Permettez-moi avant toute chose de vous présenter mes collaborateurs Maïa Wirgin, secrétaire générale de Radio France, Laurent Guimier, directeur des antennes et des contenus, et Sibyle Veil, directrice des opérations et des finances, qui m'accompagnent pour cette présentation relative au contrat d'objectifs et de moyens, en particulier l'exécution pour 2016, étant entendu que nous pourrons également tracer un certain nombre de perspectives.
Pourquoi un service public de la radio ? Nous sommes nombreux à être convaincus que la diversité du paysage audiovisuel, en particulier radiophonique, nécessite un service public divers, indépendant, rigoureux – cela va de soi – mais aussi engagé et, naturellement, performant. C'est sur ces différents thèmes que je souhaite revenir ce matin.
Vous l'avez dit, monsieur le président : le COM a été signé en avril 2016, après la crise de 2015 qui a été difficile pour le groupe, étant donné sa situation financière particulièrement dégradée. L'État nous accompagne pour que nous retrouvions une trajectoire positive à l'occasion de ce COM. Malgré les difficultés financières passées et à venir, il faut saluer les derniers résultats de Médiamétrie – la radio, en effet, a ceci de particulier par rapport à la télévision que les audiences ne sont mesurées que tous les deux ou trois mois –, qui ont clos une saison très dense et profitable pour les radios publiques : en un an, notre audience a gagné 850 000 auditeurs supplémentaires, pour une audience cumulée de 26,4 % pour l'ensemble du groupe – un record. C'est d'abord un record pour notre chaîne phare, qui fait tant d'envieux que l'on en débauche les talents. Depuis trois saisons, France Inter n'a cessé de progresser pour atteindre désormais une audience de 11,1 % en audience cumulée. Tout au long de la saison passée, plus de 6 millions de Français ont écouté France Inter chaque jour : c'est son plus beau résultat depuis une dizaine d'années. Plus satisfaisant encore : nous avons réalisé notre meilleure performance chez les jeunes – qui, à la radio, désignent la tranche d'âge de 35 à 49 ans – depuis quatorze ans, ce qui témoigne du renouvellement des publics de France Inter.
France Info a également été au rendez-vous de l'actualité, comme les parlementaires que vous êtes s'en sont certainement rendu compte au quotidien, en se positionnant comme un vrai média global, notamment grâce à l'offre lancée le 1er septembre en partenariat avec France Télévisions. Cette chaîne a ainsi pu poursuivre sa croissance, en particulier sur le réseau numérique, au point qu'elle s'est imposée comme premier site d'information en avril et en mai, devant les sites de presse. Cela étant, le lancement de ce média global a été tout sauf un inconvénient pour notre radio qui, depuis dix ans, n'avait jamais connu une audience cumulée – 8,9 % – aussi forte. Cela tient au travail conduit depuis trois ans afin de repositionner France Info comme radio d'information continue.
Le réseau France Bleu compte quarante-quatre radios locales, généralistes et musicales, auxquelles les parlementaires sont sans doute attachés puisque ce sont les radios de proximité. Voilà l'enjeu majeur pour nous, car c'est la seule chaîne dont l'audience a plutôt reculé ces trois dernières années, avec 6,4 % en audience cumulée. Un important travail de repositionnement doit être accompli à partir de la rentrée. Les grilles de France Bleu n'ont guère évolué, voire pas du tout, depuis huit ans, et le traitement de l'actualité de proximité, pourtant au coeur de l'activité de France Bleu, a sans doute connu une érosion et doit désormais être réinventé. Cependant, France Bleu connaît de très beaux succès sur le numérique, comme ce fut le cas lors des élections législatives : nous avons alors atteint un pic d'audience numérique avec plus de 700 000 visites le dimanche 11 juin, car le service permettant de trouver les résultats d'une circonscription donnée était tout simplement performant.
Si le service public devait se résumer à un acteur, France Culture serait le premier. Depuis une quinzaine d'années, cette chaîne rassemble sans avoir rien perdu de son exigence : avec 2,2 % d'audience cumulée, elle a plus de 1 180 000 auditeurs quotidiens, soit une hausse de 130 000 auditeurs en un an. Exigeante, je le disais, cette radio est aussi accessible au plus grand nombre, comme en attestent ses résultats.
