puissant soulève des questions démocratiques. C'est très compliqué, car vous vous souvenez qu'un candidat se trouvait dans une fourchette qui le séparait des autres.
Je pense que la législation électorale doit être modifiée au vu de chaque échéance et le plus rapidement possible. Il y avait déjà quelque chose d'inhabituel dans le fait qu'en 2016, juste un an avant la nouvelle compétition électorale, le Parlement accepte de se prononcer sur cette question. Ce qui se passe habituellement, c'est que le CSA rend son rapport et qu'ensuite bien d'autres problèmes assaillent le Gouvernement, la majorité et l'opposition, et ces questions sont reportées à une période où il n'est plus temps de les aborder. S'il se pouvait que cette « règle » fût modifiée, nous nous en réjouirions.
Madame Bergé, un délai est nécessaire pour que le CSA réagisse lorsqu'une anomalie se produit. En l'espèce, elles se sont multipliées. Nous avons envoyé plusieurs courriers d'observations avant de prononcer des mises en garde et des mises en demeure. Nous débattrons afin de déterminer si nous prononçons une sanction pour la troisième fois. Si nous désirons adopter une approche graduée, et ne mettre en oeuvre la procédure de sanction qu'en dernière extrémité, il est clair qu'elle ne pourra intervenir qu'après un certain délai. Il faut bien reconnaître que, dans le cas qui nous préoccupe, il n'a pas été véritablement mis à profit par les intéressés.
Pouvons-nous intervenir de façon préventive ? Cela pose un problème de principe. On nous accuserait de censure. Nous ne pourrons nous aventurer dans de tels confins sans que le législateur ne nous en confie explicitement la charge, dans un cadre très précis.
Aujourd'hui, les plateformes vidéo et les hébergeurs sont encore régis par une ancienne directive transposée au début des années 2000 dans la loi française. Cette dernière posait le principe que les plateformes n'étaient que des hébergeurs. En conséquence, leur responsabilité ne pouvait être engagée comme l'est celle des distributeurs ou des éditeurs.
À titre personnel, mais je pense aussi m'exprimer au nom du Conseil, j'estime que les distinctions entre hébergeurs, distributeurs et éditeurs n'ont plus de sens au regard des modes de communication modernes. Ces distinctions, désormais poreuses, doivent être remises en cause. Il est anormal que la notion de distributeur ne figure pas aujourd'hui dans la directive Services de médias audiovisuels, alors qu'elle est présente dans l'article 2 de la loi qui régit le CSA. Il faut redéfinir les différentes fonctions, en conformité avec les schémas européens ; l'échelle des responsabilités en dépend. Il est hautement souhaitable que le législateur européen et le législateur national se mettent d'accord sur ce sujet majeur.
Madame Duby-Muller, s'agissant du contrôle des quotas de chansons francophones, vous l'avez compris, j'entretiens une certaine méfiance à l'égard des risques que fait courir l'hyper-réglementation dans un univers soumis à la concurrence. Je pense qu'il faut passer d'une approche générale et impersonnelle, qu'elle soit législative ou réglementaire, à un échange avec le régulateur. Un accord doit être passé entre chaque chaîne et ce dernier. Le 2° bis de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ouvre d'ailleurs cette possibilité pour les radios spécialisées dans la découverte musicale. Il s'agit à mon sens d'une voie à suivre.
Pourrions-nous consacrer des moyens supplémentaires au contrôle ? Nous avons signé un contrat avec Yacast, un prestataire de services. Si nous devions lui demander de travailler sur un panel plus large que les panels fixe et tournant décrits dans notre rapport, nos crédits de fonctionnement seraient insuffisants. S'il est possible de les distinguer, il faut que le « législateur légiférant » et le « législateur budgétaire » s'accordent. Il existe aujourd'hui 850 radios différentes en métropole, et 150 dans les outre-mer. À ces mille radios correspondent plus de 5 270 fréquences. Comment voulez-vous qu'avec le même nombre d'observateurs que ceux dont nous disposons aujourd'hui, nous puissions effectuer toutes les observations nécessaires ? Ce serait impossible. Il faudrait s'en remettre aux seules plaintes, mais vous connaissez le monde économique : les plus forts savent parfaitement se servir des plaintes pour renforcer leur position dominante.
