Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du jeudi 7 juin 2018 à 15h00
Lutte contre la manipulation de l'information — Motion de rejet préalable (proposition de loi organique)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, sur la forme, si l'on considère la presse française, je m'interroge sur l'utilité de ces propositions de loi relatives à la lutte contre les fausses informations, renommées très rapidement en commission « propositions de loi relatives à la lutte contre la manipulation de l'information ». Notre arsenal législatif répond déjà aux injonctions formulées dans ces textes. Ainsi, la loi de 1881 sur la liberté de la presse prévoit déjà des sanctions contre les fausses nouvelles. Son article 27 dispose en effet : « La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d'une amende de 45 000 euros. »

Sur le fond, je confirme l'inutilité finale de vos textes puisque vous ne considérez qu'une partie du champ de diffusion de l'information. L'ensemble du réseau internet est épargné. Vous pourriez, par exemple, légiférer pour contraindre les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – à coopérer plus étroitement avec la justice, notamment pour permettre l'identification des auteurs de fausses nouvelles. Actuellement, les hébergeurs échappent à la loi de 1881 et ne sont pas responsables pénalement des publications qu'ils diffusent, contrairement aux médias traditionnels. Vous pourriez aussi leur enjoindre de vous transmettre leurs méthodes de collecte et de modération, ainsi que les algorithmes qui les accompagnent. Lorsque nous vous signifions cet état de fait, vous nous rétorquez que notre légitime préoccupation ne s'inscrit pas dans les textes que vous proposez.

Vos propositions de loi ciblent avant tout les entreprises médiatiques étrangères, en occultant le fait que les entreprises susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation peuvent tout aussi bien se trouver sur notre territoire, puisque les entreprises qui possèdent actuellement les médias en France servent avant tout leurs propres intérêts.

Souvenez-vous de l'affaire du charnier de Timisoara ! En décembre 1989, tandis que Ceausescu était renversé, les télévisions du monde entier diffusaient des images atroces de cadavres mutilés, soi-disant découverts après la libération de la ville. Les envoyés spéciaux dépêchés sur place annonçaient plusieurs milliers de morts. Des journaux tout à fait respectables parlaient de boucherie, de chambres de torture, d'un horrible charnier… « Dracula était communiste », pouvait-on lire à la une du magazine L'Événement le 28 décembre 1989.

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