France Musique est notre chaîne de la musique classique et du jazz – je ne l'oublie pas, car je sais combien les amateurs de jazz sont attentifs à la programmation de ce genre musical sur la chaîne. L'année s'achève en situation de stabilité, avec 1,5 % d'audience sur l'ensemble de la saison. J'avoue une certaine déception, car France Musique a pris le parti de diffuser davantage de musique, comme je l'avais écrit noir sur blanc dans mon programme en 2014 : plus de musique, moins de musicologie ; d'abord la musique, les paroles ensuite – ce qui m'avait valu quelques inimitiés. Nous avons donc réinscrit France Musique dans cette logique de la transmission du goût et des savoirs de la musique classique. Ce travail doit être approfondi, et nous le ferons dès la fin de l'année grâce à la nouvelle plateforme numérique qui permettra de refondre toute l'offre numérique de France Musique autour de la vidéo et, en particulier, des captations provenant de l'auditorium de Radio France, mais aussi autour des concerts et de l'actualité de la musique classique, en vue de produire nos textes au moins en version bilingue et, à terme, l'amélioration des technologies aidant, en version multilingue afin qu'ils soient mieux référencés dans le monde très international de la musique classique.
Mouv' enfin, est vraiment notre radio jeune – les jeunes de 13 à 24 ans, cette fois-ci ! Là encore, ce repositionnement effectué il y a plus deux ans était un véritable pari : Le Mouv' avait été créé en 1997, il y a vingt ans, et nous avons choisi – j'en avais pris l'engagement résolu – de refaire de Mouv' une radio musicale axée sur les cultures et les musiques urbaines, en particulier le hip hop et le RnB. Après deux saisons passées à construire patiemment cette nouvelle audience, les résultats sont là, même s'ils n'ont pas encore complètement atteint le niveau que nous souhaitions puisque, conformément au COM, nous devions atteindre 1 % d'audience et que le niveau s'établit actuellement à 0,7 %, soit un quasi doublement en un an, avec 186 000 auditeurs supplémentaires. Ce travail s'appuie sur l'offre numérique, car une présence numérique accrue est indispensable pour s'adresser à ces nouveaux publics, en particulier sur le réseau Snapchat, qui est le réseau favori de cette tranche d'âge.
Je n'oublie pas FIP, monsieur le président, qui, en effet, n'est pas une radio nationale puisqu'elle n'est diffusée que sur douze fréquences – j'inclus Saint-Nazaire pour les Nantais et Arcachon pour les Bordelais. Malgré ce modeste réseau hertzien, FIP obtient des résultats incroyables, avec 1 % d'audience nationale. Aujourd'hui, l'audience de cette radio est majoritairement numérique, à hauteur de 75 % ; autrement dit, la puissance de la marque et de l'offre de FIP dépasse la douzaine de villes où la chaîne est émise. Le numérique lui permet de toucher un large public non seulement en France, mais aussi à l'étranger, où les auditeurs sont nombreux. La vocation locale de FIP n'est pas remise en cause, y compris dans les trois villes – Bordeaux, Nantes et Strasbourg – où nous disposons d'une antenne active. Certes, un repositionnement aura lieu à l'occasion de départs naturels en retraite, et j'y reviendrai : le groupe dans son ensemble consent un effort visant pendant trois ans à ne pas remplacer une partie des départs en retraite. À cette occasion, nous avons revu la façon dont l'actualité culturelle locale sera traitée. Ce qui est certain, c'est que nous resterons présents dans les trois villes susmentionnées. L'idée est que nous soyons aussi présents dans l'ensemble des dix villes où FIP est diffusée, et d'adapter le traitement en fonction des circonstances de chacune des quelques villes qui ont la chance de recevoir cette radio. Il n'existe donc aucun risque pour les antennes locales ; en revanche, les méthodes de travail peuvent évoluer. FIP a été créée en 1971 ; nous disposons désormais, grâce aux nouvelles technologies numériques, d'une capacité à couvrir les publics visés et l'actualité de façon différenciée.
Globalement, mes équipes et moi avons travaillé depuis trois ans pour disposer aujourd'hui de la gamme de radios la plus large et la plus diversifiée qui soit afin de toucher le public le plus nombreux possible. Là encore, j'ai souhaité un changement de paradigme, en remettant le public au coeur de nos préoccupations – même si cela peut sembler étrange, voire tautologique s'agissant du service public. Nous n'oublions pas pour autant notre caractère de média de l'offre. L'un des traits distinctifs du service public tient précisément à son indépendance vis-à-vis des acteurs politiques mais aussi des acteurs économiques, puisque nos ressources propres ne représentent que 10 % du budget. Nous avons néanmoins souhaité explorer comment notre gamme de radios pourrait couvrir le spectre le plus large des Français, des catégories sociales, des habitants des centres-villes et des zones urbaines, périurbaines et rurales. C'est ce repositionnement accompli depuis trois ans qui fait notre succès : pendant cette période, nous avons gagné 1 100 000 auditeurs, sur un marché de la radio qui est difficile, car le taux de pénétration de ce média est plutôt en baisse depuis quelques années, ce qui rend notre performance d'autant plus remarquable.
