Ces moyens sont cependant insuffisamment adaptés et ne permettent pas une sortie immédiate de l'état d'urgence, parce que l'efficacité de l'action administrative pourrait se trouver du jour au lendemain entravée par la perte d'un cadre juridique spécifique. C'est aussi cela qui nous amène à souhaiter la sortie de l'état d'urgence au mois de novembre prochain et qui nous amènera à accompagner et soutenir, avec la vigilance que j'évoquais tout à l'heure, l'intégration d'une partie des dispositions de la loi de 1955 dans le droit commun.
En réponse à certaines inquiétudes, je veux aussi souligner que nous avons entouré de garanties la mise en oeuvre de la loi de 1955. Les modifications successives de ce texte, pratiquement à chaque prorogation, ont contribué à renforcer l'encadrement du régime, en le rendant plus prévisible et en l'assortissant de garanties importantes, souvent novatrices, permettant de concilier efficacité de la mesure et garantie des droits : encadrement des régimes de l'assignation à résidence ; création d'une procédure de référé-autorisation devant le juge administratif pour permettre l'exploitation des données informatiques ; institution d'une présomption d'urgence permettant aux assignés à résidence de saisir à plusieurs reprises le juge du référé-liberté ; limitation à douze mois maximum de la durée des assignations ; prise en compte des contraintes de la vie familiale et professionnelle ; obligation de privilégier les perquisitions de jour, sauf nécessité opérationnelle ; enfin et peut-être surtout, mise en place d'un contrôle parlementaire strict des mesures prises sur le fondement de l'état d'urgence.
En effet, depuis 2016, la loi de 1955 modifiée prévoit en son article 4-1 la mise en oeuvre d'un contrôle parlementaire strict de toutes les mesures prises : « L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l'état d'urgence. Les autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu'elles prennent en application de la présente loi. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures. »
Sur la base de cette disposition, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait mis en place un dispositif de suivi investi des moyens nécessaires, nous avions nommé un rapporteur d'application de la loi de prorogation, issu de l'opposition, et c'est audit rapporteur d'application et au rapporteur de la loi qu'avait été confiée la mission d'animer cette mission permanente de suivi.
Sur le fondement de l'article 5 ter de l'ordonnance de 1958, la commission des lois avait aussi décidé de mobiliser les pouvoirs d'enquête dont peuvent être dotées les commissions permanentes afin de garantir ce contrôle parlementaire. Les informations ainsi recueillies ont été régulièrement publiées dans un souci de transparence. Les archives de la commission témoignent, s'il en était besoin, de la densité du contrôle effectué ; la dernière publication remonte au 15 juin dernier.
Madame la présidente de la commission des lois, vous nous avez indiqué vouloir poursuivre en ce sens, et cela nous convient, bien évidemment. Ce contrôle, qui a permis de renforcer les connaissances parlementaires, nous sera utile pour nourrir nos débats lors de l'examen du projet de loi à venir renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
Pour conclure, monsieur le président, notre groupe votera ce projet de loi de prorogation, en partageant l'objectif d'une sortie de l'état d'urgence, comme l'avait d'ailleurs proposé, dès le 16 mars dernier, Jean-Jacques Urvoas, alors garde des sceaux. Nous serons également attentifs aux dispositions du projet de loi que vous porterez bientôt devant nous ; il doit permettre d'intégrer certaines dispositions propres à l'état d'urgence dans le droit commun, mais il faudra absolument veiller au respect des libertés publiques et de nos principes constitutionnels.