Des progrès remarquables ont été enregistrés en matière de médiatisation du sport féminin, même s'ils demeurent insuffisants. Nous y avons très largement contribué. Nous avons organisé une journée du sport féminin avant de lancer les « Quatre saisons du sport féminin » qui en sont aujourd'hui à leur seconde édition. L'année est organisée en quatre temps, le premier étant sous la responsabilité du CSA. En 2016, comme vous le verrez en photographie dans notre rapport, quatre ministres étaient présents pour le lancement de l'opération. Cette évolution est économiquement saine, car de nombreuses chaînes sportives comme l'Équipe ont beaucoup de mal à trouver un équilibre financier. Elles ont eu l'intelligence de faire le pari du sport féminin, et les résultats ne se sont pas fait attendre. Évidemment, la promotion du sport féminin sert aussi l'image des femmes. Il est important de montrer qu'elles sont présentes dans tous les domaines. À chaque fois que nous le faisons, nous avançons.
Madame Rist, le bilan du CSA en matière de santé publique n'est pas négligeable. La charte sur l'obésité, signée pour quatre ans, a déjà été renouvelée en 2016 – davantage de protagonistes sont concernés, et elle a été étendue aux radios. Nous travaillons sur d'autres thèmes qui pourraient encore être davantage développés. Nous relayons avec beaucoup de soin toutes les campagnes des pouvoirs publics en matière de santé, comme, actuellement, celle relative à la canicule, ou, récemment, celle concernant les maladies épidémiques en outre-mer. Les médias constituent une puissante caisse de résonance, et notre coopération avec les services chargés de la santé est extrêmement utile.
Toutes les actions à destination des enfants sont aussi extrêmement importantes. Lorsque nous affirmons qu'il ne faut pas laisser les enfants de moins de trois ans regarder la télévision, nous ne prenons pas une position de principe ; nous relayons les conclusions d'un rapport de l'Académie des sciences relatif aux sciences cognitives, datant du début de l'année 2015, qui montre très clairement que l'on entrave les possibilités de développement psychique de l'enfant en le focalisant sur des images animées éloignées de son milieu affectif immédiat. En rappelant les devoirs des parents, nous agissons pour la santé mentale et psychique de l'enfant.
J'ai répondu partiellement à Mme Mette sur les quotas de chansons. Les sanctions diffèrent selon que l'on se situe avant ou après la promulgation de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), qui comporte des dispositions relatives aux radios musicales. Avant, le CSA s'en tenait aux « mises en garde ». Les nouvelles dispositions nous permettent à présent de « mettre en demeure » et, vous avez raison, les radios contrôlées doivent être connues. Il faudrait effectivement passer au stade supérieur mais notre insuffisance de moyens risque de créer des injustices et des inégalités entre les radios contrôlées et celles qui ne le sont pas. En outre, la tentation est grande, pour les radios faisant partie du panel tournant et contrôlées deux fois, de penser qu'elles ne le seront pas une troisième fois… À nous de les démentir mais il nous faut avoir les moyens de le faire.
J'ai beaucoup contribué à la création de l'ERGA. La responsabilité de cette institution m'a été attribuée – c'était une mesure exceptionnelle – pour les deux premières années afin de la mettre rapidement en place. Ce fut le cas : la réunion de préfiguration a eu lieu à Paris en septembre 2013, l'organisation a été créée en février 2014 et s'est réunie pour la première fois en mars 2014. Ella a adopté son règlement intérieur et constitué quatre groupes de travail, dont le plus important nous a été dévolu, sur le suivi de l'élaboration de la directive « Services de médias audiovisuels ». Je peux donc dire que l'avant-projet de directive du 25 mai 2016 est très largement inspiré des positions françaises.
Nous nous sommes ensuite heurtés à des problèmes de succession. Je n'entrerai pas dans les détails. La Présidente croate devait me succéder mais a dû démissionner sous la pression de son parlement. Rien n'est idéal dans le fonctionnement des démocraties de l'Union européenne, comme nous le savons particulièrement aujourd'hui… Suite à cette démission, la présidence néerlandaise a préféré prendre sa place, plutôt que de laisser le vice-président croate prendre le relais. Actuellement, je tente de faire en sorte que le régulateur croate – très proche de nos positions – succède effectivement, à compter du 1er janvier, à la présidence néerlandaise. S'il devait y avoir une contestation, il faudrait une majorité des deux tiers. C'est donc un mouvement « diplomatique » qui requiert beaucoup d'énergie et d'attention, mais les enjeux sont importants. La directive doit reconnaître l'indépendance des régulateurs – je crois que ce fait est acquis. Il faut qu'elle reconnaisse également l'union des régulateurs comme organe constituant de l'Union, par parallélisme avec l'article 30 qui prévoit un comité de contact pour les États. Enfin, et ce sera peut-être le plus difficile, il faut revenir à la situation que j'avais créée : c'est l'ERGA qui doit établir son règlement intérieur. Vous le savez tous, le règlement intérieur n'est pas la moindre des normes.