Radio France n'est pas qu'une radio ; l'une de ses originalités est aussi la Maison de la radio, à laquelle les Français sont attachés. Si elle a un prix, elle a aussi un coût, celui du chantier, qui a débuté en 2004 et qui s'étalera encore sur quelques années. Néanmoins, le public peut d'ores et déjà bénéficier des améliorations apportées aux espaces qui lui sont désormais accessibles, puisque j'ai souhaité une plus grande ouverture de la Maison de la radio, en particulier pour ce qui concerne notre deuxième activité, celle de la production musicale et culturelle. En novembre 2014, deux mois avant l'ouverture de la Philharmonie de Paris, nous avons inauguré un auditorium de 1 500 places. L'enjeu était de faire de Radio France un acteur culturel et musical alors même que l'offre de concerts organisés à Paris allait décupler. Le pari est gagné : au cours de la saison 2016-2017, le taux de remplissage de nos salles de concert est passé de 58 % à 74 %, soit une hausse substantielle. La saison 2017-2018 commencera le 7 septembre prochain lors de l'arrivée d'Emmanuel Krivine comme nouveau directeur musical de l'Orchestre national de France. J'en profite pour faire de la publicité : aujourd'hui sort le dernier film de Luc Besson, Valérian, dont la musique, composée par Alexandre Desplat, a été enregistrée par les musiciens de l'Orchestre national de France au studio 104 de la Maison de la radio. Cela faisait plus de trente ans qu'une bande originale n'avait pas été réalisée en France pour une telle production. Je me réjouis de constater que les orchestres des ex-pays de l'Est ne sont plus seuls à pouvoir relever ce défi. C'est aussi grâce au travail du Gouvernement et du législateur qui, avec le crédit d'impôt international, nous ont rendus plus compétitifs et nous ont permis de relocaliser ce type de superproductions. En clair, la nouvelle saison s'annonce très bonne : en quelques semaines, nous avons enregistré plus de cinq mille abonnements. Plus de deux cents concerts seront organisés, et nous espérons dépasser les 300 000 spectateurs.
Tout ce travail serait impossible sans une transformation importante de l'entreprise, dans une logique d'économie. Vous avez rappelé, monsieur le président, la situation dégradée que nous avons connue dès la fin de 2014 en termes de déficit. Le COM prévoit un retour à l'équilibre au cours de ses trois premières années, c'est-à-dire d'ici à 2018. L'année 2016 a été meilleure que prévu puisque nous avons réduit notre déficit à 10,6 millions contre une prévision de 16,6 millions. Cette amélioration de 6 millions tient à des économies réalisées dans tous les secteurs, notamment des économies importantes sur les frais de diffusion, qui sont notre deuxième poste de dépenses après la masse salariale, mais aussi des économies sur l'ensemble des fonctions d'achat et, enfin, des économies sur la masse salariale elle-même.
Radio France – c'est là encore l'une de ses singularités par rapport à la télévision publique – produit tous ses programmes en interne, et la masse salariale représente donc 60 % de son budget ; nous avons l'obligation de la stabiliser au cours du COM. C'est un effort partagé par l'ensemble des collaborateurs ; il n'est pas facile à consentir, et je salue à cet égard l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux dans cette phase de rétablissement de la santé financière de Radio France. L'effort porte sur un total de 230 postes sur trois ans ; 2016 fut la première année de mise en oeuvre du principe de non-remplacement d'un départ en retraite sur deux, et nous sommes presque parvenus à cet objectif puisque nous avons supprimé 70 des 90 postes projetés, ce qui nous a tout de même permis de respecter la trajectoire de masse salariale grâce à d'autres mesures produisant un effet de noria et un effet frictionnel, par exemple.
Nous poursuivrons sur cette trajectoire cette année et l'année prochaine en améliorant en outre nos recettes propres qui, je l'ai dit, représentent environ 10 % du budget de Radio France. L'an dernier, grâce à la modification du cahier des missions et des charges qui nous permet, depuis le mois d'avril 2016, d'accueillir tous types d'annonceurs sur nos antennes, nos recettes publicitaires ont légèrement dépassé 41 millions d'euros et s'inscrivent dans la trajectoire du COM.
