En effet, Monsieur Guillaume Kasbarian, la préparation des choix en matière de PAC constitue l'un des premiers grands chantiers à venir sur le plan européen. Pour ma part, je suis convaincu de la nécessité de défendre une PAC forte au coeur du projet européen pour répondre aux enjeux de notre société, mais aussi une PAC dotée d'un budget à la hauteur de nos ambitions. Or le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne fait peser de nombreuses incertitudes sur le financement des politiques européennes, au premier rang desquelles figure la PAC. Je reste attaché à un budget fort de la PAC, qui ne saurait être la variable d'ajustement du futur cadre financier pluriannuel européen. Au-delà des objectifs définis dans les traités européens tels que la sécurité alimentaire et l'assurance d'un niveau de vie équitable, tous les nouveaux enjeux auxquels l'Union européenne doit faire face, notamment la lutte contre le changement climatique, sont de première importance. Nous avons saisi l'occasion fournie par la consultation publique qu'a organisée la Commission européenne pour rappeler la valeur ajoutée européenne de la PAC. Les résultats de cette consultation montrent que les citoyens européens sont globalement attachés à cette politique et qu'ils expriment de fortes attentes afin qu'elle accompagne un secteur d'avenir et réponde à nos défis communs. Il me paraît essentiel que la PAC continue d'accompagner un secteur qui participe au dynamisme et à la préservation des territoires ruraux, ainsi qu'à l'économie européenne au sens large. Le soutien au revenu garanti, notamment, permet de préserver la présence des agriculteurs sur les territoires et d'éviter l'abandon des zones rurales et les dégradations économiques et environnementales qui peuvent en résulter. La future PAC devra veiller à ce que l'agriculture européenne soit doublement performante, sur le plan économique comme sur le plan environnemental. Il s'agira d'encourager la généralisation des pratiques et des systèmes vertueux grâce à des mesures simples concernant l'ensemble des agriculteurs, mais aussi de mieux accompagner nos filières et de répondre aux prises de risques par des mesures ciblées et efficaces – j'y reviendrai.
Il est exact que le Gouvernement dispose de la possibilité de transférer des crédits entre le premier pilier de la PAC consacré aux aides à l'hectare et le deuxième pilier consacré au développement rural, à la production – notamment bio – et à la maîtrise des aléas. J'achèverai ce soir une large consultation des organisations professionnelles agricoles sur les besoins de financement identifiés jusqu'à 2020 au titre du deuxième pilier. Les besoins de financement recensés à ce jour résultent de la conjonction de plusieurs facteurs : la surprogrammation initiale des projets destinée à éviter la sous-consommation finale des crédits, mais aussi l'extension du périmètre des bénéficiaires de l'ICHN, le renforcement de la part de l'Union européenne dans l'éco-financement et, enfin, le dynamisme d'un certain nombre de dispositifs, notamment le développement des filières bio, et la montée en puissance de l'assurance récoltes.
Une fois qu'il aura été décidé, ce transfert donnera lieu à une notification à la Commission au 1er août, comme le prévoit un règlement européen. Je considère que la rigueur et la cohérence politique des décisions à prendre concernant l'utilisation des crédits de la PAC comme des crédits au niveau national sont une condition indispensable de la crédibilité de la France auprès de ses partenaires européens, particulièrement dans la perspective de la négociation de la PAC. Même s'ils sont difficiles, les choix de court terme ne doivent pas faire perdre de vue l'ambition de moyen terme qu'affichent les états généraux de l'alimentation. Mon unique souci est que les crédits de la PAC servent l'ensemble de l'agriculture française, avec une attention particulière portée aux zones les plus défavorisées et aux secteurs les plus fragiles comme l'élevage, ainsi qu'aux dynamiques de transformation en cours. J'aurai à communiquer dans les heures qui viennent sur le choix du taux de transfert qui sera retenu. Je ne peux néanmoins pas encore ouvrir ce sujet à la discussion dans la mesure où le tour des organisations syndicales n'est pas achevé ; or, la consultation des organisations est particulièrement importante, et chacun doit nous donner son avis.
