Plusieurs d'entre vous, Mme Michel et M. Mendes en particulier, m'ont interrogé sur la manière de gérer les flux migratoires et d'aborder la question libyenne. Peut-on conclure un accord à la turque en mettant beaucoup d'argent en Libye, à la suite du sommet de La Valette, pour endiguer le processus ? Pour avoir suivi ce dossier depuis un certain temps, je pense qu'un accord politique en Libye est la première réponse à apporter pour régler la situation libyenne.
Sans la gouvernance d'un État, aucune mesure ne pourra être efficace. Il s'agit donc de trouver un compromis, comme je l'ai indiqué dans mon propos initial, y compris pour répondre à la question européenne. Les navires de guerre mobilisés dans l'opération Sofia – une mission militaire européenne destinée à dissuader les passeurs et sur le point d'être réactivée – ne peuvent naviguer que dans les eaux internationales. Du coup, la mission peut indirectement favoriser le développement de tous les trafics : elle assure une forme de sécurité, au point que certains passeurs utilisent des bateaux prévus pour n'aller qu'à la limite des eaux territoriales où les migrants seront récupérés par les navires de guerre tenus à une obligation d'assistance ! Et dans le respect du droit international maritime, ces navires vont ensuite transférer les migrants sur les côtes italiennes, ce qui provoque la réaction du gouvernement italien… Nous n'avons pas accès aux eaux territoriales libyennes pour combattre vraiment les passeurs et les mafias qui utilisent la misère humaine à des fins de profit.
Tant que nous n'aurons pas réglé le problème de la responsabilité politique en Libye, nous serons confrontés à ce genre de difficultés ingérables. Nous formons des garde-côtes, ce qui est très bien. Encore faut-il qu'ils aient les bateaux qui conviennent et qu'ils soient placés sous l'autorité du gouvernement en place. Or il est actuellement difficile d'identifier les responsables politiques en Libye. Je me permets d'insister sur ce point incontournable y compris pour notre propre sécurité à terme. Il ne faut pas mégoter sur les efforts politiques que nous pouvons faire dans ce domaine.
Monsieur Quentin, vous m'avez interrogé sur le Japon qui affronte deux menaces différentes venant l'une de Corée du Nord et l'autre de Chine. J'ai évoqué les efforts nucléaires et balistiques de la Corée du Nord, signalant que l'amplitude des missiles tirés le 4 juillet dernier permettrait techniquement de toucher l'Alaska. Si le risque est avéré, j'imagine que les États-Unis ne vont pas rester les bras croisés, mais l'affaire concerne aussi la Chine et le Japon. Des tirs balistiques ont été effectués à proximité des côtes du Japon, y compris de sa zone économique exclusive. Le Japon se heurte aussi à la stratégie chinoise dite « ligne des neuf traits » : selon ce concept, la mer de Chine méridionale est considérée comme une mer intérieure chinoise. Cette idée d'en faire une zone maritime chinoise, interdite à la circulation, constitue une menace indirecte pour certaines îles japonaises, au sud de l'archipel. Les Japonais manifestent une grande vigilance et une forme d'irritation à l'égard de cette nouvelle menace.
Le Japon est le seul pays avec lequel nous ayons une relation de dialogue stratégique appelé « deux plus deux », c'est-à-dire que les ministres des affaires étrangères et les ministres de la défense des deux pays se réunissent tous les ans pour faire le point sur leur coopération. Je vais avoir le plaisir de recevoir mon collègue japonais avant la fin de l'année pour cet échange. Nos relations sont d'une très grande qualité et elles sont appelées à se renforcer, en particulier dans le domaine militaire où les Japonais ont décidé de développer une coopération avec des partenaires. C'est une grande nouveauté pour un pays qui, jusqu'à présent, était recroquevillé sur lui-même dans ce domaine particulier.
M. Masséglia m'a interrogé sur les opérations de l'armée françaises à Mossoul. Dans le cadre de la coalition, nous avons engagé douze Rafale. Nous participons à la formation des peshmergas à Erbil et des unités de l'armée irakienne à Bagdad. L'une de nos unités d'artillerie a contribué à la bataille de Mossoul. Voilà pour ce qui est des effectifs et du panorama de l'action de l'armée française dans le cadre de la coalition depuis 2014. Nous pourrions être amenés à repositionner l'ensemble du dispositif. Mme Florence Parly va participer à une réunion des ministres de la défense des pays de la coalition, qui doit se tenir la semaine prochaine et qui est destinée à évaluer la situation. Au barrage de Mossoul, le pire – que l'on redoutait – ne devrait pas se produire. La structure est très surveillée par des civils et des militaires italiens et la menace de rupture est à peu près endiguée.
Madame Le Pen, nous connaissons les sources de financement de Daech, et, dans une vie antérieure, je me suis assez largement expliqué sur ce point. La première source a été la succursale de la banque centrale à Mossoul : lorsque Daech a pris la ville, tout le monde est parti, et il n'y avait plus qu'à se servir. La deuxième source a été la vente de pétrole « au noir », si je puis me permettre l'expression, à des intermédiaires divers et variés, à des mafias.