La nécessité de hiérarchiser et de prioriser nos projets a un effet bénéfique : elle nous oblige à faire des choix et à moderniser notre fonctionnement. Nous l'avons vu avec la reconfiguration de l'ensemble de l'offre numérique de France Bleu, qui était l'une de mes priorités à ma prise de fonctions. Pour la première fois, nous avons travaillé à cette occasion en mode « projet », c'est-à-dire de manière décloisonnée entre les différents corps de métiers de la chaîne pour parvenir, en neuf mois seulement, à produire une nouvelle offre numérique. Ce succès initial a inspiré les autres entités, et nous devons désormais favoriser ce management en mode « projet » qui permet non seulement de décloisonner, mais aussi de donner des perspectives d'évolution de carrière aux collaborateurs. Le numérique est aussi un facteur d'accélération de la transformation interne des structures d'une entreprise comme la nôtre. Nous accompagnons donc nos collaborateurs par un important effort de formation professionnelle. Nous faisons face à un enjeu de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) pour, grâce au numérique, inscrire pleinement l'entreprise dans le temps présent et pour la projeter dans les temps à venir de telle sorte que nos collaborateurs puissent participer à cette aventure et se projeter eux aussi dans cette transformation dont les cycles sont désormais de plus en plus courts, car l'évolution des usages et des technologies est de plus en plus rapide. C'est dans cette logique que nous nous inscrivons aujourd'hui.
Permettez-moi enfin de tracer quelques perspectives d'avenir. La saison radiophonique qui s'ouvrira en septembre s'annonce passionnante : les enjeux concurrentiels seront renouvelés car à nos concurrents traditionnels que sont les radios commerciales s'ajoute l'arrivée de nouvelles technologies qui ouvriront sans doute le champ concurrentiel de la voix – je pense en particulier aux assistants vocaux personnels. Google a annoncé le lancement de son assistant le 3 août prochain et Amazon au premier trimestre de 2018 ; j'y vois une occasion pour la radio de s'impliquer pleinement dans cette troisième révolution numérique autour de la voix, qui remplacera le clavier. La radio pourra ainsi renforcer et diversifier son offre, et Radio France pourra offrir davantage de possibilités de découvrir et d'écouter ses programmes. Les émissions en podcasts connaissent déjà un immense succès : 50 millions de téléchargements sont ainsi effectués chaque mois. Il y a trois ans, ce nombre ne dépassait pas 15 millions pour l'ensemble du groupe ; aujourd'hui, c'est le nombre de téléchargements qu'atteint France Culture à elle seule. L'arrivée des assistants vocaux nous permettra de franchir un nouveau cap, mais sera aussi l'occasion pour certains nouveaux entrants de se positionner sur le marché de la voix – je pense notamment à la presse écrite, qui avait déjà très bien réussi sa transformation numérique sur l'internet fixe.
Ces nouvelles possibilités s'accompagnent d'enjeux non seulement commerciaux mais aussi sociétaux, en particulier en ce qui concerne les données. Pour nous, il s'agit d'un enjeu crucial consistant à mieux connaître nos publics afin de mieux leur adresser la profondeur de notre offre, mais il s'accompagne de plusieurs dangers en matière de valorisation des données personnelles : qui les détiendra et pour quel usage ? Aujourd'hui, la concurrence est mondiale. Les fameux GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – sont nos partenaires mais aussi nos concurrents. La question se pose donc de savoir qui gèrera ces données personnelles et, en la matière, nous devons naturellement être exemplaires. À quelle régulation ce secteur sera-t-il soumis afin que les médias de masse traditionnels que sont la radio et la télévision puissent avoir une place sur ce grand marché des données, qui permet d'améliorer fortement l'adressage de nos contenus tout en créant une concurrence nouvelle ? À mon sens, il faudra que cette concurrence soit équilibrée et équitable. Or, je crains que ce secteur ne souffre aujourd'hui d'une forme de distorsion, car les médias audiovisuels sont strictement réglementés tandis que les nouveaux entrants, derrière un confortable statut d'hébergeur, se livrent à une course sans contraintes ou moyennant des contraintes beaucoup plus légères que les nôtres, alors même que les médias publics contribuent largement au financement de la création et d'une information crédible, sérieuse et vérifiée – l'information, en somme, qui fait la fierté du service public tout en lui créant des obligations.
Enfin, à cet enjeu de régulation s'ajoute un enjeu de financement face à cette nouvelle concurrence. Pour les médias publics, cet enjeu est celui de la contribution à l'audiovisuel public. Depuis près d'un an, j'appelle à la refonte de cette contribution, et vous m'offrez l'occasion ce matin de le faire une fois de plus devant la représentation nationale. Si nous voulons garantir le financement pérenne et constant d'un audiovisuel public performant, innovant et conquérant, nous devons moderniser cette contribution, en nous inspirant par exemple de certains de nos proches voisins. La transformation numérique en cours doit aussi être l'occasion de moderniser ce mode de financement de l'audiovisuel public.