D'ici au 1er août, nous vous informerons des arbitrages auxquels nous aurons procédé afin de permettre ce transfert qui résulte de l'impasse financière de près de 853 millions d'euros que nous avons trouvée – ce qui n'est pas rien. Je vous avoue que je m'en serais bien passé. La boussole que je suivrai sera celle d'une méthode de travail consistant à mettre les choses sur la table en toute clarté avec l'ensemble des organisations et des acteurs des filières. Nous nous heurtons à deux problèmes : tout d'abord, résoudre la difficulté tenant au financement de l'ICHN et au respect des engagements pris précédemment, qu'il nous revient d'honorer ; puis contribuer, avec les organisations syndicales et les acteurs des filières, à défendre l'ensemble des projets du monde agricole dans une PAC forte et ambitieuse, et au développement du secteur couvert par le deuxième pilier, le secteur bio, afin que les consommateurs accèdent aux produits qu'ils attendent et en lesquels ils ont confiance. C'est tout l'enjeu des prochaines heures ; dès la fin de cette audition, je poursuivrai les consultations des organisations syndicales qu'il nous reste à rencontrer, et nous vous ferons connaître nos arbitrages dans la foulée.
J'en viens à la gestion des risques. L'agriculture française et celle de l'Union européenne sont soumises à des aléas nombreux. Nos agriculteurs disposent aujourd'hui d'une palette d'outils comme l'assurance récoltes, mais aussi des outils propres à la filière viticole, touchée par le gel et la sécheresse. Nous devons donc renforcer notre stratégie de gestion des risques en améliorant l'efficacité des outils, notamment l'assurance récoltes – je sais que c'est attendu – et améliorer les dotations pour les aléas. À la suite des épisodes qui se sont produits dans le nord du pays, il serait bon que des dossiers nous remontent afin que nous puissions caractériser les difficultés que rencontrent les producteurs et les éleveurs, et déterminer les types de mesures de sauvegarde propres à remédier à ces situations. Je sais que nous devons être particulièrement attentifs à ces questions. Nous allons baisser de 30 % à 20 % les franchises de l'assurance récoltes, ce qui se répercutera sur la consommation des crédits du deuxième pilier, et nécessitera certains transferts.
Pour ce qui concerne l'évolution du prix du lait, j'ai conscience des difficultés que rencontrent actuellement les éleveurs laitiers, que je connais bien. Après deux années de crise, ils attendent une revalorisation significative des prix du lait. L'une des voies d'amélioration du prix du lait consiste à revaloriser les tarifs des produits de grande consommation, qui représentent environ la moitié des débouchés du lait. Cette revalorisation est aujourd'hui nécessaire mais elle ne peut être le fait que des acteurs économiques eux-mêmes. C'est pourquoi, comme je l'indiquais, il faut renforcer les organisations de producteurs afin qu'elles aient voix au chapitre dans le trilogue entre production, transformation et distribution. Dans ce secteur, en effet, on a trop longtemps divisé pour mieux régner ; or on s'aperçoit que lorsque les opérateurs sont réunis au sein d'organisations de producteurs solides, les négociations se déroulent mieux et les prix augmentent – nous en avons plusieurs exemples : ainsi ceux de l'association de producteurs Mont Blanc en Normandie, ou de l'organisation des producteurs de la filière Comté, dont on connaît le succès. Nous devons nous inspirer de ces exemples qui ont réussi. Je serai donc vigilant sur les avancées concrètes de ces négociations, qui doivent se matérialiser dès le mois de juillet s'agissant du prix du lait aux producteurs. Des avancées ont déjà été obtenues ; je les salue. Ce n'est cependant qu'un début, et il faut continuer de travailler avec l'ensemble des opérateurs. De ce point de vue, les états généraux de l'alimentation auront pour but de mettre tout le monde autour de la table et d'instaurer les espaces de dialogue indispensables pour formuler les propositions et les contributions de chacun des acteurs de la filière laitière en vue de redonner du pouvoir d'achat en même temps qu'un juste prix aux éleveurs et aux producteurs.
S'agissant des aides de la PAC, je l'ai dit lors des questions d'actualité et je le répète, nous avons arrêté un calendrier. J'ai bien conscience que le temps est long lorsque l'on attend des aides depuis 2015. Je connais des producteurs qui peinent à dégager un salaire de 900 à 1 000 euros par mois et à qui l'on doit plus de 30 000 euros d'aides, qu'ils attendent d'autant plus qu'elles sont essentielles au devenir de leurs exploitations. Nous avons donc établi un calendrier, et j'ai demandé à l'ensemble des directions du ministère, en particulier la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), d'être particulièrement vigilantes sur le respect de ce calendrier, que nous avons préféré élargir afin d'éviter toute mauvaise surprise. Je refuse en effet de devoir commenter en permanence les retards de l'ASP. Je ne manquerai pas de revenir devant vous en cas de problème pour vous tenir informés, car je sais que vous êtes tous interpellés par les producteurs et les agriculteurs de nos territoires, qui attendent beaucoup de ces aides. Je me suis engagé à respecter un calendrier, qui a été publié le jour de ma prise de fonctions, et je souhaite que nous nous donnions les moyens de nous y tenir.